Ministère contre ERP : le bras de fer n'est pas terminé
Dès lors que le non réagrément a été officialisé, le 31 décembre 2014, l’équipe dirigeante de ERP France a introduit des recours en référé devant la justice administrative, l’éco-organisme considérant avoir été « mal traité », et même avoir été victime d’une campagne de dénigrement, anti-allemande, son actionnaire désormais majoritaire, étant le groupe Landbell.
Justice a été rendue le 5 février : la juridiction administrative est favorable à l’éco-organisme et exige du ministère qu’il revoie le dossier de réagrément dans les 20 jours.
Nous nous étions interrogés dans notre dernier article, quant à la pertinence des arguments développés par le sénateur Miquel, dans la mesure où ils semblent aller à l’encontre du droit européen en vigueur : les entreprises privées, dont la nationalité est celle d’un Etat membre de l’Union Européenne peuvent en effet opérer sur le sol des autres Etats membres, sans que cela pose de problème particulier.
Sauf que dans le cas qui nous occupe, on parle bien de sociétés privées, mais opérant dans le cadre d’un éco-organisme, dont le statut juridique est on ne peut plus particulier : société anonyme (à but non lucratif, ce qui n’est quand même pas ordinaire) agréée par l’Etat français. Cas atypique dans le droit des sociétés et situation inédite que celle-ci, puisque c’est la première fois dans l’histoire des éco-organismes, qu’il en est un qui soit recalé à l’exam. Non pas parce que le travail a été mal fait, mais parce qu’une grosse entreprise, allemande en l’occurrence, l’a racheté…
Pas plus tard qu’hier en fin de journée, l’article 19 nonies du projet de loi sur la transition énergétique a été débattu. Dans le cadre de cette séance, Louis Nègre, sénateur des Alpes-Maritimes et maire de Cagnes-sur-Mer, ainsi que premier vice-président de la Métropole Nice Côte d'Azur, intervenant au nom de la Commission du développement durable, a rappelé que « cet article a été introduit en commission à l'initiative de Gérard Miquel », président du conseil général du Lot et sénateur du Lot, et qu’il s’y est rallié...
« La question posée est celle de la gouvernance des éco-organismes. Pour autant, nous avons besoin d'éclaircissement du Gouvernement sur le non-réagrément de la société ERP et de son influence sur la filière DEEE ».
La réponse de la ministre Ségolène Royal, qui participait aux travaux, ne s'est pas faite attendre : avis défavorable. « Il y a un risque important de conflit d'intérêt. Les éco-organismes passent des contrats avec des entreprises de traitement des déchets. Celles-ci n'ont pas intérêt à voir réduire le volume des déchets à la source, alors que le système des éco-organismes y incite puisque les producteurs, distributeurs et importateurs paient la taxe qui assure leur fonctionnement ».
Il faut, face à ce risque, faire preuve d'une grande prudence, a indiqué en substance, Louis Nègre, rappelant qu'il existe un contentieux ERP et que le tribunal administratif a constaté qu'il y a un réel problème.
« Si on laissait perdurer le modèle économique validé par le tribunal administratif, on priverait les collectivités territoriales du financement des éco-organismes. D'où mon recours en cassation devant le Conseil d'État. L'adoption de cet article par votre Haute assemblée donnera une base juridique à celui-ci pour statuer », a répliqué la ministre... Voilà une façon bien spécifique de construire le droit.
Le 6 février dernier, Christophe Pautrat, directeur général de l'éco-organisme, nous déclarait que « l’adoption par le Sénat de l’article 19 nonies confirmerait l’acharnement politique dont est victime ERP France». Les sénateurs ont bien entendu la ministre : l'article 19 nonies a été adopté.