Sur la question des déchets agricoles, il faut bien dire que règne une certaine discrétion. Dans les statistiques, celles de l’Ademe portant sur l’année 2008, en l’occurrence, les déchets de l’agriculture agrégés, certes, à ceux de la sylviculture, pèsent 374 millions de tonnes et représentent 43 % des déchets produits en France. Mais ce sont ce que l’on pourrait qualifier de déchets « discrets ». D’un coup de soc de charrue, ils retournent pour l’essentiel à la terre nourricière et le tour est joué. La chronique est bien parfois défrayée par quelques affaires de lisier et d’algues vertes. Mais, bon…
Discrets, ces déchets et voilà pourtant que l’Europe s’y intéresse. Tout est parti d’une étude publiée par Bloomberg qui conclut que récolter les déchets de l’agriculture et les transformer en biocarburants « de nouvelle génération » pourrait générer 31 milliards d’euros par an d’ici 2020 soit la valeur estimée de 75 à 90 milliards de litres d’éthanol. Et bien évidemment, créer des emplois sur des zones qui ont tendance à se dépeupler. Les 27 pays de l’Union génèreront entre 250 et 300 millions de déchets agricoles en 2020 susceptibles d’être convertis en bio-produits. Paille de blé, résidus de betteraves, paille d’orge seraient les principaux enjeux de cette filière qui serait alimentée à 80 % par l’agriculture, le solde provenant de la sylviculture et même des déchets des collectivités.
Le projet est aguichant, mais la première question qui se pose est : « comment inciter les agriculteurs à collecter ces "déchets des champs" et à les livrer à l’usine de bioéthanol la plus proche ? ». Et pour l’instant , la réponse est plutôt : « meuuuhh !... ». La solution est peut-être à rechercher du côté des Etats-Unis, pays pragmatique s’il en est et qui ont mis en place dès l’an dernier un système d’incitation qui repose sur un principe relativement simple : les résidus agricoles récupérés et livrés sont payés jusqu’à 45 $ la tonne (sèche, évidemment).
Cette réflexion arrive à point nommé quand on sait que l’Union Européenne s’est auto-imposé dans le cadre de la Directive sur les énergies renouvelables de fin 2008 que chaque état membre couvre 10 % de ses besoins en carburant pour les transports avec des sources renouvelables d’ici 2020, les biocarburants faisant éminemment partie de ses sources renouvelables. On sait que les biocarburants, après être apparus un temps comme « La » solution à la crise énergétique permanente dont souffre la planète ont rapidement été décriés au prétexte que le développement de leur production risquait tout simplement d’affamé la planète. Avec la solution désormais proposée, à savoir l’utilisation de déchets pour produire des biocarburants, qui pourrait désormais trouver à redire ?
A priori, pas grand monde.
Encore que, dans le monde qui est notre monde…