Loi Grenelle : CAP 21 affiche ses inquiétudes...
Le Grenelle Environnement arrive enfin dans sa phase législative avec l'examen du projet de loi Grenelle 1 par les parlementaires. Il s'agit d'un texte relativement ambitieux pour amorcer les changements culturels nécessaires qu'impose l'urgence écologique... à moins bien sûr que les lobbies à la manoeuvre n'en réduisent la portée, comme peuvent le laisser craindre un certain nombre d'amendements déposés...
A l'examen du travail de la Commission des affaires économiques, CAP 21, parti fondateur du Mouvement Démocrate présidé par Corinne Lepage, manifeste sa plus vive opposition à certains amendements totalement contraires à l'esprit du Grenelle :
L'amendement Ollier/Poignant/Vautrin qui permet de relever le seuil de 50 kwh/m²/an pour les constructions neuves en fonction du bilan en gaz à effet de serre de l'énergie retenue, destiné à réhabiliter le chauffage électrique provenant du nucléaire, peu émetteur en GES. Pour Eric Delhaye, président délégué de CAP 21, "développer le chauffage électrique c'est créer des consommations de pointe qui nécessitent, pour pouvoir y répondre, que l'on fasse fonctionner des centrales thermiques au charbon, gaz ou fuel, émettrices de gaz à effet de serre. Si cet amendement est adopté, nous produirons l'effet contraire à celui recherché, nous serons en état d'ébriété énergétique plutôt que dans la voie d'une plus grande sobriété !".
Les amendements Gatignol, qui visent à réduire la portée de l'objectif de réduction de moitié des usages des produits phytosanitaires en agriculture dans un délai de 10 ans. Pour Corinne Lepage, "il faut y voir une nouvelle fois la marque des lobbies agrosemenciers et il est à craindre que la France reste encore longtemps le deuxième utilisateur mondial de pesticides au détriment de la santé de nos concitoyens."
L'amendement Irles qui vise à augmenter la valorisation énergétique des déchets conforte l'incinération contraire à des vraies politiques de prévention en matière de déchets
L'amendement Gatignol qui remet en cause l'ouverture systématique des instances d'évaluation et d'expertise à la société civile. Pour Eric Delhaye, "le projet de loi ne contient d'ailleurs aucune mesure sur la protection des lanceurs d'alerte et botte en touche sur l'expertise alors que cette question s'était imposée dans les discussions du Grenelle". Ainsi, la proposition de création d'une Haute Autorité de protection de l'alerte et de l'expertise issue du Grenelle et reprise par Corinne Lepage dans son rapport sur la gouvernance écologique s'est évaporée.
CAP 21 regrette aussi que les trames verte et bleue (continuités écologiques) introduites dans le droit de l'urbanisme ne soient pas opposables de manière formelle. Selon Corinne Lepage, "le respect de la biodiversité et la compréhension de l'importance majeure du service rendu par la nature sont ainsi renvoyés à des temps meilleurs". Le parti apporte par contre son soutien aux amendements qui visent à passer la part des énergies renouvelables (EnR) à 23% et non 20% (conformément à l'objectif posé à la France dans le paquet européen Climat Energie), à défendre l'objectif communautaire de 120g de CO2/km pour les véhicules particuliers d'ici 2012 au lieu de 130g inscrit dans le projet de loi, à interdire formellement la vente de lampes à incandescence fin 2010 (un engagement du Grenelle), à mettre en cohérence la réalisation des plans climat-énergie territoriaux avec les autres documents de planification territoriale (SCOT, PDU, PLH) ou à ouvrir les investissements pour le fret fluvial au-delà du projet du canal grand gabarit Seine Europe.
CAP 21 attend par ailleurs avec attention le projet de loi Grenelle 2 qui doit porter sur la mise en oeuvre opérationnelle du Grenelle, ainsi que la loi de finance car dans le contexte de crise actuelle et à fiscalité constante, de nombreuses questions restent en suspens sur les moyens qui seront alloués pour atteindre les objectifs fixés : comment sera financée la rénovation de l'habitat social alors qu'il faut dans le même temps produire du logement social, quels moyens seront alloués à la formation des artisans du bâtiment, comment sera favorisée la conversion vers l'agriculture biologique, comment sera accompagné le développement des transports collectifs ou du fret fluvial et ferroviaire ? Seule une fiscalité écologique favorisant les investissements écologiquement responsables peut soutenir de telles ambitions et encourager une économie verte mais la voie semble étroite... CAP 21 espère que la France ne ratera pas ce rendez-vous tant attendu et concrétisera les engagements du Grenelle, issus d'un consensus large et d'un travail approfondi.