«Le marché du recyclage en 2020 » : une seconde jeunesse pour la filière?
L'activité des professionnels devrait afficher un +13% (en 2017), les experts tablant sur une croissance stabilisée autour des + 4% l'an, entre 2018 et 2020 : 54% des sociétés sondées par la Federec avaient d'ailleurs prévu une progression de leur chiffre d’affaires en 2017.
Cela dit, l'érosion structurelle de la production de déchets et le développement de politiques éco-responsables au sein des entreprises remettraient en cause les stratégies de volume traditionnelles des recycleurs.
Les experts précisent que les professionnels du recyclage « peuvent dorénavant compter sur une reprise durable de l'activité industrielle, sur le soutien des pouvoirs publics ou encore sur les opportunités liées à la fin des importations de déchets en Chine ».
Cette vitalité retrouvée s’expliquerait donc par le redressement de l’activité industrielle française, et le rebond du prix des matériaux, en particulier des cours des métaux et des plastiques, tandis que la décision de la Chine de réduire ses importations de déchets pourrait également s'avérer à terme, positive, et créer une nouvelle dynamique au sein du marché français (avec l’apparition de nouveaux débouchés, notamment dans le plastique, et le lancement de techniques innovantes de valorisation, qui assureraient la relance de l’activité).
Cela dit, ces perspectives réjouissantes, cachent une situation plus complexe pour les recycleurs qui voient certains de leurs moteurs s’essouffler. « Alors même que l’activité du secteur se caractérise par d’importants besoins en capitaux, les dépenses d’investissement des entreprises du secteur vont rester stables en 2017 à 555 millions d’euros (6% du chiffre d’affaires). L’implication des pouvoirs publics n’y est bien sûr pas étrangère. La loi de transition énergétique encourage par exemple le recyclage pour les déchets ménagers et industriels. L’Etat, les collectivités et l’Ademe concrétisent les objectifs règlementaires via des appels d’offres et des aides financières ».
Car des risques structurels pèsent sur la croissance du marché. Ainsi, l’Ademe a lancé un appel à projets avec deux types de financement possibles : des coûts éligibles financés à 80% par des avances remboursables et à 20% par des subventions pour le privé et surtout des subventions pour les établissements publics.
La filière ne peut plus guère se passer de ce soutien des pouvoirs publics, tant sa croissance dépend de sa capacité à surmonter les obstacles techniques et économiques. Sur le plan technique, elle se heurte à la perte de qualité ou de ressource pour certains matériaux (80% de perte de nickel après 3 cycles d’utilisation), ou à l’impossibilité de les recycler (certains plastiques comme le PET opaque). De plus et par ailleurs, « l’hétérogénéité et la dispersion des matières peuvent en outre rendre difficile la séparation des substances. C’est le cas pour les matériaux composites ».
Sur le plan économique, « la volatilité des prix des matières premières issues du recyclage, dont l’approvisionnement représente près de 50% du coût d’un produit recyclé, pose également problème » ; le cours du plastique dépend par exemple de l’évolution du cours du pétrole.
Mais la difficulté principale de la filière est la réduction de la production de déchets en France, qui est proposée dans le programme national des déchets de l’Ademe 2014-2020.
Celle-ci y propose comme leviers l’écoconception et le remanufacturing. En clair, c’est davantage l’économie circulaire que le recyclage seul qui est ainsi promu. Certaines matières sont de plus réintroductibles dans le circuit industriel sans recyclage, comme les gravats dans le BTP. Leur utilisation progressive remet en question la logique profonde du marché, basée sur toujours plus de volumes compte tenu des coûts fixes importants supportés par les industriels.
S’adapter pour rester dans la course : une évidence pour les recycleurs dont les métiers ancestreaux n'ont cessé de se plaquer aux réalités nouvelles des marchés au fil des décennies. Sauf qu'aujourd'hui, tout va plus vite, et du fait des exports, plus loin. La nécessaire réactivité n'a plus grand chose à voir avec celle d'un passé encore récent. La filière doit donc faire évoluer rapidement son modèle pour consolider sa croissance.
D’une part, en augmentant son taux de recyclabilité, par l’optimisation des techniques pour le plastique : un appel à projets spécifique nommé « ORPLAST » dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes, a par ailleurs été récemment lancé par l’Ademe afin de soutenir l’intégration de plastiques recyclés par les transformateurs. Des efforts de R&D pour les déchets peu valorisés ou l’extension vers de nouveaux marchés porteurs comme les compteurs électriques ou les panneaux solaires doivent être mis en place.
D’autre part, les acteurs du recyclage intègrent progressivement des outils numériques pour automatiser leurs procédés et digitaliser l’offre. Les clients profiteront ainsi de services à plus forte valeur ajoutée. Les recycleurs redéploient une partie de leurs moyens sur des activités de conseil (Schroll), d’audit technique, de formation (Pena) ou encore de location de matériels (FGM/Sirm). Ces nouveaux enjeux permettent de dégager des revenus supplémentaires et d’améliorer l’offre en sortant de la simple logique produit. Tant et si bien que les services représentaient 36,6% de l’activité des recycleurs en 2016 (panel Xerfi).