La Justice environnementale à la peine !
S'exprimant mardi dernier sur Europe 1 à propos des dossiers liés à l'amiante dont elle est en charge, la juge Odile Bertella-Geffroy, responsable du pôle santé publique au Palais de Justice de Paris, déclarait que faute de moyens financiers, il lui faudra des années pour les mener à bout. L'association France Nature Environnement renchérissait cette semaine en demandant des réformes notamment sur les procédures d'expertise judiciaire. Un commun accord ressortait de ces déclarations : la difficulté et la compléxité de ces affaires juridiques...
Depuis septembre 2003, la juge Odile Bertella-Geffroy est à la tête du pôle de santé publique du parquet de Paris (rattaché au parquet financier). Elle est en charge de 32 dossiers consacrés à l’amiante dont ceux de la faculté de Jussieu, la RATP. Cela représente 324 parties civiles à instruire . Et pour y parvenir, elle dispose d'une équipe de seulement sept gendarmes. En reconnaissant que la décision politique de "Créer un pôle de santé publique, c’était très bien" elle interroge :" Mais sans moyens, à quoi ça sert ?". Elle n'envisage pas un procès sur l'amiante avant trois ans. En attendant on estime que 10 victimes meurent chaque jour à cause de l'exposition à l'amiante, et au total on prévoit 100 000 décès.
Pour la magistrate, la justice pourrait choisir de multiplier les petits procès. Comme celui qui a eu lieu mardi devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Lille pour six dossiers. Mais, à cette occasion, 250 personnes, essentiellement des salariés victimes de l'amiante et des veuves de salariés, venues de Dunkerque, ont manifesté devant le tribunal pour dénoncer la baisse des indemnisations. Alors qu'une indemnisation de 45.000 euros était accordée auparavant pour les victimes ayant un taux d'incapacité de 5%, "aujourd'hui, pour une personne ayant travaillé dans le même atelier, chez le même employeur, et qui a la même pathologie, c'est zéro.
Ainsi, c'est une justice à vitesse variable qui est rendue, incapable de répondre efficacement à la question de fond : déterminer les responsabilités des employeurs, mais aussi de l'Etat. Un constat s'impose : la complexité de ces affaires qui nécessitent des investigations poussées dans des dossiers parfois très anciens.
Maintenant, le cas de l'amiante, aussi dramatique qu'il soit illustre aussi les difficultés auxquelles la Justice environnementale se trouve confrontée dans de nombreux autres cas : pollution des eaux, PCB, instalations classées, déchets. L'association France Nature Environnemnt rappelle qu'elle coordonne chaque année plus d’un millier d’actions en justice devant toutes les juridictions et sur tous les dossiers : pollutions des eaux, OGM, PCB, installations classées, déchets, etc. Mais, " la lourdeur, la complexité, la longueur, le coût parfois prohibitif des procédures et le sentiment de ne pas lutter à armes égales découragent de nombreuses victimes et associations de défendre leurs droits et l’intérêt général devant les tribunaux."
Finalement, quand bien même la Justice environnementale est récente, face aux enjeux qu'elle représente, il est certain qu'il faudra beaucoup d'efforts et de mobilisation pour qu'elle s'impose et trouve sa place au sein de la société.