Insertion et Recyclage : Kroc'Can a croqué ses 20 ans à belles dents
De fait, l’activité de Kroc’Can (gestion de déchetteries, collecte de déchets spéciaux, sensibilisation au tri) s’étend aujourd’hui sur un territoire représentant 600 000 habitants, soit les 2/3 du Var ; à n'en point douter, il s'agit d'un développement dont peu d’entreprises peuvent se prévaloir (en 1994, la société pilotée par Didier Montchâtre réalisait un CA de 50 000 francs). Et qui a permis, en 20 ans, à 728 personnes de retrouver le chemin de la réinsertion, à environ 1 million de personnes d’être sensibilisées au tri et 1 million de tonnes de déchets d’être revalorisées.
Ces chiffres sont d’autant plus édifiants que l’activité de Kroc’Can s’insère dans un marché fortement concurrentiel. En effet, des compétiteurs tels que Bronzo, Pizzorno Environnement, Veolia Environnement, Derichebourg, se posent là et sont pas sur le marché pour rigoler ... En outre, comme toute entreprise d’insertion, elle assume les mêmes droits et devoirs qu’une entreprise commerciale : mêmes règles fiscales, juridiques et économiques. Certes, elle reçoit de l’Etat des aides au poste, représentant 12 à 14% de son CA. Mais en tant qu’entreprise d’insertion, elle a surtout des obligations (de résultat : 60% des salariés en poste d’insertion doivent avoir trouvé un emploi durable ou un parcours de formation à l’issue de leur parcours dans l’entreprise, qui ne peut excéder 24 mois) et des contraintes (par exemple, un taux d’encadrement deux fois supérieur à celui d’une entreprise classique : 20 permanents pour 58 postes d’insertion).
Cela signifie-t-il que les raisons du succès de Kroc’Can sont endogènes. Si oui, quelles sont-elles ? Le dirigeant de l'entreprise n'est pas avare en explications...
Il évoque tout d'abord, le choix d’un modèle différent : la raison d’être de Kroc’Can "n’est pas capitalistique : elle n’a pas d’actionnaire à rémunérer. Sa finalité est d’abord sociale et environnementale : permettre à des gens en difficulté (personnes bénéficiaires des minima sociaux, chômeurs de longue durée, travailleurs handicapés, jeunes de moins de 26 ans sans ressource, personnes sortant du système carcéral, ndlr…) de se réinsérer", au travers d’un emploi utile au territoire, dans le domaine de l’environnement.
Et d'évoquer, ensuite sa capacité d’innovation : dès sa création, l’entreprise mettait en place la première collecte sélective des boites boissons en aluminum. En 2005, "elle était la première à gérer en sous-traitance pour une collectivité la sensibilisation au tri de ses habitants (dispositif Ambassadeurs du Tri). Aujourd’hui, elle est sur le point de proposer une collecte d’huiles de friture revalorisées en matière première secondaire ou en énergie de chauffage urbain ! A moyen terme, elle réflechit à des solutions de démantèlement de bateaux de plaisance hors d’usage - il n’en existe pas de satisfaisante à l’heure actuelle".
Est ce à dire que l’histoire de cette entreprise démontre par les faits que l’insertion n’est en rien un frein à l’innovation? Sans doute ! Est ce que l'insertion en constitue peut-être un moteur? Pour le patron, "aucune de ces innovations n’aurait en effet été possible sans l’implication forte des salariés, et pas seulement des permanents" ! Et de nous expliquer, aussi que "chez Kroc’Can, le taux d’absentéisme est ainsi très inférieur à la moyenne du secteur".
Comment expliquer cette implication et le maintien d’un savoir-faire reconnu, malgré le turn-over induit par son statut ? Les réponses sont sans doute multiples. Mais la finalité sociale du projet (qui redonne un sens à un métier perçu comme ingrat par beaucoup), la responsabilisation et l’accompagnement de proximité (le choix des axes de progrès de chaque salarié résulte de la confrontation de son auto-évaluation avec celle réalisée par l’accompagnanateur Kroc’Can) sont des pistes d’explications vraisemblables...
On ne saurait terminer sans le mot final qui s'impose : BRAVO!