L'acier chinois séduit la demande
Attention… La Chine exporte désormais son acier au grand damne des américains et européens. Les exportations sidérurgiques chinoises ont au moins le mérite de révéler, pour ceux qui en doutaient encore, l’intégration du pays dans l'économie mondiale. Cela étant, force est de constater l'ambivalence de cette situation : sa demande tire les cours des matières premières à la hausse tandis que ses exportations contribuent à freiner l'envolée des prix des produits sidérurgiques….
Les exportations d'acier chinois ont de nouveau pris du poids depuis le début de l’année : à la clé, les protestations américaines et européennes en raison des avantages fiscaux dont bénéficie la sidérurgie chinoise, ce qui, il faut bien se le dire, ne devrait pas modifier fondamentalement la donne.
Mais le boom économique chinois se traduit aussi par une demande frénétique de matières premières, notamment en acier : le pays avale le tiers de la production mondiale pour répondre aux besoins de l'activité industrielle et de l'urbanisation. Pour se faire une meilleure idée, on, peut retenir que la seule augmentation de la demande chinoise représente chaque année environ le double de la consommation française.
« L'industrialisation et l'urbanisation asiatique créent un environnement favorable pour les matières premières, lequel devrait perdurer jusqu'à la fin de la décennie », explique Andreas Höfert, directeur de la recherche économique chez UBS Wealth Management. « La croissance de la demande asiatique offre de nouvelles opportunités pour les importateurs de matières premières »…
Mais si la Chine importe de l'acier, elle en produit aussi de plus en plus. Le pays, déjà premier producteur mondial depuis une dizaine d'années, est également devenu premier exportateur. Il a multiplié par plus de quatre ses exportations d'acier à destination de l'Union européenne en 2006.
« Les entreprises chinoises ont eu beaucoup plus d'incitation à exporter qu'à vendre leur acier sur le marché national. La différence de prix est d'environ 100 dollars par tonne, apparemment le plus gros décalage en dix ans », explique un analyste. Ce grand bond en avant des importations chinoises dans l'UE a été qualifié le mois dernier d'"insupportable" par Gordon Moffat, patron d’Eurofer, Confédération européenne des industries du fer et de l'acier, ce qui a été confirmé du bout des lèvres par certains officiels du ministère chinois du Commerce ont reconnu que les exportations vers l'Europe avaient un peu trop augmenté.
La vigueur de la demande chinoise profite néanmoins aux autres pays producteurs puisqu'elle soutient les échanges et les cours. Selon les chiffres de l'Institut international de l'acier, la production mondiale a augmenté l'an dernier de 9% à 1,217 milliard de tonnes, celle des 25 pays de l'Union européenne de 5,9% et la production d'Amérique du Nord de 4,3%.
La plus forte hausse a été enregistrée par la Chine, dont la production a atteint 418,8 millions de tonnes en 2006, soit 18,5% de plus qu'en 2005. Les exportations chinoises d'acier se sont encore envolées de 139% sur les deux premiers mois de 2007, provoquant une nouvelle levée de boucliers aux États-Unis et en Europe.
« La Chine reste surtout exportatrice d'acier bas de gamme », précise Sambor, qui complète l’info en expliquant que les sidérurgistes chinois se diversifient également sur les autres segments du marché. Pour désamorcer les critiques et endiguer la multiplication des menaces d'actions devant l'OMC, Pékin semblait prêt à la mi-mars à restreindre les avantages fiscaux accordés à certains produits chinois exportés, et des responsables du secteur de l'acier s'attendent à la suppression des remboursements de TVA sur plusieurs produits de la sidérurgie.
« Une très forte croissance de l'investissement en cinq ans dans le secteur a permis une forte augmentation des capacités de production », poursuit Sambor. « Cela ne signifie pas que la productivité du secteur s'améliore vraiment, mais simplement que la production augmente » Avec à la clé des risques de surcapacités puisque le marché intérieur ne semble plus constituer un débouché suffisant.
« Il est très difficile d'évaluer le niveau des stocks » admet Anna Melka, économiste chez Ixis-Cib. Pékin voulant éviter à tout prix une surchauffe, l'ajustement prendra plutôt la forme d'une accélération des exportations et d'une poursuite de la modération des importations.
Le président du Comité acier de l'OCDE, Risaburo Nezu, affiremait d’ailleurs, il y a quelque temps que « si l'augmentation des capacités mondiales avait jusqu'ici été synchronisée, la progression des importations, particulièrement prononcée dans l'UE et en Amérique du Nord, avait sensiblement gonflé les stocks et pouvait faire retomber les cours mondiaux. Les exportations chinoises d'acier ont déjà contraint, ou contraindront ultérieurement, les aciéries européennes et nord-américaines à réduire leur production »… Il n’y a plus qu’à faire face…