Méthanisation agricole : le made in France sort de l'ornière

Le 03/03/2015 à 17:31  
Méthanisation agricole : le made in France sort de l'ornière
Méthanisation agricole La France n'est pas en avance pour ce qui touche à la méthanisation agricole, ce qui n'est pas le cas de nos voisins allemands qui ont bénéficié d'une réglementation très incitative, favorisant le développement du secteur avec des solutions techniques fiables. Si la filière reste dominée par des fournisseurs de solution étrangers, les Français travaillent sur le sujet afin de rattraper leur handicap... 

Le salon du machinisme agricole, tout comme celui de l'agriculture viennent de fermer leurs portes et un constat s'impose : les exposants français sont fort peu nombreux, notamment pour ce qui touche à la méthanisation, au contraire des allemands, italiens, autrichiens ou encore luxembourgeois.

L'un des poids lourds du secteur, Biogaz PlanET, a signé, via sa filiale française créée en 2006, une vingtaine d'installations dans notre pays et représente à elle seule, « entre 10 et 15% du marché ». Si les Allemands sont « les plus forts » dans ce domaine spécifique, ce n'est pas parce que les Français sont « nuls », mais parce la méthanisation a explosé outre-Rhin au début des années 2000, en raison d'une réglementation particulièrement incitative, ce qui fait qu'aujourd'hui, notre voisin germanique dispose d'environ 8 000 installations qui transforment les déchets agricoles en biogaz (pour comparer, fin 2013, la France ne comptait ainsi que 390 unités dont environ 200 dites "à la ferme", c'est-à-dire exploitées par des agriculteurs).

Inutile de dire que les industriels qui ont installé ces unités de l'autre côté de la frontière sont évidemment venus, enrichi de leur expérience, tester le marché français et concrétiser de belles affaires... dès lors que nos pouvoirs publics ont pris des mesures en faveur de la méthanisation.  
Le plus souvent, même les entreprises françaises se fournissent auprès de confrères étrangers pour ce qui touche aux pièces composant un méthaniseur, expliquent les Français. Etant entendu que lorsqu'on choisi un équipementier étranger, il a évidemment tendance à souhaiter travailler avec des entreprises qu'ils connaît déjà, et donc des sociétés étrangères, souligne Frédéric Flipo, associé de Holding verte, développeur français de projets de méthaniseurs.

Cela étant dit, ce n'est pas parce notre pays accuse un retard certain que les jeux sont faits : 50 à 60 nouvelles installations ont vu le jour au cours de ces deux dernières années, indique pour sa part, Claire Ingremeau, chargée de mission du club biogaz... tandis que de très grandes entreprises se penchent sur le sujet (voir Veolia va coopérer avec les agriculteurs)
Plusieurs régions, notamment le Midi-Pyrénées, la Bretagne ou le Nord-pas-de-Calais, ont lancé un travail de recensement des entreprises qui pourraient se diversifier dans la fourniture d'équipements pour la méthanisation, de la même manière qu'un pôle de compétitivité "Biogaz Vallée" est né en 2011 dans l'Aube à Troyes qui a pour objectif de construire un démonstrateur, histoire de favoriser la recherche dans les technologies adaptées au modèle français : les intrants français sont le plus souvent composés de fumier et d'autres matières végétales comme des déchets de cantines ou de l'industrie agroalimentaire (la loi française interdit l'usage des céréales), ce qui n'est pas le cas des intrants allemands, quasi-exclusivement issus du maïs, et donc beaucoup plus liquides (Berlin a d'ailleurs baissé de manière significative, le tarif de rachat de l'électricité pour limiter l'effet induit et pervers : jusqu'à un tiers de la production allemande de maïs était jetée dans les méthaniseurs, sans compter les maïs que l'on faisait venir de Pologne ou de République Tchèque) ; cette différence culturelle ayant parfois engendré des « p'tites surprises » telles qu'une consommation électrique plus élevée que prévu ou encore une usure plus rapide des pièces, ce qui a évidemment généré des frais de maintenance plus élevés. Il va sans dire que les spécialistes germaniques ne restent pas les bras croisés : ils ont peu à peu adapté leur offre et ne devraient pas pâtir d'une perte de parts de marché... Si le made in France sort peu à peu de l'ornière, il n'a pas atteint sa vitesse de croisière : le principal handicap étant le trop faible tarif du rachat de l'électricité produite, sans compter que, faute d'homologation en France, du résidu sec de la méthanisation du lisier (le digestat), ce dernier ne peut toujours pas servir aux agriculteurs d'autres régions de notre pays qui manqueraient d'engrais azotés...