Livre électronique : l'ennemi du papier recyclé ?
Le livre électronique (Kindle, iPad) a été la grande nouveauté du dernier Salon du Livre à Paris. Nouveau gadget technologique, il serait même écologique, puisque sa fabrication ne nécessite pas de bois. Grosse erreur, explique l'association Les Amis de la Terre dans un communiqué : selon elle, nous allons tout droit vers un désastre écologique. Il vaudrait donc mieux développer le livre en papier recyclé...
Le livre électronique fait partie de la grande famille des produits de haute technologie qui, comme l’ordinateur ou les téléphones mobiles, sont censés assurer une "croissance verte" et une dématérialisation des échanges. Plus de papier, donc plus de déforestation ? "Trop simpliste", explique Sylvain Angerand, chargé de campagne "Forêt" aux Amis de la Terre France. "Les produits technologiques nécessitent l’extraction de minerais précieux comme le coltan, le lithium ou les terres rares pour accroître la durée de vie des batteries, augmenter leur rapidité ou pousser la miniaturisation à l’extrême. Or l’exploitation minière est une cause majeure de déforestation, et plus généralement de destruction des écosystèmes". En République Démocratique du Congo, l’extraction du coltan (colombo-tantalite), utilisé dans la fabrication des condensateurs, alimente les conflits armés et entraîne une déforestation importante. Ces minerais rares sont à l’origine de tensions géopolitiques croissantes qui pourraient déboucher sur des guerres pour en contrôler l’accès .
Le livre électronique consommerait peu d’énergie à l’usage et serait donc écologique. C’est sans compter l’"effet rebond" : plus ce type de produit se généralise, plus le secteur pèse globalement sur la demande en électricité, malgré les faibles consommations de chacun. Surtout, la fabrication de ces objets est un gouffre énergétique : d’après le cabinet Carbone 4, il faudrait une quinzaine d’années d’utilisation pour amortir le bilan carbone d’un livre électronique. Or, comme le précise Annelaure Wittmann, référente de la campagne "Déchets", "ces produits sont conçus pour être jetés au bout de quelques années, voire de quelques mois, pour justifier l’achat d’un nouveau produit toujours plus performant. Par exemple, la batterie de l’iPad n’est pas détachable : si l’alimentation électrique tombe en panne, le produit est bon pour la poubelle !".
La surconsommation de papier a de nombreuses conséquences écologiques et sociales dans les pays du sud. C’est pourquoi les Amis de la Terre animent une campagne pour la réduction de la consommation de papier. Mais, comme insiste Annelaure Wittmann, "il ne faut pas se tromper de cible : l’enjeu prioritaire est la réduction des imprimés publicitaires et du suremballage. Le livre papier est un outil de démocratisation de la lecture et d’accès au savoir, longtemps réutilisable sans frais et accessible à tous, contrairement au livre électronique qui coûte plusieurs centaines d’euros".
Si les éditeurs veulent vraiment réduire l’impact environnemental de leurs produits, les Amis de la Terre les invitent plutôt à développer le livre en papier recyclé, dont la fabrication nécessite moins d’eau et moins de bois que le papier issu de fibres vierges. Et ce d’autant plus que les 2 principaux systèmes de certification des fibres vierges (PEFC et FSC) sont actuellement impliqués dans de nombreux scandales écologiques et sociaux. Les Amis de la Terre rappellent également que le plaisir de lire ne peut être réduit à la consommation de produits neufs : il importe de maintenir l’activité de prêt des ouvrages papier par des bibliothèques et de soutenir le réemploi des livres (bouquinistes, Emmaüs...).