Méthaniseurs agricoles : attention aux risques !
Les déchets organiques produisent, lors de leur décomposition, de grandes quantités de gaz à effet de serre (GES). La méthanisation, qui est un processus de digestion anaérobie des matières organiques, représente une activité de dépollution. Elle apporte une réponse énergétique et écologique à la question du traitement et de la valorisation des déchets : en effet, la méthanisation permet de produire du biogaz utilisable comme vecteur d'énergie et contribue à la stabilisation des déchets organiques. En brûlant, ce biogaz réduit de 20 fois la pollution des gaz issus de la fermentation ; il peut être utilisé pour fournir de l'énergie thermique, de l'électricité ou des biocarburants. Les contraintes réglementaires en matière de sécurité concernant l'exploitation du biogaz étant complexes, l'INERIS (Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques) a été sollicité par le MEEDDM afin d'étudier l'ensemble des risques liés aux procédés de méthanisation agricole...
Concrètement, la méthanisation est un processus fait intervenir un ensemble de microorganismes (bactéries) dans un milieu sans oxygène (anaérobie), qui vont dégrader les déchets. A l'issue de ce processus, on obtient de la matière organique, le digestat (transformable en compost), et du biogaz, un mélange gazeux combustible composé principalement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). La méthanisation peut s'appliquer à la fois aux déchets solides et aux effluents liquides. Elle concerne principalement 4 secteurs : les rejets agricoles, les déchets ménagers, les boues de station d'épuration et les effluents industriels.
Une installation comporte généralement 4 types d’équipements distincts : stockage et pré-traitement des effluents ; réacteur de méthanisation (digesteur) ; stockage, traitement et installations d'utilisation du biogaz ; stockage et traitement de l'effluent après digestion. La méthanisation agricole a généralement recours à un fonctionnement semi-continu, dans lequel le déchet est digéré dans une cuve étanche. On retire périodiquement (tous les 10-40 jours) une fraction du digestat que l'on remplace par du substrat frais. La digestion est souvent effectuée dans deux réacteurs distincts : le digesteur, siège de la production du biogaz et le post-digesteur, qui a en plus un rôle de stockage et traitement du biogaz.
Selon l'INERIS, les principaux risques accidentels liés au biogaz ont 2 origines :
Tout d'abord, une Atmosphère Explosive (ATEX) est susceptible de se former lorsque le biogaz est mélangé à l’air dans des proportions données (entre 10% et 24% environ). Une inflammation de cette ATEX peut alors provoquer une explosion en milieu confiné ou des incendies ou feux torches à l’air libre. L’explosion s’accompagnera de la formation d’une onde de pression aérienne de la projection de fragments et d’effets thermiques. Les principales sources d'inflammation d'une ATEX proviennent de matériel électrique ou non-électrique non protégé, de travaux générant des étincelles, de la foudre ou d'une agression extérieure.
Les principales situations à risques sont surtout susceptibles de se présenter lors de phase d'intervention à l'intérieur du digesteur (travaux, maintenance…). Il est important que les installations soient conçues de manière adéquate et les personnels formés sur la question des risques. La faible pression de mise en oeuvre du biogaz est de nature à limiter l'impact d'un éventuel accident sur l'environnement ; l'ensemble des risques peuvent par ailleurs être bien maîtrisés à condition de respecter un certain nombre de règles de sécurité aux différentes étapes du processus.
2ème origine : la dispersion toxique accidentelle, en cas de fuite. Le biogaz issu des déjections animales est particulièrement riche en hydrogène sulfuré (H2S), avant traitement notamment. Ce gaz incolore, plus lourd que l'air, a tendance à s'accumuler dans les parties basses d'espaces non ventilés ; il peut provoquer des intoxications graves par inhalation, avec une issue fatale à des concentrations dans l'air de l'ordre de 500 ppm (partie par million). Son odeur d'"oeuf pourri" est facilement décelable en petites concentrations, mais l'odeur s'atténue et disparaît en forte concentration (anesthésie de l'odorat au dessus de 100 ppm).
Outre la formation d'une ATEX et la dispersion de gaz toxique, les 2 principaux risques d'accidents envisageables dans le cas des méthaniseurs sont l'éclatement d'une enceinte sous l'effet d'une pression anormalement élevée (qui provoque l'émission d'une onde aérienne, la projection de fragments et la libération de gaz toxiques à l'extérieur), ainsi qu'un épandage accidentel, qui polluerait les sols : azote ou bactéries présentes dans les déchets animaux (salmonelle, listeria, campylobacter…).
En matière de risques chroniques, sur la longue durée, l'INERIS a procédé à l'analyse des émissions de biogaz dans l'air et des produits de combustion du biogaz. La principale difficulté réside dans la grande variété de la composition chimique des biogaz et de la diversité des modes de combustion (moteur, chaudière, torchère…). La question des nuisances olfactives et des risques biologiques se pose également et des études complémentaires sont nécessaires. Pour l'heure, seul l'hydrogène sulfuré fait l'objet d'une recommandation : les concentrations doivent être maintenues aussi faibles que possible et en deçà des valeurs limites fixées par la réglementation.