Jurisprudence: Responsabilité d'une société collectrice de déchets sur l'état d'un site de transit et de stockage
Dans une décision du 25 février 2003, la Cour de cassation précise les conditions de la mise en cause de la responsabilité d’une société collectrice de déchets à l’issue de la période d’exploitation d’un site de transit et de stockage.
Rappel des faits
La société TDB avait une convention d’occupation précaire d’une durée de 8 mois . Elle exploitait un site de stockage et de récupération de déchets de métaux. Elle déposa le bilan et fut liquidée judiciairement.Elle restitua le terrain avec 9 mois de retard et dans un état non conforme: hangar brûlé, stockage de déchets...
Dans ce contexte, le propriétaire demanda réparation du préjudice subi notamment aux sociétés qui collectaient et livraient les déchets pour les apporter sur le site: Derichebourg, Ipodec et Bennes Express.
Le propriétaire n'a pas obtenu gain de cause en Cassation car « Des détritus avaient été déversés sur le terrain litigieux avant (…) la date de l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation du terrain », et de plus « aucun état contradictoire n’avait été dressé avant la prise de possession de ce terrain par les occupants ». « La responsabilité de ces sociétés ne pouvait être engagée »
Extrait du Jugement: Société Profidis contre Société Derichebourg
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 1999), que la société Profidis et compagnie (la société Profidis), par acte du 16 juillet 1993, a consenti à la société Terrassement démolition bennes (la société TDB) une convention d'occupation précaire d'une durée de huit mois sur partie d'un ensemble immobilier situé à Saint Germain-lès-Arpajon en vue du retraitement de déchets industriels ; que, par arrêté préfectoral du 10 décembre 1993, la société TDB a obtenu l'autorisation d'exploitation, pour une durée de six mois, d'une station de transit de résidus, d'une station de transit de déchets industriels et d'une installation de stockage et d'activité de récupérations de déchets de métaux ; que, le 16 janvier 1994, les locaux dans lesquels devaient être déchargés les déchets ont brûlé ; que des déchets ont été stockés hors de la zone autorisée et que l'exploitation a débordé en dehors du hangar qui constituait le poste de transit ; qu'au terme de la convention, la société Profidis a demandé à la société TDB la restitution des lieux qui n'est survenue qu'en décembre 1994 ; que la société TDB a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 1994 ; que la société Profidis a assigné les sociétés Derichebourg, Ipodec et Bennes Express qui apportaient leurs déchets sur le site, en indemnisation du préjudice subi par elle sur le fondement des articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil et en constatation de sa créance à l'encontre de la société TDB ;
Attendu que la société Profidis fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les sociétés collectrices de déchets sont tenues d'assurer ou de faire assurer l'élimination de ces derniers conformément aux règles édictées pour la protection de l'environnement, que la livraison à une entreprise habilitée à opérer le tri des déchets n'a pas pour effet d'exonérer par principe de toute responsabilité les sociétés collectrices de déchets, qu'en considérant qu'en faisant assurer par une entreprise spécialisée, munie des autorisations administratives nécessaires, l'élimination des déchets qu'elles avaient collectés, mais qu'elles n'entendaient pas traiter elles-mêmes, les sociétés intimées n'ont pas commis de faute, la cour d'appel a déchargé les sociétés collectrices de l'obligation qui pesait sur elles et violé l'article 2 de la loi du 15 juillet 1975 ;
2°/ que la société qui livre des déchets à une entreprise habilitée à les trier, qui sait que cette dernière ne pourra pas gérer les déchets conformément à la réglementation applicable, commet une faute en les lui livrant quand même ; qu'en constatant que la société Derichebourg avait été informée que le rythme trop élevé des dépôts qu'elle effectuait auprès de la société TDB ne permettait pas à cette dernière d'en effectuer le tri au fur et à mesure et la contraignait à ne pas respecter la réglementation, tout en considérant que cette société ne commettait aucune faute, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°/ que, dès l'instant où elle constatait que des déchets avaient été stockés hors de la zone autorisée et que des déchets avaient été entreposés hors du hangar qui constituait le poste de transit, en violation des conditions fixées par l'habilitation préfectorale, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction pour dénier la faute des sociétés qui avaient livré les déchets, décider que les dépôts étaient conformes à ceux autorisés qu'en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4°/ qu'en tout état de cause, les collecteurs de déchets ne peuvent pas déposer ces déchets auprès d'une entreprise spécialisée, même munie des autorisations administratives, s'ils peuvent constater que cette dernière est en infraction avec la réglementation applicable, qu'en relevant qu'en faisant assurer par une entreprise spécialisée et munie des autorisations administratives nécessaires, l'élimination des déchets qu'elles avaient collectés, mais qu'elles n'entendaient pas traiter elles-mêmes, les sociétés intimées n'avaient pas commis de faute, sans rechercher si les sociétés en cause, Derichebourg, Environnement service, Ipodec, Bennes express avaient livré des déchets après l'incendie, ce qui impliquait le non respect de l'autorisation administrative dont elles avaient connaissance, exigeant que la décharge, le tri et le stockage aient lieu à l'intérieur des locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 de la loi du 15 juillet 1975, 2 et 3 de la loi du 19 juillet 1976 et 7 et 21 du décret du 21 septembre 1977 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que des détritus avaient été déversés sur le terrain litigieux avant le 10 décembre 1993, date de l'arrêté préfectoral autorisant l'exploitation du terrain, et qu'aucun état contradictoire n'avait été dressé avant la prise de possession de ce terrain par les occupants, la cour d'appel qui en a déduit que la société Profidis ne rapportait pas la preuve des griefs qu'elle formulait contre la société TDB et les sociétés collectrices de déchets, a justement décidé que la responsabilité de ces sociétés ne pouvait être engagée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi
Condamne la société Profidis et compagnie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Profidis et compagnie à payer à chacune des deux sociétés Sita Ile-de-France et Neturba la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Métivet, conseiller le plus ancien qui en a délibéré en remplacement du président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille trois.
Pour en savoir plus:
Cour de Cassation, jugement du 25 février 2003, Société Profidis et compagnie c/Société Derichebourg, numéro 99-20.930