Méthanisation : un champ d'avenir à la ferme...
La méthanisation est encore sous-exploitée en France, à l'inverse des pays comme l'Allemagne ou la Suède. Que cela relève d'un manque d'information ou de confiance de l'opinion et des pouvoirs public, la méthanisation subit encore mauvaise presse. Certes, la méthode n'est pas parfaite mais des améliorations ont pu être observées, notamment en ce qui concerne les odeurs et le processus en lui-même. Parmi ses bons côtés, la méthanisation produit de l'énergie renouvelable, tout en limitant les émissions de GES. En Ille-et-Vilaine (35), un exploitant s'est lancé dans l'aventure et a pu mettre en place un méthaniseur grâce au financement public de l'Etat, de la région et de l'Ademe. Présentation de ce projet inédit, novateur et prometteur, dont l'inauguration a eu lieu le 22 octobre dernier...
La mise en place d'un méthaniseur sur l'exploitation de Gildas Fouchet est l'aboutissement d'un travail mené sur plusieurs années. A l'origine du projet se trouve l'augmentation tarifaire des énergies fossiles, et une volonté de promouvoir les énergies renouvelables. L'endroit se nomme "La Cour d'Ahaut" et se trouve sur la commune de Domagé, dans le département d'Ille-et-Vilaine (35). Son exploitation associe cultures et élevages de volailles et de veaux de boucherie. L'exploitation compte 60 ha de surface agricole utile (SAU). Des parcelles sont dédiées à la culture de céréales, du maïs et du colza, et sont réparties sur les 2 sites.
L'élevage est constitué d'un atelier de 372 places de veaux de boucherie et d'un atelier de volaille de 1 000 m2. Les veaux sont logés sur caillebotis intégral et génèrent chaque année 2 000 m3 de lisier. Quant aux volailles, elles produisent 140 tonnes de fumier par an. Le site comprend les bâtiments veaux et volailles, le silo de stockage des produits végétaux et les pré-fosses de stockage du lisier. A cela s'ajoutent environ 600 tonnes/an de cultures dérobées (cultivés sur 30 ha) ainsi que des substrats extérieurs: des déchets et co-produits issus d'industries agro-alimentaires locales et de coopératives agricoles. Les substrats extérieurs sont variables selon les saisons et les livraisons (déchets de céréales, déchets de restauration, produits laitiers, etc). Les quantités introduites dans le fermenteur sont donc variables; entre 1 500 et 2 500 t/an en moyenne. Selon les saisons, la matière introduite dans le fermenteur est d'environ 4 000/5 000 tonnes par an de matière brute totale, soit environ 12 tonnes par jour.
L'installation en elle-même est composée d'un fermenteur et d'une cuve en béton de 923 m3 bruts, enterré à 3 m de profondeur. Les parois hors sol sont protégées par un matériau isolant (panneau de polyuréthane), ce qui évite les pertes thermiques. Un réseau de chaleur est intégré dans le béton, au niveau des parois et du radier du fermenteur. L'eau chaude, issue du co-générateur, circule dans ce réseau afin de maintenir le mélange en fermentation entre 38 et 40°C. Une sonde permet aussi de réguler la température au sein du fermenteur. La chaleur favorise au final le développement de l'activité des microorganismes. La fermentation est assurée par deux systèmes de brassage (par un mélangeur à rotation lente et par un mélangeur immergé à rotation rapide) qui fonctionnent par intermittance et à intervalles pilotés par l'automate.
Le biogaz est stocké dans le collecteur double membrane, et passe à travers une chambre de désulfuration. Une faible quantité d'oxygène est injectée au niveau de cette structure bois afin de favoriser l'oxydation du soufre contenu dans le biogaz. Cette oxydation est assurée par des bactéries présentes sur le plancher en bois. Le soufre se cristallise pour retomber dans le digestat. Le biogaz ainsi produit, après avoir été désulfuré biologiquement, est refroidi en transitant par une canalisation de 80m de long, enterrée à 1m de profondeur. La production annuelle totale de méthane est estimée à 230 000 m3, soit 184 tonnes équivalent de pétrole.
Ce système permet donc à l'exploitation de faire des économies importantes en terme d'énergie, et de se trouver en situation d'autosuffisance en terme d'électricité. En effet, l'exploitation possède un co-générateur, qui utilise le biogaz comme carburant. Cela permet de produire de l'électricité, qui est injectée directement dans le réseau de distribution. Cette énergie est rachetée à un tarif préférentiel. Au total, la production d'électricité est estimée à 800 MWh, soit 20 fois la consommation de l'exploitation agricole. En complément de la production d'électricité, l'installation de méthanisation poduit également 900 MWh thermiques par an, soit l'équivalent de 90 000 litres de fuel. L'exploitation agricole affiche donc un beau score environnemental car c'est près de 520 MWh thermique qui sont au total valorisés et la SARL Méthavo Elevages valorisera ainsi près de 70% de l'énergie du biogaz produit.
En ce qui concerne l'aspect financier de l'installation, l'investissement global s'élève à 670 000 euros HT. L'Ademe a aidé ce projet à hauteur de 82 950 euros, le conseil régional de Bretagne a versé 55 000 euros et le Conseil général d'Ille-et-Vilaine, 55 100 euros. Du côté des recettes, les gains sont estimés à 120 239 euros, ce qui comprend la vente de l'électricité et les économies de chauffages réalisées. Le temps de retour brut sur investissement, après déduction des aides, est estimé à 6-7 ans. La totalité des besoins thermiques de l'exploitation agricole et de la maison de Gildas Fouchet sont couverts par la production issue de la méthanisation. L'économie réalisée sur l'achat de propane et de fuel pour l'exploitation est importante, et ce projet permet de dégager des fonds en vue d'autres investissements (projet de chauffer la serre d'une exploitation voisine). Un exemple qui marche et qui nous prouve que c'est réalisable.