Le recyclage des moquettes à usage unique s'expose... à la critique
Organisés dans des lieux dédiés, parcs d’expositions et autres palais des congrès, les salons professionnels et festivals, toujours moquettés d’importance, se font de plus en plus nombreux, tandis que l’on prône par ailleurs la prévention des déchets, et le recyclage de ceux-ci. Pourtant, les dizaines de milliers de mètres carrés de moquettes à usage unique sont encore aujourd’hui, le plus souvent destinés à l’enfouissement ou à l’incinération… Ne pourrait-on pas en faire autre chose plutôt que de perpétuer ce grand gâchis???
Où partent les tapis des festivals, les moquettes des salons professionnels ? Le plus souvent (mais pas systématiquement) "à la poubelle", alors que les entreprises de recyclage performantes existent et quand bien même ce sont chaque année, près de 700 millions de m2 de moquette qui sont mis sur le marché européen.
La réutilisation s'avère difficile une fois un salon terminé, les moquettes pouvant être souillées, et de toute manière, découpées au formats des allées et des stands dont les dimensions sont très diverses. Il n'empêche qu'il s'agit de fibres synthétiques dont on pourrait imaginer une autre issue que celle de l'élimination, d'autant que les salons et festivals se tiennent dans des lieux dédiés, ce qui assure un gisement parfaitement localisé...
L'ONG Zero Waste France, signe avec la Fondation Changing Markets, un premier rapport sur le sujet, intitulé "Moquette: la planète au bout du rouleau", un document qui estime à moins de 3% les volumes de moquette recyclés (5% aux Etats-Unis en 2015), étant entendu, toujours selon le rapport, qu'une part de ce recyclage est en fait du "downcycling", autrement dit la transformation de ces tapis et moquettes en un produit de qualité inférieure qui ne peut être à son tour recyclé.
Peut-on parler de "grand gâchis"? Sans doute, puisque l'événementiel touche tous les secteurs, ce qui multiplie d'autant les manisfestions du type "salons", en France, comme ailleurs en Europe; ce qui fait de ces revêtements de sols des produits jetables.
Selon Zero Waste, qui a fait ses calculs, on dénombre "plus de 1 100 foires et salons dans l'Hexagone chaque année, soit près de 6 millions de m2 de stands, dont une grande partie est couverte de moquette à usage unique, sans compter les allées et les espaces extérieurs". En d'autres termes, on est dans le niveau quasi zéro pour ce qui est de l'économie circulaire.
"Des solutions de réutilisation existent pourtant, via des systèmes de location qui sont utilisés dans d'autres pays européens", indique le rapport. Le document d'une cinquantaine de pages identifie des solutions telles que l'éco-conception des matériaux pour faciliter la réutilisation et recyclage, comme il serait possible de mettre en place des dispositifs de tri spécifiques pour récupérer des moquettes non polluées par d'autres déchets, et développer des débouchés de réutilisation.
"Il est urgent d'agir, sous peine de piéger l'industrie dans un modèle non-durable pour encore 10 ou 15 ans", exhorte Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, qui déplore aussi une communication environnementale de certains fabricants "en décalage avec la réalité". Recycler 100 m2 de moquette permettrait à chaque fois de détourner environ 243 kg de moquette des décharges, d'économiser 193 litres de pétrole et évite l'émission de 445 kg de CO2, pointe encore le rapport.
En d'autres termes, on pourrait mieux faire car il est certain que des entreprises de recyclage dont c'est le métier que de recycler, pourrait sans conteste se rapprocher des organisateurs de salons et producteurs de ces textiles synthétiques pour faire bouger le curseur en faveur d'une moindre production de déchets ... Cela étant dit, il ne faudrait pas déduire de ce rapport que rien n'existe en matière de récupération de moquettes usagées. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, par une démarche volontaire, responsable et concertée, des fabricants de tapis et moquettes (qui travaillent sous couvert de l’Union des Fabricants de Tapis et Moquettes représentant la quasi-totalité du marché français de l’industrie de la moquette et des revêtements de sols textiles en général), en partenariat avec les professionnels de la mise en œuvre des revêtements de sols souples et techniques, ont lancé en 2010, le programme Optimum qui a pour but de fournir à la filière une solution globale, dans la récupération et la valorisation des dalles et rouleaux de moquettes textiles usagées, collectées sur les chantiers de renovation, rehabilitation et démolition, ainsi que des chutes de pose des dalles de moquette dans le neuf.
Si dans un premier temps ce programme a d'abord ciblé les dalles de moquette usagées, principalement en Ile-de-France, pour des raisons de simplicité de mode opératoire et d’optimisation des transports, l'ambition de ce programme permet désormais d'offrir aux entreprises du BTP une solution viable et durable, pour tous les types de moquette textiles, en dalles ou en lés, déposés dans l'hexagone.
On pourrait fort bien imaginer de faire évoluer ces pratiques qui s'installent peu à peu sur les chantiers (alors que l'on y privilégiait il n'y a pas si longtemps la mise en vrac, dans les bennes destinées aux décharges ou aux incinérateurs) à l'univers de l'événementiel...