Méthanisation à la ferme : intégrer le traitement de l’azote
A Rennes, des travaux sont conduits afin de coupler les procédés de méthanisation des lisiers d’élevage au traitement biologique de l’azote. Les bénéfices attendus se mesurent en termes d’économie d’énergie et de préservation de la qualité des cours d’eau...
La hausse du tarif de rachat de l’électricité en juillet 2006 a donné un nouvel élan à la filière de production de biogaz par la voie de la méthanisation. De quoi réjouir les exploitants agricoles de l’ouest de la France (Bretagne, Pays de Loire et Basse-Normandie) qui produisent plus de 50 % des déjections d’élevage. Cependant dans les zones d’élevage les plus intensives, la priorité concerne l’élimination de l’azote organique pour limiter la pollution des cours d’eau. Or, la digestion anaérobie pour produire du méthane n’affecte pas les stocks de matières azotées responsables de l’eutrophisation des milieux aquatiques.
Dans la capitale bretonne et dans le cadre du projet DIGESTAERO*, une thèse est menée en collaboration avec des industriels bretons afin de coupler les procédés de méthanisation et de traitement biologique de l’azote par nitrification et dénitrification.
De tels dispositifs existent dans l’industrie agroalimentaire (distilleries, fabrication de produits lactés) mais ils ne s’appliquent pas au contexte du traitement des lisiers. En effet, pour limiter les coûts d’installation, les digesteurs doivent pouvoir s’intégrer à des unités de traitement biologique de l’azote existantes à la ferme.
De plus, l’unité de traitement doit prendre en compte des intrants dont la nature et la composition sont très variables. Ainsi par exemple, le taux de matière biodégradable d’un effluent varie de 30 à 40 %.
Dans un premier temps, un pilote expérimental constitué de deux cuves d’une centaine de litres a été développé afin de comprendre les phénomènes mis en jeu puis d’optimiser les procédés. En parallèle, un modèle numérique a été conçu en vue d’identifier les paramètres importants puis de définir la filière optimale pour le procédé. Aujourd’hui, l’outil répond bien aux variations de compositions des effluents liquides. Un premier prototype industriel doit voir le jour courant 2009 afin de caler les réglages en taille réel. Il s’agira de la dernière étape avant le développement industriel de cette nouvelle filière.
C'est le moment de rappeler que la France, avec 300 millions de t/an de déjections animales issues des élevages, détient l’un des plus gros potentiels de production de biogaz agricole en Europe.
À titre d’exemple, la digestion d’un m3 de lisier de porc produit de l’ordre de 25kWh sous forme d’électricité et autant sous forme de chaleur. Depuis juillet 2006, chaque kWh est racheté jusqu’à 14 centimes d’euros, au lieu des 5 centimes initiaux. Les gains sont aussi importants pour l’environnement puisque la méthanisation permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre d’un élevage. Enfin, les odeurs sont aussi atténuées au cours de la gestion des déjections.
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* DIGESTAERO, un projet financé par l’ANR, associe le Cemagref, l’INRA de Narbonne, l’Université de Bretagne Sud et deux industriels bretons, Valétec et Odipure.