Matières de base : Et si la menace venait de Chine... ?
Depuis plusieurs années et plus encore après la crise financière mondiale, c'est la croissance chinoise qui soutient la demande en matières de base. A telle enseigne que l'on constate un fossé considérable entre la demande des pays développés et celle de la Chine. C'est le cas par exemple dans l'acier où la production chinoise a augmenté de 13,5% l'année dernière lorsqu'elle baissait aux environs de 30% dans les pays européens développés et de 34% sur le continent nord américain. Du coup, la dépendance chinoise fait apparaître une nouvelle fragilité pour la croissance économique mondiale....
La crise économique mondiale que nous traversons dans les pays riches est fortement limitée grâce à la croissance chinoise et à l'injection d'argent public. Mais, d'une part les chinois augmentant considérablement leurs productions et par voie de conséquence leurs exportations notamment dans les matières de base, cela fait apparaître des tensions commerciales, et le risque du retour au protectionnisme. Et d'autre part, le financement public qui a pour but de stimuler la demande interne pourrait bien se révéler insuffisant pour surmonter les déséquilibres économiques issus de cette crise.
Ainsi, n'oublions pas que la Chine refuse que sa monnaie soit totalement convertible à l'égard du dollar américain. Cela lui permet d'avoir une marge de manœuvre sur sa politique d'exportations ainsi que sur celle des pays du sud-est asiatique. Et dans les matières de base, la Chine mène une politique expansionniste. Elle continue d'augmenter sa position que cela soit dans l'acier, l'aluminium, le ciment, la production de plastique et ne modernise pas à la même vitesse ses unités de production. Par voie de conséquence, les pressions augmentent dans les pays riches pour mettre en place des mesures anti-dumping à l'égard des importations de produits chinois. D'ailleurs, les autorités américaines ont récemment pris des mesures protectionnistes à l'égard des importations de pneus chinois. Idem en Europe sur les aciers inoxydables via Eurofer.
La Chine reconnaît qu'elle doit d'abord stimuler son marché interne. Et grâce à ses décisions, son économie a progressé de 9,8% au troisième trimestre 2009 et 7,9% au deuxième trimestre 2009. Pendant ce temps, les économies des pays riches étaient en récession. Mais, cette croissance est-elle durable ? Alors qu'elle représente près de 50% de la production mondiale d'acier brut pour moins de 10% du PIB mondial, combien de temps la Chine pourra maintenir un taux de croissance si élevé dans ce contexte de déséquilibre mondial ? N'oublions pas que ce pays n'est pas une démocratie et qu'à ce titre son économie manque de transparence. Ainsi, par exemple, la sidérurgie est à 90% nationalisée. Sans oublier que l'organisation de l'administration n'est pas très efficace et que la corruption est courante.
Selon les prévisions, la Chine produira 800 millions de tonnes d'acier en 2013, contre 660 millions de tonnes en 2008. Et pour une grande partie, cette production n'est pas rentable aujourd'hui. Au premier trimestre 2009, 48 sidérurgistes chinois affichaient des bilans en perte. Cela ne signifie-t-il pas qu'il existe déjà une surcapacité de production d'acier en Chine. ? Selon les experts du Metal Bulletin, c'est le cas et va durer encore au moins pendant deux années. Le taux de la capacité d'utilisation devrait rester en-dessous de 80%.
Il est important de se rappeller que la consommation d'acier avait commencé à baisser en Chine au cours du second semestre 2008. Or, elle a redémarré uniquement grâce aux mesures de soutien du gouvernement chinois notamment sur le secteur de l'automobile et celui des biens d'équipements.
En conclusion, il existe un véritable risque qu'une nouvelle bulle financière se constitue sur les actifs chinois. En fait, pour l'instant la surcapacité de la sidérurgie chinoise persiste, et celle-ci ne se modernise pas. Le Yuan ne s'apprécie pas assez pour forcer à améliorer rapidement la compétitivité des unités de production chinoises. Autant de facteurs qui montrent la fragilité de la reprise économique actuelle, et en même temps le risque lié à la dépendance à l'égard de la Chine.