Loi Grenelle II : premier bilan à mi-parcours
La lecture en séance publique au Sénat du Projet de loi Grenelle II a repris ce lundi. L’enjeu est de taille : rappelons que l’application concrète du Grenelle Environnement dépend justement de ce projet de loi. Pour information, le Sénat en a déjà voté en séance publique les 3 premiers titres (Urbanisme, Transports et Energie), hormis les articles concernant l’éolien. A mi-parcours, France Nature Environnement nous livre dans un communiqué une première analyse du texte issu des débats...
Concernant l'urbanisme (titre 1), la Fédération s’inquiète tout d'abord du manque d’outils de densification du bâti et de maîtrise de l’étalement urbain et du mitage, qui laisse le champ libre à la spéculation immobilière, malgré les engagements fort du Grenelle Environnement en la matière : "L’avis défavorable du gouvernement et de la commission sur l’amendement proposant le non cumul des Coefficients d’Occupation des Sols illustre le peu de progrès en la matière".
De plus, FNE a été particulièrement attentive sur le sujet de la pollution visuelle et s’inquiète du transfert de compétences de pouvoir de police du préfet vers le maire en matière de publicité : "Les maires risquent en effet d’être plus vulnérables aux pressions. De plus, on note une extension des autorisations de publicité (bâches d’échafaudage) au lieu d’un meilleur encadrement (proposition d’interdiction de la publicité dans un rayon de 100 mètres à proximité des établissements scolaires rejetée)". Néanmoins, la suppression progressive des pré-enseignes constitue un point positif selon la Fédération, tout comme l’encadrement de la publicité lumineuse, qui cumule consommation énergétique à la pollution visuelle.
Enfin, le Sénat a supprimé l’article 15 bis qui tendait à instituer une dérogation à la loi Littoral pour la mise aux normes des exploitations agricoles. Par les modifications proposées, cet article aurait eu pour conséquence d’autoriser les constructions ou les installations d’activités agricoles près des rivages de la mer et dans les espaces remarquables du littoral. FNE se réjouit de cette suppression.
Titre 2 : les transports. Un amendement du rapporteur de la Commission du Sénat a été adopté, autorisant les grandes agglomérations à mettre en place un dispositif de péages urbains. FNE n’est pas opposée à ce type de dispositif, mais reste vigilante : "si certaines agglomérations décident de le mettre en oeuvre, cela doit se faire dans le cadre d’une politique globale d’aménagement et de mobilité urbaines, offrant des solutions alternatives à la voiture. La plus grande vigilance est donc nécessaire dans sa mise en oeuvre afin de ne pas pénaliser les plus démunis qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler".
Par ailleurs, la Fédération regrette le rejet des amendements proposant une majoration des péages dans les zones sensibles et l’instauration de droits régulateurs pour combattre les impacts environnementaux de la circulation des poids lourds mais reste optimiste. En effet, ces amendements ont fait l’objet de vrais débats, et ont été défendus à fois par la Gauche et la Droite ; leur rejet ne s’est fait qu’à une petite majorité. Concernant les droits régulateurs, FNE récuse l’analyse du gouvernement selon lequel il est trop tôt pour imposer ce type de droits : "les incitations au report modal sont urgentes et ne sauraient attendre".
Dernier point concernant les transports : la Fédération reconnaît la pertinence du véhicule électrique pour des usages limités, notamment pour les livraisons en ville, les flottes captives, ou même le ramassage des déchets par exemple. Les infrastructures de recharge sont donc utiles. FNE s’inquiète cependant que le projet de loi, en l’état actuel, envisage une diffusion de masse du véhicule électrique. Il est en effet question d’une "logique de substitution au trafic automobile à moteur thermique" et la Fédération rappelle son opposition à toute diffusion de masse de ces véhicules, en l’état actuel du "mix énergétique français".
3ème titre : l'énergie. Suite à un amendement adopté le 29 septembre dernier, les collectivités territoriales pourront recevoir des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) pour les actions effectuées dans le cadre de leur compétence. Dans le texte précédent, elles ne pouvaient en recevoir que pour les actions réalisées sur leur patrimoine propre. FNE met en garde contre le risque de galvaudage des CEE : "Cette limite visait à éviter que les collectivités ne reçoivent des certificats pour avoir encouragé des actions de particuliers ou d’entreprises sur son territoire, actions pour lesquelles ces particuliers ou entreprises recevront déjà des CEE. Ce double comptage risque d’aboutir à une dévalorisation des CEE qui nuirait beaucoup à l’objectif d’économie d’énergie".
Autre point : malgré de longs débats hier, la question des centrales photovoltaïques n’est pas encore tranchée. Des amendements les restreignant de manière drastique ont été rejetés, ce qui est positif. Néanmoins, il faut un encadrement : FNE soutient le développement de l’énergie solaire, tout en soulignant la nécessité de distinguer entre les panneaux photovoltaïques fixés au sol et ceux fixés au toit des bâtiments, car ces 2 catégories ne soulèvent pas du tout les mêmes inconvénients. La Fédération est pour un développement maîtrisée du photovoltaïque, limitant au maximum les atteintes aux milieux sensibles et préservant la pénétration des eaux pluviales dans le sol.
L’énergie éolienne constitue l’autre point sur lequel FNE reste vigilante dans le titre Energie. Elle tient à rappeler l’importance du développement de l’éolien, parallèlement à celui des autres énergies renouvelables (EnR), tout en étant consciente de la nécessité de le faire de manière réglementée afin de ne pas affecter outre mesure les paysages et la biodiversité. "Afin de prévenir les impacts négatifs des énergies renouvelables, il est nécessaire de les développer de façon complémentaire en tenant compte des spécificités des territoires. L’éolien est l’une des EnR les plus prometteuses : sans la développer, la France ne sera jamais en mesure de se conformer à ses engagements internationaux", précise la Fédération.
Pour complément d'information, le vote des titres restants (Agriculture et Biodiversité, Santé-Environnement, Déchets et Gouvernance) aura lieu cette semaine. Seront notamment débattues la Trame Verte et Bleue et la gouvernance "verte" des entreprises.
Cet article est à lire en complément de notre exposé : Grenelle Environnement : bilan et perspectives.