Incinération : Melun est mise en examen
Après une pollution à la dioxine d’un incinérateur, la communauté d’agglomération de Melun Val-de-Seine a été mise en examen le 8 septembre pour «infraction à la législation sur les installations classées» et «mise en danger de la vie d'autrui» par la juge Anne-Marie Bellot du pôle Santé publique du tribunal de Paris…
La magistrate instruit des plaintes déposées en 2003 et 2004 par la commune de Maincy, voisine de l'incinérateur et par l'Association des victimes de l'incinération et de leur environnement (Avie). Une centaine de riverains ont également saisi la justice. « Nous nous réjouissons de cette mise en examen, même s'il a fallu cinq ans pour y arriver », a déclaré Me Corinne Lepage, avocate de la commune, en déplorant « qu'aucune personne physique, dont les responsables de l'usine, ne soit poursuivie dans ce dossier ». Rappelons que Corinne Lepage, présidente de CAP 21, avait lancé un appel pour un avenir sans incinérateurs en 2005 « face à la gravité des innombrables problèmes sanitaires, environnementaux et socio-économiques, posés par les dioxines, furanes et autres substances toxiques de synthèse résultant de la combustion industrielle des déchets ménagers »…
Mis en service en 1974, l'incinérateur d'ordures ménagères de Vaux-le-Pénil a dû fermer en juin 2002 à la suite des résultats élevés d’analyses de dioxines à l’émission (226 ng/m3 pour une norme de 0,1) et dans les sols.
Dès 1999, des travaux de mise aux normes de l'usine avaient été ordonnés par la préfecture de Melun (Seine-et-Marne). Faute de résultat, le 5 septembre 2001, le préfet avait donné six mois au syndicat intercommunal de l'agglomération pour respecter les normes sans obtenir gain de cause. Il avait alors ordonné la fermeture de l'usine.
Un nouvel incinérateur d'une capacité de 125 000t/an, autorisé en 2001, a ensuite été construit sur le même site et a été inauguré le 14 juin 2003. Selon le ministère de la santé, cet incinérateur bénéficiait des dernières technologies et respectait les normes d’émission fixées par une récente directive européenne, en particulier le niveau de 0,1 ng/m3. Une surveillance des dioxines en « continu » (filtre accumulateur analysé tous les mois) devait être alors mise en place.
Cela étant, l’étude d’impact de ce nouvel incinérateur avait été attaquée devant le tribunal administratif sur le motif de l’insuffisance du volet sanitaire.
Pour l'heure, la justice reproche au syndicat d'agglomération, gestionnaire de l'usine, de ne pas avoir réagi aux demandes de la préfecture. Le 12 décembre 2002, le maire de Maincy, Pascale Coffinet, avait interdit la consommation des oeufs pondus sur le territoire communal et la préfecture rappelé à la population de bien laver les légumes, cequi n'avait pas manqué de provoquer l'inquiétude puis la colère des personnes proches.
Des médecins de Maincy ont signalé dès 2002 des cas suspects de cancers. L'Institut de veille sanitaire (Invs) et l'Agence française de sécurité des aliments (Afsa) ont donc mené (en 2005) une enquête sur les sites des incinérateurs sans trancher sur les conséquences sanitaires dans le cas de l'usine de Vaux-le-Pénil. « La terre est polluée pour des dizaines d'années. Huit communes riveraines sont considérées comme polluées par la préfecture », dénonce Mme Coffinet, en expliquant que la consommation de produits locaux est toujours déconseillée. « N’oubliez pas, il a fallu un siècle pour faire reconnaître la toxicité de l’amiante. Le premier article relevant la toxicité des dioxines a été publié il y a environ 70 ans », mais force est de constater, que « la prise de conscience des problèmes sanitaires autour des incinérateurs se fait lentement. »
« Aujourd’hui, nous attendons la date du jugement avec beaucoup d’espoir car nos demandes sont pleinement justifiées » ajoute Pascale Coffinet. Affaire à suivre.