Suremballage : les industriels sont trop frileux
Les salons sont des moments privilégiés où industriels et professionnels peuvent faire partager au public intéressé leur métier, les avancées et les innovations à venir dans une branche précise. Le salon de l'emballage, qui s'est tenu du 22 au 25 novembre dernier au parc des expositions de Paris-Nord Villepinte (93) fait parti de ces moments importants dans la filière du recyclage et des déchets. Ponctué par des tribunes d'experts, des focus matériaux (verre, l'emballage métallique, papier-carton), des conférences thématiques et les nombreux exposants, le salon a été une réelle réussite. Dechetcom s'y est rendu et dans une série d'articles consacrés au suremballage, à l'éco-conception, aux matériaux et à certains industriels, nous verrons les évolutions du secteur de l'emballage.
Animé par Henri Saporta, d'Emballage Magazine, la tribune d'experts réuni autour de la thématique du suremballage a permis faire le point sur les priorités des industriels, les impératifs environnementales et l'évolution des mentalités. La thématique mérite en effet que l'on s'y penche dessus; les déchets d'emballages représentent 1/3 du volume finale des déchets ménagers, soit 4,7 millions de tonnes par an. Ce sont par ailleurs des déchets visibles, qui sont souvent pointés du doigt car ils représentent la partie immergées de l'iceberg. Dans la lutte contre le suremballage, on entend souvent dire qu'il faudrait les éliminer entièrement et que le meilleur emballage est celui que l'on ne produit pas. Qu'en est-il sur le terrain?
Les emballages ont une utilité spécifique. Ils comportent des informations sur le produit, sur les entreprises liées à la fabrication et au transport de ce dernier, sur la marque...En effet, les services marketing d'une entreprise savent très bien exploiter l'emballage d'un produit pour qu'il soient facilement reconnaissable, attractif et qu'il se vende bien. L'emballage est soumis à plusieurs contraintes : il doit être efficace, protéger le produit, permettre un transport optimal et participe à l'exportation d'une marque.
Au niveau des industriels, on peut observer une certaine prise de conscience par rapport au suremballage. Certaines grandes marques, qui étaient aussi présentes à ce panel (Danone et Casino), ont engagé des actions pour optimiser au mieux la fabrication et la consommation d'emballage ménager. Mais ce qui est principalement ressorti de cette table ronde, c'est que l'emballage d'un produit est une décision non seulement de marketing, mais aussi économique et politique. Danone, qui est le leader mondial dans l'agroalimentaire a définitivement un role à jouer dans cette lutte. Le manager de la section "packaging development" du groupe, Vincent Ferry, s'est montré très ambitieux dans ses propos. Il a a annoncé que la lutte contre le suremballage touche 20 lignes de production et trois usines du groupe (sur plus de 160 à travers le monde).
Les principales actions qui ont été mises en avant par les industriels présents étaient la réduction de moitié des emballages de pots de yaourts ou le remplacement de la cartonnette enveloppant le lot de quatre pots de yaourts sur certaines marques. Il est vrai que l'utilisation de bulles d'air dans le plastique des emballages ménagers allège leur poids mais cela ne diminue pas le tonnage en terme de nombre. Les entreprises ont rappelé à juste titre qu'elles participent financièrement au programme d'Eco-emballage du logo Point Vert. Mais cela les oblige à participer au recyclage des emballages qu'elles mettent sur le marché, ce qui est déjà prévu par la loi. En échange d'une participation financière, les entreprises apposent le Point Vert sur les produits. Les fonds ainsi obtenus par Eco-emballage sont reversés aux colectivités et servent à la mise en place de la collecte sélective des emballages des ménages, partout en France. Néanmoins, tous les emballages portant le Point Vert ne sont pas recyclables.
On sait que la tonne de l'emballage ménager a baissé ces dernières années, probablement poussé par un plus grand engagement des consommateurs dans la lutte contre le suremballage. Par aileurs, lors de cette table ronde, les participants ont donc abordé le thème de l'éco-conception, de la Semaine du développement durable, des engagements des industriels pour la réduction des emballages primaires, mais bien des défis restent à relever. Dans un monde dominé par le profit, les entreprises hésitent à mettre en place des changements qui pourraient faire baisser leurs ventes. Elles se sont montrées frileuses dans leurs propositions. Faire des analyses de fin de cycle de vie, de l'empreinte carbone d'un produit, étudier le marché des consommateurs, tout cela peut servir, mais on peut regretter l'absence de réelles prises de risque pour changer les habitudes.
Pourquoi ne pas utiliser plus de matériaux recyclés? Pourquoi ne pas éliminer l'utilisation même du plastique pour les pots de yaourt (en le remplaçant par le verre par exemple)? Pourquoi ne pas produire en plus grande quantité plutôt que de tout emballer dans des couches et des couches de plastique, carton, etc ? Les industriels présents ont mis l'accent sur un aspect important : pour réduire le suremballage, il faut aussi agir sur le produit. Mais ils ont très peu communiqué sur les tonnages, les matières premières utilisées, le reyclage, et les actions sont au final encore trop frileuses.
Voir en rapport avec le sujet, notre article "Emballage: pour le meilleur... ", "Déchets: Auchan lutte contre le suremballage" et "Convient-il de bannir le suremballage?"
Voir nos autres articles sur le Salon de l'Emballage 2010 : "Salon Emballage : la boîte métallique emballe" et "Ecofeutre: l'entreprise qui cartonne dans le recyclage"