L'abbé Pierre nous quitte après plus de 70 ans de combats
L'Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est mort ce matin, des suites d’une infection pulmonaire, à l’Hôpital parisien du Val de Grâce. Fondateur des compagnons d'Emmaüs en 1949, il nous quitte à l’âge de 94 ans, après avoir mené plus de 70 ans de combat contre la pauvreté et l’exclusion...
Pour la première fois depuis des lustres, l’Abbé Pierre a choisi de ne pas subir l’hiver et ses rigueurs avec ses compagnons de toujours, les plus démunis. Né à Lyon le 5 août 1912, il tire sa révérence après plus de 70 ans de combats acharnés contre la pauvreté.
Affronter l’exclusion et s’occuper des plus pauvres était déjà une occupation à part entière pour son père, à Lyon et dans ses environs.
Issu d’une famille aisée de 8 enfants, il comprend très jeune le mal être des plus démunis et s’implique dès l’âge de 16 ans dans ce combat sans fin.
En pleine adolescence, le futur Abbé Pierre, cloué au lit par la maladie, aurait voulu mourir. François Garbît, l'ami d'enfance à qui il s'était confié, l'aurait, alors, vertement rabroué. « A 15 ans, lorsque la vie éblouissante te tend les bras, toi tu songes à la mort ! »… Officier dans l'armée coloniale, François sera tué en 1941 sur la frontière libanaise, à l'âge de 31 ans.... Ironie du sort ?
L’ordination sacerdotale a lieu en 1938. Mais il quitte rapidement le clergé régulier pour le clergé séculier et devient vicaire à Grenoble l'année suivante.
Puis, la 2nde guerre mondiale éclate. Peu après la débâcle, il prend le maquis au cours de l’été 1942 : il sera résistant en Chartreuse et dans le Vercors, fera passer des évadés et des Juifs en Suisse. C'est là qu'il a pris son nom de guerre, Abbé Pierre. Arrêté en mai 1944 par l'armée allemande, il s'évade, passant en Espagne et en Algérie où il rencontra le général Charles de Gaulle.
Après Guerre, il s'est lancé en politique sous les couleurs du Mouvement républicain populaire, qu'il a ultérieurement quitté. Il sera élu député de Meurthe-et-Moselle et entre au Parlement de 1945 à 1951.
Mais en 1949, il prend un virage radical, reviens à ses premières amours et créé les premières communautés des chiffonniers d'Emmaüs…
Il se rend célèbre en 1954. L’hiver est particulièrement rigoureux ; les sans abris sont nombreux (2000 sans logis dans la seule région parisienne) une femme et son enfant meurent gelés. C’est alors qu’il lance son célèbre appel radiophonique en faveur des mal logés et proclame "l'insurrection de la bonté".
En moins de 48 heures, 5000 couvertures sont données pour les malheureux franciliens.
L'abbé Pierre proclamera en 1971 la naissance d'Emmaüs International. On compte en effet aujourd'hui 161 communautés du genre en France, 421 groupes répartis dans 41 pays.
Cinquante ans après la création de la première Communauté, à presque 90 ans, il ne désarme pas, poursuit le combat et relance le débat, place du Trocadéro à Paris.
Pendant toutes ces années, inlassablement, l’Abbé Pierre aura poussé des coups de gueule, interpellé les pouvoirs publics pour que les choses bougent et caracolé depuis plus de 15 ans, en tête des sondages sur les personnalités les plus aimées des Français.
Qu’on ne se méprenne pas : le religieux n'a pas toujours été tendre envers ceux qui l'idolâtraient : «C'est souvent leur façon inconsciente de se dérober à leur véritable devoir.» Mais il a su se servir de cette popularité pour son combat, les responsables politiques de tous bords se trouvant bien obligés de prêter une oreille attentive à l'homme le plus aimé des Français lorsqu'il les interpellait.
Infatigable insurgé au service des plus pauvres et des mal-logés, il aura passé sa vie d'adulte à prendre la défense des plus faibles et aura lutté jusqu’au bout. L'une des figures sociales dominantes de notre époque, s’en est allé, au petit matin.
Profitons de ce jour pour rappeler ces mots du fondateur d'Emmaüs : "C'est contre la pauvreté qu'il faut lutter, pas contre les pauvres"….