Incinération, nouvelle coqueluche de l'Angleterre
L'Angleterre aura pris tout son temps mais ça y est : la décision gouvernementale de rattraper son retard en matière de gestion des déchets ménagers est prise avec à la clé un ambitieux programme à partir duquel Veolia espère bien tirer son épingle du jeu. Le leader français mise en effet sur la valorisation des partenariats public-privé...
Selon une étude de Frost & Sullivan, le marché de l’incinération des déchets a encore de beaux jours devant lui : il serait même en plein boom en Europe et devrait continuer à prospérer au cours de ces dix prochaines années. La capacité européenne en la matière pourrait même progresser d’environ 13 millions de tonnes tandis qu'on estime que 100 usines supplémentaires verront le jour d’ici 2012...
« A bas les décharges, vive l’incinération ! »... Tel est en substance ce que l'on peut retenir du message lancé l’an dernier par le gouvernement de Sa gracieuse Majesté lors de la présentation de la stratégie pour l’Angleterre, le 24 mai 2007. Avec, on s'en serait douté, la nécessité de mettre la main au porte monnaie : la taxe concernant les décharges devrait passer de 24 livres (30 euros) par tonne de déchets en 2007 à 48 livres (60 euros) en 2010, contre environ 9 euros la tonne en France.
Un système d’échange de quotas de tonnes de déchets mis en décharge a même été introduit pour limiter le recours des collectivités à ce dispositif. Le but étant d'éviter de payer des centaines de millions d’euros à Bruxelles pour non-respect de la directive de 1999 sur les décharges, qui exige une réduction des déchets biodégradables stockés dans les centres d’enfouissement. Et comme le Royaume-Uni a déjà été condamné une première fois en octobre 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), elle risquerait, en cas de récidive, une lourde pénalité financière.
Mais revenons à leurs moutons... L'Angleterre, qui produit environ 508 kg/an/hab. de déchets ménagers, change résolument de cap : alors que les déchets ménagers sont le plus souvent mis en décharge (60%), et que le recyclage/compostage ne compte que pour 30% tandis que l'incinération représente 10%, la répartition prévue pour 2020 est respectivement de 25%, 50% et 25%.
Pour accélérer cette mini révolution qui devra être opérée par les collectivités locales et qui nécessitera la construction d’infrastructures, le Gouvernement a choisi de s’appuyer sur le «PFI», private finance initiative, un mécanisme contractuel appartenant à la famille des partenariats public-privé (PPP) et développé dans les années 1990 outre-Manche, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation.
Dans le cas des déchets, ce n’est pas tant le recours au secteur privé qui séduit les collectivités que les 2 milliards de livres (2,5 milliards d’euros) que va leur verser le Gouvernement dans les 3 ans qui viennent, pour un montant total des investissements estimé entre 10 et 12 milliards de livres (13 à 15 milliards d’euros).
Vu sous cet angle, on imagine ô combien le programme est alléchant tout autant que séduisant pour les professionnels de la gestion des déchets. Notre Français Veolia n'y est pas insensible d'autant que le Royaume-Uni ets l'un de ses terrains de chasse favori : il représente aujourd'hui le deuxième marché après la France. « Ce n’est pas un secret : les PFI sont très importants pour nous. Nous répondons à beaucoup de projets», a confirmé Jean-Dominique Mallet, directeur de Veolia environmental services (équivalent britannique de Veolia propreté) dans le cadre d'une conférence de presse, qui a eu lieu le 25 juin...
D'ores et déjà, 30 projets de PFI relatifs aux déchets ont été repérés par le Français. Mais la partie n'est pas gagnée ! « Il y aura de plus en plus de concurrence dans les prochaines années», ajoute Jean-Dominique Mallet. Ainsi Biffa, l’un des principaux concurrents de Veolia, a été racheté par une alliance de plusieurs fonds dont Global infrastructures partners qui appartient à GE infrastructure. Et puis... il parait que 21 acteurs de la propreté envisagent de demander à bénéficier de ces crédits dans le cadre de PFI.
Sans compter la patience, un capital essentiel et nécessaire pour mettre en œuvre des projets d’incinération en Angleterre. « Le facteur temps est un cauchemar. Je pense notamment à un contrat pour lequel il a fallu 7 ans de discussions, et ce après la signature », conclut Jean-Dominique Mallet...