Justice : un jugement sur le transfert de déchets La Cour de Justice de l'UE (CJUE) vient de rejeter le recours de la Commission européenne contre la République tchèque au sujet de son refus d’assurer la reprise de 20.000 tonnes de mélange dénommé TPS-NOLO (Geobal) transférées en Pologne depuis son territoire. La Commission n’a pas prouvé que ce mélange constitue un déchet...
Entre la fin de l’année 2010 et le début de l’année 2011, un exploitant tchèque a transféré de Litvínov (République tchèque) à Katowice (Pologne) environ 20.000 tonnes de TPS-NOLO (Geobal), un mélange composé de goudrons acides provenant du raffinage du pétrole, de poussière de carbone et d’oxyde de calcium. Ce mélange a été déposé, en tout ou en partie, sur un terrain situé à Katowice.
En septembre 2011, les autorités polonaises ont informé le Ministère de l’Environnement tchèque qu’elles considéraient le transfert en question comme un transfert de déchets illicite au sens du règlement européen sur les transferts de déchets, du fait de l’absence de la notification prévue par ce règlement pour ce transfert. En janvier 2012, le Ministère de l’Environnement tchèque a répondu aux autorités polonaises que, le TPS-NOLO (Geobal) étant enregistré comme une substance chimique en vertu du règlement REACH 2, il ne le considérait pas comme un déchet et qu’il refusait, par conséquent, d’enjoindre à l’expéditeur tchèque du mélange en cause d’en assurer la reprise conformément au règlement sur les transferts de déchets.
Saisie par une association de l’environnement d’une plainte relative au transfert en cause, la Commission européenne a ouvert en 2014 une enquête en la matière. Par la suite, en raison de la prétendue violation par la République tchèque du règlement sur les transferts de déchets consistant dans le refus d’assurer la reprise, par l’expéditeur tchèque concerné, du mélange en question, elle a formé un recours devant la CJUE à l’encontre de cet Etat membre. A cet égard, la Commission affirme que, en vertu du règlement sur les transferts de déchets, l’objet d’un transfert est présumé être un déchet lorsque les autorités compétentes d’expédition et de destination, comme en l’espèce, ne s’accordent pas sur le point de savoir si celui-ci doit être qualifié de déchet, et ce même si l’objet du transfert est enregistré comme une substance chimique au titre du règlement REACH.
Par un arrêt rendu ce 14 mars, la Cour rappelle que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission de démontrer l’existence du manquement allégué, sans qu’elle puisse se fonder sur une présomption quelconque. Ainsi, en l’espèce, il appartient à la Commission de prouver que le mélange en cause constitue un déchet, ce qui est une condition du caractère illicite du transfert concerné au sens du règlement sur les transferts de déchets. A cet égard, la CJUE souligne que la Commission ne peut pas se borner à se prévaloir de la présomption prévue par ce règlement selon laquelle, en cas de désaccord entre les autorités compétentes d’expédition et de destination sur la question de savoir si une substance constitue un déchet, la substance doit être considérée comme étant un déchet. "Par conséquent, elle ne peut pas prétendre s’en tenir au seul constat d’un tel désaccord entre ces autorités pour conclure que le mélange en cause constitue un déchet".
S’agissant de la question de savoir si la Commission est parvenue à démontrer l’existence du manquement, la Cour constate que le mélange litigieux a été produit à partir de déchets, à savoir de goudrons acides provenant d’une ancienne activité de raffinage sur le site d’Ostrava en République tchèque. Or, le fait qu’une substance soit le résultat d’une opération de valorisation de déchets constitue seulement l’un des éléments qui doivent être pris en considération pour déterminer si cette substance est toujours un déchet, mais ne permet pas, à lui seul, de tirer une conclusion définitive à cet égard. Par conséquent, la seule circonstance que le TPS-NOLO (Geobal) soit produit à partir de déchets ne permet pas d’établir qu’il est lui-même un déchet.
La CJUE rappelle que la notion de "déchet" ne se déduit pas de la dangerosité des substances. S’agissant de la dangerosité alléguée par la Commission des goudrons acides dont est issu le TPS-NOLO (Geobal), la Cour relève que le droit de l’Union n’exclut pas qu’un déchet considéré comme dangereux puisse cesser d’être un déchet si une opération permet de le rendre utilisable sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement et s’il n’est pas constaté que son détenteur s’en défait ou a l’intention de s’en défaire. La CJUE constate également que la Commission n’est pas parvenue à démontrer que le mélange en cause est considéré comme un déchet en République tchèque, et n’a pas contredit l’affirmation de la République tchèque selon laquelle, au moment du transfert en question, ce mélange n’était pas qualifié en Pologne de déchet dont l’utilisation en tant que combustible était interdite.
La Cour considère que le fait que, pendant l’année 2016, la quantité de TPS-NOLO (Geobal) déposée à Katowice ne représentait plus que 6.000 tonnes environ, sur les 20.000 tonnes de ce mélange transférées au cours de l’année 2011, peut notamment s’expliquer par l’utilisation du mélange comme combustible dans des cimenteries polonaises, tant que cet usage était autorisé en Pologne. Ainsi, la CJUE réfute l’argument de la Commission selon lequel ce mélange était dépourvu de toute utilité économique en Pologne et ne pouvait donc être qualifié que de déchet. Enfin, elle estime que, bien que l’enregistrement du mélange en cause avant son transfert en tant que substance chimique au sens du règlement REACH n’exclue pas que, en réalité, celui-ci constitue un déchet et non pas une substance chimique relevant de ce règlement, cette hypothèse, fondée sur l’existence d’un enregistrement erroné au titre du règlement REACH, n’est pas apte à démontrer la nature de déchet de ce mélange.
Dans ces conditions, la Cour conclut que la Commission n’a pas apporté la preuve du caractère de déchet du mélange TPS-NOLO (Geobal). Par conséquent, la Commission n’a pas établi que le transfert litigieux constitue un transfert de déchet et que la République tchèque a manqué à ses obligations découlant du règlement sur les transferts de déchets. Pour ces raisons, la CJUE rejette le recours de la Commission.