Le recyclage des plastiques reste problématique
Les résultats relatifs à l’expérimentation qui a été menée sur l’extension de consignes de tri se précisent. Pour faire court, tout mettre dans le bac jaune simplifie la vie de l’habitant mais pas celle du centre de tri, lequel n’est pas toujours adapté. C’est ce qui ressort du premier bilan de l’expérimentation pilotée depuis 2012 par Eco-Emballages. L’éco-organisme présentera fin mars son «plan» pour développer le recyclage des plastiques, indique à l’AFP, son directeur général, Eric Brac de la Perrière.
Avec un taux de recyclage de 23% des emballages ménagers plastique, la France fait moins bien que ses proches voisins européens, puisqu’elle a fait le choix pendant des années de ne prendre que les bouteilles et flacons, qui représentent 40% des emballages plastique. Le reste, 60%, à savoir les pots, barquettes, films souples et sacs, est donc traité par incinération ou enfouissement, avec les déchets ménagers « classiques ». Sauf qu’une bonne partie de ces déchets plastiques est recyclable ; ce n’est pas la forme du déchet qui fait sa recyclabilité mais la matière dont il est composé. D’où l’idée de grossir la fraction recyclée en élargissant la cible et faite à l’identique de ce qui se pratique aux Pays-Bas ou en Allemagne, où l’on collecte tous les emballages en matière plastique ; l’idée est aussi, en complément de travailler avec les industriels pour améliorer, en amont, la recyclabilité des emballages et, en aval, leur valorisation.
Dans les collectivités participant à l’expérimentation, lancée dans 51 collectivités (3,7 millions d’habitants) et 32 centres de tri, on constate que le poids des emballages plastique collecté est passé à 7,6 kg par habitant et par an contre 5,9 kg auparavant (sur les 17,1 kg d’emballages ménagers plastique mis sur le marché). C’est ce qu’indique Eco-Emballages C’est ce qu’indique Eco-Emballages qui constate que la collecte a bien fonctionné et qu’elle n’a pas nécessité de moyens logistiques supplémentaires, et ce, malgré une grande disparité entre les communes testées.
Le constat qui s’impose, est que « ça coince » au centre de tri
Si le supplément de matières à collecter ne pose pas de problème majeur, le blocage est évident et important au niveau des centres de tri qui réceptionnent ces déchets d’emballages, lesquels devront être dispatchés selon la famille de matériau à laquelle ils appartiennent.
Il se trouve que la modernisation des installations, que l’on avait pensée souhaitable, s’avèrera indispensable : ces centres en effet, ne sont globalement «ni dimensionnés, ni organisés» pour traiter les nouveaux plastiques, plus souples et plus petits, indique le directeur général de l’éco-organisme. A peine 15% des installations existantes en France parviendraient à trier ces plastiques à un coût et moyennant une qualité acceptables, c'est-à-dire susceptibles d’être rachetés par les recycleurs.
En ralentissant le tri et en nécessitant davantage de main d’oeuvre, les coûts de traitement des nouveaux plastiques s’élèvent à 1 600 euros la tonne en moyenne contre 800 euros pour les bouteilles et flacons, assure l’éco-organisme.
Cela n’étonne pas Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage, représentant de nombreuses collectivités, qui rappelle que les centres de tri existants (environ 250 en France) ont été conçus uniquement pour les flacons. Pour lui, il est injustifié de comparer les coûts de traitement entre les deux filières, l’une «mature» et l’autre «émergente».
Le syndicat mixte de la vallée de l’Oise, organisme gérant le tri pour 473.000 habitants participant à l’expérimentation, ne cache pas les difficultés en dépit d’une chaîne de tri totalement adaptée.
«Les films mettent un peu le cirque dans la chaîne, c’est vrai... Mais je n’essaierai pas de revenir en arrière! Le bénéfice en termes d’augmentation globale de la collecte sélective et de confort des habitants, c’est 100% gagnant», assure le directeur général des services, Gilles Choquer.
La philosophie qui domine est établie sur la base de la qualité de la matière, et son adéquation avec les transformeurs industriels.
Pour être tout à fait précis, il est hors de question pour Eco-emballages de faire marche arrière toute (l’éco-organisme a injecté 25 millions d'euros dans l’opération) ; au demeurant, un nouveau contrat du même type, d'une durée de trois ans, a été signé avec les collectivités locales qui se sont engagées. Priorité sera de toute façon donnée aux collectivités où la mise en oeuvre de l'extension sera facile et des objectifs économiques seront sans doute flanqués aux consignes (on ne peut pas continuer à soutenir ce tri moyennant une aide de 1 500 euros la tonne)!
Toujours est-il qu'en mars prochain, Eco-Emballages présentera ses «préalables» à toute généralisation de la consigne tout-plastique. Avec ces questions qui font débat : faut-il moderniser les centres existants? En bâtir de nouveaux ultra-modernes? Ou créer deux niveaux de tri, en laissant aux collectivités locales un tri simplifié et en confiant à quelques centres très spécialisés le soin de séparer les résines?
Autant de questions qui seront au coeur d’une étude que rendra prochainement l’Ademe sur l’avenir du tri à l’horizon 2030.
Dans un tout autre registre… qui concerne plus spécifiquement les DEEE, on aura bien noté que l’accord reste compliqué à trouver. A quelle normalisation européenne s’accrocher, demain ? C’est la question que se posent les éco-organismes français s’impliquant au niveau européen afin de promouvoir des seuils de qualité élevés s’agissant des plastiques recyclés extraits des gisements d’écrans plats et de PAM traités par les centres dédiés.
D’ici avril 2014, la décision relative à cette normalisation devrait être prise. « D’un côté, le JRC (Joint Research Center) considère que les DEEE sont si compliqués à traiter que leurs plastiques ne doivent pas sortir du statut de déchets », a exprimé Richard Toffolet, directeur technique d’Eco-systèmes. De l’autre, les technologies seront tout à fait capables de trier et séparer les plastiques selon leur teneur en retardateurs de flamme (POP, polluants organiques persistants) ou non ».
A la suite de quoi, il restera à déterminer qui traitera ces plastiques, en garantissant une qualité optimale : « faudra-t-il se concentrer sur quelques sites spécialisés ou continuer d’attribuer les marchés à des prestataires DEEE généralistes parmi les trente répertoriés aujourd’hui » ?, ajoute le directeur technique … La question ne manque pas d’intérêt ; gageons que la réponse sera satisfaisante pour les professionnels.
Miser sur une qualité optimale permettra-t-il à la matière recyclée de sortir du statut de déchet ? Pas si évident ! Il faudrait pour ce faire que l’industrie, les ONG et les Etats soient d’accord sur le pourcentage à retenir en matière de taux d’impuretés admissible. 2% ? De 2 à 4% ? La matière devra-elle être exempte de substances dangereuses ? De quelles substances ?... Autant de question on ne peut plus épineuses auxquelles il n’y a pas à ce jour, de réponse clairement apportée…