Les terres rares - ces métaux aux propriétés peu substituables présents dans notre quotidien via des appareils très divers, sont au cœur du conflit entre la Chine et les pays occidentaux, du fait que la Chine concentre 97% de la production actuelle. Parce que ces terres sont indispensables à la fabrication des nouvelles technologies, elles sont devenues un enjeu stratégique. Ce qui entraîne l'envolée des cours des métaux. Pour contourner le monopole, les industriels cherchent donc des solutions alternatives comme la diversification des approvisionnements et le recyclage...
Les terres rares, un groupe de 17 métaux aux propriétés très convoitées, sont les « vitamines » des nouvelles technologies : ex, le terbium, le néodyme, l’yttrium ou l’erbium. En fait, elles ne sont parfois pas si rares que cela… Ce qui pose vraiment problème, c’est qu’elles sont aujourd’hui presque exclusivement produites par la Chine qui détient 37% des réserves mondiales mais contrôle 97% de leur exploitation. Or, l’exploitation de ces richesses est très encadrée puisque non seulement des quotas à l’exportation ont été mis en place en 2009, mais depuis, chaque année ces quotas se réduisent. Ce qui ne peut que peser lourdement sur les marchés puisque ces métaux sont omniprésents dans notre vie, à travers les ampoules basses consommation, les écrans plats, les pots catalytiques ou les batteries des véhicules hybrides et électriques, l’imagerie médicale, les disques durs, les réacteurs d’avions, mais aussi dans des produits stratégiques utilisés pour le guidage stratégique des armes ou l’industrie nucléaire…
Attention à ne pas amalgamer terres rares et métaux rares : la première catégorie peut faire partie de la seconde. Les experts parlent d’ailleurs plus volontiers de métaux critiques pour éviter la confusion. Contrairement aux terres rares, les métaux critiques, eux, portent bien leur nom...
Patrick Buffet, ancien conseiller technique au cabinet des ministres de l'Industrie et de l'Energie, directeur de cabinet du secrétaire d´Etat chargé de l´Energie est aujourd'hui président - directeur général d'Eramet. Il a débuté sa carrière à la direction générale de l´énergie et des matières premières. mais a également exercé les fonctions de conseiller industriel à la présidence de la République. L'envolée du cours des métaux rares n'est pas sans explications plausibles... Selon le patron d'Eramet...
Le monopole chinois sur les terres rares a été facilité par la fermeture de nombreux gisements dans le monde en raison des difficultés à produire ces métaux et d'une vision « court-termiste » des pays
L'explosion de la demande mondiale en métaux et alliages conjuguée à l'absence d'investissements des groupes miniers ont fait bondir les prix, alors même que les coûts de la R&D pour trouver de nouveaux gisements vont croître
L'existence de 6 projets sérieux seulement dans le monde sur les terres rares légères pose la question d'une pénurie de terres rares lourdes
La nécessité de reconstruire des filières intégrées de terres rares partout dans le monde, à l'image du projet commun d'Eramet avec Areva et Rhodia sur le gisement de Mabounié au Gabon, appelé à devenir l'un des trois premiers mondiaux à l'horizon 2020
L'insuffisance du flottant d'Eramet empêche le Gabon et d'autres investisseurs d'entrer au capital du groupe français, mais aussi au groupe minier d'intégrer l'indice CAC 40, à moins que la participation d'Areva évolue...
« Logiquement, le monopole chinois devrait s’éroder d’ici 5 ou 10 ans mais cela suppose un effort délibéré dans le recyclage et la constitution d’un stock stratégique», estime François Heisbourg, conseiller spécial pour la fondation recherche stratégique qui s’exprimait devant une commission de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPEST) le 9 mars dernier…
En juillet 2010, un comité d’experts commandités par l’UE a ainsi classé 14 métaux indispensables aux nouvelles technologies d’ici à 2030 comme « critiques » puisqu’ils sont en effet importés à 95% en moyenne (2006), sont très peu recyclés, alors que peu de solutions de substitution existent.
Ainsi dans le secteur très tendance des technologies vertes, on peut citer le gallium, utilisé pour les LED, et l’indium pour les écrans LCD (dont on étudierait de près le recyclage, selon l’Ademe) ou encore pour les panneaux photovoltaïques nouvelle génération (CIGS) proposés par Saint-Gobain Solar. A ce stade, on a à faire à un cas particulièrement intéressant : l’indium est rare et donc cher (600 dollars le kilo) ; il vient pourtant en substitution du silicium que l’on trouve en grande quantité, mais qui permet un moins bon rendement et qui revient finalement plus cher…
Si 5 grammes suffisent à un module de 130 watts, il faut 38 tonnes pour produire 1 gigawatt par an, ce qui est lourd lorsque l’on sait que la production annuelle mondiale d’indium est d’environ 1200 tonnes.
Côté Saint-Gobain, on réfléchit, on planifie, on agit… Ce qui se traduit par une diversification des approvisionnements, des contrats de long terme avec les fournisseurs, des études sur la disponibilité et coûts associés, une baisse de la consommation d’indium, voire même des prises de participations dans des mines. Avec un objectif de stabilisation de l’utilisation de l’indium de 10 à 15 tonnes à horizon 2020.
Pour sécuriser leur approvisionnement, les pays et industriels dépendants de ces métaux travaillent sur trois pistes : la réduction de leur utilisation, la diversification des sources en ouvrant ou en ré-ouvrant des mines abandonnées face à la concurrence chinoise, et le recyclage.
C’est notamment la stratégie de Rhodia, leader mondial des formulations à base de terres rares qui a conclu un partenariat de 10 ans avec Lynas pour la mine de Mount Weld, située dans l’ouest de l’Australie et qui, suite à une analyse des « mines urbaines » réalisée il y a 3 ans, travaille parallèlement sur un nouveau procédé de récupération et de séparation des terres rares contenues dans les lampes basse consommation usagées, lesquelles renferment 5 à 6 terres rares (voire rarissimes) dont le terbium, l’yttrium et l’europium, qui comptent parmi les plus difficiles à trouver et donc parmi les plus chères. Non seulement il faut compter au moins 800 $ le kilo pour le terbium par exemple, mais en plus, ils sont très très et de plus en plus demandés : + 6 à 10 % de croissance pour le terbium entre 2010 et 2015 selon Rhodia.
Pour l’Ademe, qui se base sur les prévisions de l’offre par rapport à la demande à l’horizon 2014, l’approvisionnement en terbium et yttrium est jugé « critique » ; d’où l’idée d’activer un procédé de recyclage. Comme la collecte des lampes usagées est aujourd’hui bien implantée que ce soit en France ou en Europe (l’an dernier, via ses 19 000 points de collecte, Récylum, a collecté 3650 tonnes de lampes fluocompactes, à partir desquelles « on pourrait extraire 15 tonnes d’yttrium, 1 tonne de terbium ; et 1 tonne d’europium, soit les besoins européens », a d'ailleurs estimé son directeur, Hervé Grimaud), et bien, mieux vaut mettre ces poudres luminophores, concentrées en terres rares, à disposition de Rhodia pour être recyclées…
Le seul hic...
C'est que séparer et recycler les terres rares est extrèmement complexes et tout aussi coûteux...