La Haute Normandie passe à la méthanisation

Le 19/11/2014 à 18:36  

La Haute Normandie passe à la méthanisation

Le caractère novateur de ce pôle de valorisation de déchets réside dans la combinaison d’étapes de tri mécanique, de méthanisation, de compostage et de complémentation minérale ; conçue pour être évolutive, cette première expérience à grande échelle dans la région aura nécessité 23,9 M€ d’investissement: elle produira 15 000 tonnes de fertilisant et 6 000 MWh d’énergie dont 4000 MWh/an d’électricité (soit la consommation d’une commune de 750 foyers) à partir de déchets ménagers. Située à Brametot en Seine Maritime, cette toute nouvelle unité sera inaugurée ce vendredi…
 
Présidé par Jean-Jacques Demares, le Syndicat Mixte de Traitement et Valorisation des Déchets regroupe dix communautés de communes et une commune et rassemble 122 000 habitants : le Smitvad du Pays de Caux a confié la conception, la construction et l’exploitation de l’E’Caux Pôle à la société Valor’Caux, filiale de Veolia qui a conçu un « outil novateur » qui sera totalement opérationnel en 2015, et dont « le dimensionnement tient compte des objectifs du syndicat et des collectivités adhérentes, de valoriser mieux et davantage les déchets par la promotion du tri et des filières de recyclage en place sur l’ensemble du territoire ».

 De source Ademe, les déchets fermentescibles représentent environ 30% des ordures ménagères auxquels il convient d’ajouter les textiles sanitaires (mouchoirs, essuie-tout…), les papiers et cartons souillés, et autres matières dégradables par méthanisation. In fine, ce seraient plus de 60% des déchets ménagers qui pourraient bénéficier d’une valorisation organique. Ce sont ces constats qui ont généré le choix de la métha (après de multiples débats et études), mise en œuvre à Brametot (sur le site de l’ancienne usine de traitement, arrêtée en 2011) dans le cadre d’une unité qui aura en charge de traiter 36 000 tonnes de déchets par an. De ces tonnages, il devrait résulter 15 000 tonnes de fertilisant auxquelles s’ajouteront 6 000 MWh d’énergie thermique produite à partir du biogaz (dont 4000 MWh/an d’électricité, soit la consommation d’une commune de 750 foyers)

déchets fermentescibles L’E’Caux Pôle de Brametot a pour ambition d’être une sorte de référence en matière de valorisation organique des déchets et de production de biogaz. Outre la production d’énergie et de fertilisant, il permet de traiter les biogaz et les lixiviats des centres de stockage.
De manière classique, après que les emballages et autres déchets valorisables par ailleurs aient été prélevés, les OMR subissent un traitement mécano-biologique, une valorisation passant par la combinaison du tri mécanique et électromagnétique, et par un traitement biologique (T.M.B.), ce dernier correspondant la méthanisation et au compostage de ces OMR.
« L’objectif est donc d’extraire la fraction organique, la valoriser par fermentations et complémentation, afin de la réintroduire dans les sols agricoles, sous forme de fertilisant ». Cette technique « s’est développée pour répondre aux exigences de la réglementation environnementale, visant à réduire les quantités de déchets traitées. Initiée il y a une vingtaine d’année en France, la méthanisation est beaucoup utilisée en Allemagne et se déploie à un rythme accru dans les autres pays européens », souligne la présidence du syndicat.

 De manière très classique, les déchets sont pesés, contrôlés et déversés dans la fosse de réception, fermée et ventilée, avant d’être convoyés vers le tube de pré-fermentation dans lequel ils séjournent 4 jours dans ce tube, en rotation permanente. Cette étape permet de séparer la matière biodégradable. Puis, les gros déchets, non biodégradables (le refus), sont séparés de la matière de petite taille et sont évacués en bout de cylindre, tandis que les petites fractions passent au travers des mailles, et tombent sur le tapis.
A ce stade, on passe au défarraillage, via un électro-aimant avant que ces déchets ne poursuivent leur voyage et ne subissent les autres étapes du process. Le tri balistique (double tapis sélectionneur) permet ensuite d’extraire les objets durs, qui rebondissent sur le support. A la suite de quoi, on procède à l’affinage secondaire : un crible à toile permet, par effet trampoline, d’extraire certains indésirables légers comme les plastiques. Au final, les ordures ménagères résiduelles ont été séparées en 3 :
des déchets métalliques, expédiés vers une filière de recyclage
une fraction organique, convoyée vers les tunnels de méthanisation
des refus, dirigés vers le centre de stockage
 

 La phase méthanisation peut alors commencer : la matière organique est introduite dans des digesteurs, grands tunnels hermétiques en béton, où la transformation en absence d’oxygène s’opère grâce aux micro-organismes pour devenir du digestat, libérant le fameux gaz riche en méthane, alias le le biogaz. Les conditions d’humidité et de chaleur sont régulées pour optimiser le processus de transformation d’une durée de 4 semaines.
Le digestat extrait des tunnels de méthanisation est alors mélangé à des déchets verts afin de structurer la matière et augmenter la porosité. Ce mélange est introduit dans des tunnels de compostage dotés d’une aération pilotée et maintenus à des niveaux optimaux d’humidité et de chaleur. La température montant jusqu’à 70°C, les éléments pathogènes sont détruits, le compost est ainsi hygiénisé. Trois semaines après ce passage en tunnel, le compost est convoyé vers la plateforme de maturation où il séjournera, régulièrement retourné, 12 semaines. Avant de procéder à sa commercialisation, il sera nécessaire de cribler ce compost, afin d’en extraire les éléments grossiers. Puis, en fonction des besoins agricoles exprimés, on y ajoutera des compléments en éléments minéraux.
Limiter les p’tites odeurs n’a pas été négligé : entièrement capté, l’air est traité dans une unité de désodorisation en 3 étapes par un condenseur dépoussiéreur, une tour de lavage acide et un biofiltre organique (dégradation des polluants et des particules odorantes).

Jean-Jacques Demares « Politiquement, la réalisation de l’E’Caux Pôle, a permis au Smitvad de fédérer un vaste territoire autour d’un projet collectif qui se veut exemplaire et conforme au plan départemental d’élimination des déchets ménagers de Seine-Maritime, au Grenelle de l’environnement et à la transition énergétique ». L’investissement étant important, l’outil industriel dispose bien évidemment des « techniques avancées de tri et de traitement » ; mais sa conception prévoit par ailleurs « qu’il puisse s’adapter à de possibles changements».
En effet, il ne faut pas oublier qu’en parallèle, une politique dédiée à la prévention « a été mise en œuvre sur le territoire afin de développer le tri à la source des déchets, mais également inciter à diminuer le volume d’ordures ménagères : l’E’Caux Pôle a donc été adapté à cette baisse des tonnages d’OMR programmée ». C’est si vrai que « l’exploitant prévoit en compensation des apports de biodéchets issus des activités commerciales locales ».
On ne compte pas s’arrêter là : si dans l’immédiat, les refus partiront en CET, on étudiera la possibilité de mettre en place, afin de compléter l’ensemble et optimiser davantage la valorisation des déchets de la région, une unité de production de CSR, dès lors que l’usine sera en fonctionnement nominal. Chaque chose en son temps : pour l’heure on s’affère dans les derniers préparatifs, puisque l’unité de méthanisation sera officiellement inaugurée ce vendredi 21 novembre…