L’économie circulaire a besoin de marchés solide!!! A défaut...
David Palmer -Jones, le président de la FEAD, estime que la révision au plus haut niveau européen des textes concernant l’économie circulaire doit avoir pour principal objectif la mise en place de conditions de marchés « solides » pour les matières premières recyclées. La construction de « business models » fiables pour développer la production de matières premières recyclées implique une bonne maîtrise des débouchés. En effet, tout affaiblissement de la demande des marchés consommateurs affecte l’ensemble de la chaîne de préparation jusqu’à la collecte des déchets appelés à être transformés en matières premières recyclées.
Les leçons des expériences récentes montrent, selon David Palmer-Jones, que le mouvement de l’Europe vers l’économie circulaire est fragile sur de nombreux fronts, en dépit des efforts consentis par les industriels de la gestion des déchets pour améliorer la qualité et les volumes de matières recyclées.
Les prix des matières recyclées sont fonction du coût ET de l’efficacité de collecte des déchets ET de la préparation des matières ET de la demande des marchés. Concernant les plastiques, la chute du prix du pétrole a pesé sur le prix des matières vierges et entraîné à la baisse le prix des matières recyclées. Selon la dernière édition des prévisions sur le prix des matières premières d’avril 2015, éditée par la Banque Mondiale, en ce qui concerne les métaux, un excédent de matières premières vierges, couplé avec un tassement de la demande chinoise a fait pression sur les prix qui ont fait perdre toute compétitivité aux métaux recyclés. Dans ces circonstances, de nombreux consommateurs ont opté pour les matières vierges, de préférence aux matières recyclées. Dans ces conditions, les recycleurs sont dans l’incapacité d’être compétitifs.
La seconde « vulnérabilité » tient à la volatilité des prix, spécialement marquée sur le marché des matières premières recyclées, qui rend difficile la possibilité d’opérer dans des conditions nécessaires de stabilité. L’un des risques de cette volatilité est qu’entre les prix d’achat et les prix de vente, les opérateurs peuvent se retrouver en face de marges négatives. Les recycleurs sont dans l’incapacité de déployer des stratégies pour entrer sur le marché des matières premières au meilleur prix en stockant ou en réduisant la production de matières premières recyclées, en limitant le flux de déchets entrant sur le chantier de transformation en matières premières. Les coûts élevés de la collecte et de la transformation, ont pour conséquence que l’activité doit se prolonger même si l’état du marché des matières premières recyclées est susceptible de mettre à mal la rentabilité.
La troisième « vulnérabilité » tient à la dépendance de l’Europe aux marchés export, pour écouler les matières premières recyclées. Le manque de politique incitative à la consommation de matières premières recyclées a eu pour conséquence la mise en place de marchés peu dynamiques pour les matières recyclées. Même au niveau de recyclage actuel, l’UE exporte 25 % des matières premières recyclées qu’elle produit (selon Eurostat). On doit évidemment conserver des débouchés extérieurs, mais ceux-ci devraient n’être qu’une soupape de sécurité. Mais à moyen et long terme, l’Europe a besoin d’utiliser plus de matières premières recyclées et ne pas compter de façon excessive sur les marchés extérieurs qui produiront et consommeront dans peu de temps leurs propres matières premières recyclées. Conséquence, la réindustrialisation de l’UE (20 % du PIB en 2020) doit rester une priorité. Les conditions actuelles de marché découragent la production de matières premières recyclées et leur consommation par l’industrie européenne, donnant de la conception de l’économie circulaire de la Commission une vision d’économie à risques. En outre, tandis que les matières premières recyclées sont en concurrence directe avec les matières vierges à bas prix, il est difficile de faire progresser l’idée de la nécessité de mettre en place en Europe une économie plus circulaire.
En conséquence de tout cela, la FEAD demande la mise en place de mesures crédibles et effectives pour contribuer à la construction de marchés de matières premières recyclées résistants à travers l’Europe en soutenant la demande et en mettant en place les conditions de stabilité des prix.
Parmi ces mesures, afin de réduire la dépendance aux matières premières vierges et d’améliorer la circulation des matières premières recyclées, la stratégie de réindustrialisation de l’Europe devra soutenir les marchés de ces matières premières recyclées dans l’Europe entière.
La Directive Eco-conception devrait aller au-delà de l’efficacité énergétique et inclure des mesures d’efficacité en termes de ressources incluant des exigences de recyclabilité pour des produits spécifiques tels que l’électronique.
Les règles d’éco-affichage sur les produits devraient être amendées afin de permettre aux consommateurs de choisir plus aisément des produits plus efficients en ce qui concerne le recyclage et les matières qui les composent.
La Commission devrait encourager la collaboration entre tous les acteurs des chaînes de valeurs, encourager les technologies de substitution innovante et récompenser les « pionniers » de cette évolution, grâce à des encouragements économiques comme un abaissement du taux de TVA sur les produits de seconde main et les produits contenant des matières premières recyclées, afin de promouvoir la prévention des déchets et la réutilisation. Enfin, la Commission devrait s’assurer que les systèmes de responsabilité étendue du producteur (REP) opèrent en toute transparence, en incitant les industriels à concevoir leurs produits en prenant en compte la recyclabilité et la non dangerosité.