Le recyclage et Matignon : quasiment la passion...
Est-ce le recyclage qu’il convient de redynamiser où plutôt l’utilisation des matières produites par les industries du recyclage ?
Le Premier Ministre répond lui-même à la question quand il souligne quelques lignes plus avant, que « le papier-carton de récupération » (voilà un concept qui signe la source d’inspiration de cette mission, sic!) est devenu une matière première très largement commercialisée au niveau mondial (2ème flux en volume, après les métaux) et la France en est exportatrice nette ».
Une mission à 5 buts... Serge Bardy est chargé dans un premier temps d’évaluer les moyens d’action qui permettront d’optimiser la gestion des déchets de papiers graphiques. Cette évaluation passera par l’estimation des besoins de l’industrie française en fibres de récupération selon leurs divers débouchés industriels, industries graphiques, hygiène, bâtiment…, et par l’établissement d’une cartographie des acteurs et de leurs activités. Serge Bardy devra répondre à la question de savoir s’il existe-t-il des possibilités de créer de nouvelles capacités pour exploiter le gisement des papiers et cartons récupérés. Le Premier Ministre demande également au député de Maine et Loire de mesurer les impacts de l’éco-contribution actuelle sur la compétitivité de l’industrie française et d’explorer les pistes d’amélioration du dispositif actuel. En sachant quelles sont les sources des interrogations du Premier Ministre, la question récurrente de l’approvisionnement prioritaire des usines françaises devait évidemment se retrouver au cœur de l’enquête.
La question est posée directement à Serge Bardy : serait-il opportun de définir un cadre réglementaire favorable à la proximité des exutoires de recyclage ?
Question désormais régulièrement accompagnée dans les débats de sa « subsidiaire » sur la « propriété des déchets ». Evidemment, Serge Bardy sera aussi tenu de répondre à la question de savoir quels sont les moyens d’éviter de vendre à l’exportation « à un prix inférieur au coût de la collecte et du tri des papiers recyclés issus de la collecte auprès des ménages et assimilés ».
Il faudra que Serge Bardy démontre d’abord que notre pays est coupable de cette forme de dumping.
Seconde phase de la mission, le député devra effectuer le « parangonnage » du coût de la collecte des OM et des emballages en étudiant quelques exemples de pays voisins afin d’en extraire les moyens de réduire ce coût sur notre territoire.
Les papiers de bureaux... Chargé d’une mission sur le recyclage des papiers, Serge Bardy ne pouvait pas couper à l’épineuse question posée par les papiers de bureaux. On conviendra que malgré les efforts développés par de nombreux opérateurs, dans ce domaine, nous ne sommes pas les meilleurs. La France disposerait d’un gisement de 900 000 tonnes dont 45 % seulement seraient triés alors que la référence en la matière, vous l’aurez compris, c’est de l’Allemagne qu’il s’agit, trie 75 % de ses papiers de bureaux ; 72 % pour la Suède. Charge donc à Serge Bardy de trouver les moyens de développer cette collecte. Le Premier Ministre ouvre quelques pistes en lui suggérant de s’intéresser à la précollecte directe dans les grands immeubles, lui pose la question de savoir s’il est envisageable d’éviter au papier de passer par la corbeille de bureau individuelle. Après la machine à café, le bac à papiers pourrait devenir un nouveau lieu de convivialité au sein des entreprises. L’économie sociale et solidaire ne pourrait-elle pas jouer un rôle dans ce domaine y compris dans le tri et la logistique ? Jean-Marc Ayrault pose la question. Le Premier Ministre évoque également la logistique inversée avec reprise des papiers utilisés. Enfin, puisque l’on vient de fêter son 1er anniversaire, peut-être conviendrait-il d’évaluer la mise en œuvre de l’engagement volontaire « papiers de bureau » signé en février 2012. On trouve le texte de cette convention auprès du Ministère du développement durable sous la cote « document 129743 ».
De la mission, le gros morceau ... Antépénultième phase de la mission confiée à Serge Bardy : trouver les moyens de favoriser la demande de produits à base de fibres recyclées. Et cela ne va pas être le plus facile quand on sait que les papiers fabriqués en France incorporent déjà près de 65 % de fibres recyclées dans pratiquement toutes les sortes de papiers-cartons depuis les papiers d’emballage jusqu’aux papiers domestiques et sanitaires. Certaines sortes comme les papiers pour ondulé, les cartons compacts, le papier-journal certains papiers domestiques sont d’ores et déjà fabriqués à base de 100 % de fibres recyclées. Il n’y a guère que dans le secteur de l’impression-écriture où le taux d’incorporation de fibres recyclées pourrait faire un bond significatif. Dans tous les autres domaines, on se trouve proche de la « saturation », mais évidemment il semble que personne ne le sache. L’industrie papetière ne peut à la fois dire que sa capacité à utiliser des fibres recyclées est pratiquement saturée et réclamer que l’on développe la collecte, on finirait par s’interroger sur le véritable fondement de cette demande. La seule façon de développer la consommation de fibres recyclées en France serait de développer la production de papiers cartons dans notre pays, ce n’est pas le chemin que l’industrie a pris depuis quelques années.
Evidemment, il y a toujours un contre-exemple. Celui de Blue Paper à Strasbourg, l’histoire de la reconversion d’une unité de papiers impression écriture à base de pâtes vierges en unité de production de papiers pour ondulé utilisant pour matière première des papiers recyclés. Encore faudrait-il être bien certain, étant donné la localisation de cette usine qu’elle s’approvisionne exclusivement sur le marché français des papiers recyclés.
Revenons à la mission. Alors!? Comment favoriser la demande de produits à base de fibres recyclées ?
Là encore, dans sa lettre de mission, Serge Bardy a trouvé quelques conseils du Premier Ministre. Se pencher sur le marketing et le design favorable au recyclé, identifier de nouveaux produits de haute technologie à base de papiers, et sur les débouchés que pourrait ouvrir l’écoconception. Aller interroger le secteur de l’imprimerie qui s’est engagée sur l’environnement. Et la commande publique, les papiers des ministères, de l’Education, les achats de l’Etat et des collectivités territoriales sont-ils suffisamment chargés en fibres recyclées ? Même travail du côté des banques, des experts comptables et l’édition.
Le vrai fondement de la mission... Il est contenu, sans doute, dans la dernière question posée à Serge Bardy et porte sur l’organisation de la filière. Le député devra « identifier de nouveaux modèles organisationnels, plus proches de l’économie circulaire (nous y voilà) où la chaîne d’acteurs se structure de façon à sécuriser les approvisionnements des papetiers et leur permettant de procéder à de nouveaux investissements ». Et qu’en termes choisis, ces choses-là sont dites !...
A première vue, la mission semble bien compliquée.
Mais à s’attarder un peu sur cette dernière question et en lisant un peu entre les lignes, on comprendra aisément que ce dont le député de Maine et Loire est chargé, c’est de trouver les moyens que l’industrie papetière paie ses matières premières le moins cher possible. Ce qui dans une économie ouverte et concurrentielle n’est pas aussi évident que cela, même en mettant à contribution le consommateur, le contribuable et le citoyen, ce qui est déjà fait, l’industrie papetière française profitant des bienfaits de deux éco-organismes.
Bon courage, Monsieur le Député !