Le réemploi, ce n'est pas du n'importe quoi!
Au niveau législatif, les Grenelle 1 et 2 ont notamment lancé la réflexion sur cette nouvelle filière. Par ailleurs, la nouvelle directive-cadre sur les déchets, adoptée en novembre 2008, comporte une hiérarchie à cinq niveaux entre les différente options de gestion des déchets, selon laquelle l'option à privilégier est la prévention suivie du réemploi, du recyclage et des autres formes de valorisation, et en dernier recours, l'élimination sans danger. On voit bien que le réemploi fait partie de la prévention mais aussi du processus de valorisation. Le Grenelle a par ailleurs mis en place des outils fiscaux, fin de taxer les produits fortement générateurs de déchets. Cela renforce l'idée que les produits jetables doivent être plus chers que ceux qui ne se jettent pas. Les partisans des REP (responsabilité élargie au producteur) vont aussi dans ce sens. Elles poussent les producteurs à faire plus d'investissements dans la recherche, l'éco-conception et la fin de vie des produits. Du moins officiellement.
Le réel enjeu est donc d'inciter les gens à donner un objet dont il ne se sert plus ou à faire réparer un objet cassé plutôt que de le jeter. Il est vrai que l'on vit dans une société où jeter est souvent devenu un acte plus facile que de faire réparer. Cela engendre de nombreux problèmes. Un produit jeté n'est ni réutilisé, ni valorisé. Les déchèteries sont alors directement confrontées à ces dilemmes car elles voient passer des produits qui pourraient être réemployés. C'est pour cela que des actions ont été menées en faveur du réemploi. Le Grenelle 2 a rendu obligatoire un programme de prévention dans toutes les communes. Par ailleurs, un plan national de prévention doit être crée. Il va doit être contraignant et doit intégrer le réemploi.
C'est pour cela que plusieurs personnes ont décidé de se regrouper et d'agir. Le réseau Ressources existe depuis une dizaine d'années, comporte 60 structures et est présent dans 16 régions. Les ressourceries sont des acteurs de terrain et spécialistes du réemploi. Elles travaillent en étroite collaboration avec Emmaüs France. La solution apportée permet de créer des emplois et de réduire les déchets par une récupération des objets domestiques jetés, leur réparation et leur revente. Les Ressourceries mènent des actions de sensibilisation et d'éducation à l'environnement. Elles permettent aussi de mettre en réseau des initiatives locales. La gestion territoriale est par ailleurs importante. Un représentant des ressourceries belges est venu sur le forum afin de présenter l'équivalent dans son pays. Le réseau Ressource a aussi une reconnaissance légale et réutilise actuellement 55 000 tonnes de matières sur 175 000 tonnes traités, crée de l'emploi solidaire et se considère comme un missionnaire de propreté publique.
Le réemploi se développe et avec cette filière, de nouveaux métiers émergent. Une présentation sur le polyvalent métier de technicien du réemploi a été présenté lors de ces assises. Une formation spécifique devrait voir le jour pour cette carrière. Il était aussi nécessaire de mettre en avant des exemples de réemploi concret. Pour ce faire, la co-fondatrice de la Réserve des Arts, Jeanne Granger, nous a présenté son projet. Il s'agit d'une activité de niche, car elle consiste à récupérer des matériaux dédiés aux activités artistiques dont certains ne se servent plus (stocks démodés, invendus, démantelage d'une production artistique) et de les mettre à la disposition d'acheteurs potentiels, là encore très divers et variés (théâtres nationaux, étudiants en art, artistes intermittents, ateliers d'artisan, etc). Il s'agit donc bien d'éviter le gaspillage car la Réserve des Arts ne se contente pas que de revendre en tant que tel des objets prêts à être jetés, mais elle a aussi une équipe qui restaure certaines pièces. L'idée est donc de mettre à contribution le savoir-faire des artisans afin de redonner une vie à du matériel qui peut être réemployé après valorisation. Lancé en 2009, d'après l'inspiration d'un projet New Yorkais Material for The Arts, le fonctionnement est tout à fait singulier. La vente se fait dans des boutiques mobiles, la collecte est payante et une adhésion annuelle varie selon les moyens de chacun (entre 150 et 5 000 euros). Le réemploi, c'est aussi tout un art.
Pour un meilleur aperçu du contenu de ces assises, voir également Déchets en Ile de France : les plans sont en constante évolution