Obsolescence programmée : à quand un texte de loi ?
Les Amis de la Terre ont souvent dénoncé l'impact écologique du renouvellement trop rapide de nos biens de consommation (extraction minière, déchets, gaspillages d'énergie... ; voir notre dépêche). Alors que le projet de loi 'Consommation' de Benoît Hamon est attendu dans les semaines à venir, et qu'une proposition de loi contre l'obsolescence programmée de Jean-Vincent Placé est débattue aujourd'hui au Sénat, l'association en profite pour réclamer l'adoption de 3 mesures phares : la création d'un délit d'obsolescence programmée assorti de sanctions ; l'extension de la garantie de tous les biens de consommation à 10 ans ; le soutien au secteur de la réparation...
Le temps où un équipement électroménager fonctionnait pendant 20 ans semble révolu. Plus performants, nos produits sont aussi plus fragiles et leur non-réparabilité est de plus en plus la norme : produits indémontables, pièces détachées indisponibles... La réparation devient un non sens économique : il est souvent plus cher de faire réparer que d'acheter un produit neuf. Les 2 ans de garantie actuels laissent la possibilité à certains industriels de mettre sur le marché des produits avec une durée de vie limitée : c'est le cas de l'imprimante Epson qui cessait de fonctionner au bout de 18 000 copies, de l'iPod d'Apple dont la durée de vie était limitée à celle de sa batterie ou encore des fabricants de smartphones qui empêchent la mise à jour des systèmes d'exploitation au bout de quelques années (voir notre article).
"Alors que les ressources naturelles s’épuisent, l’extraction et la consommation de ressources naturelles n’ont jamais été aussi importantes : elles ont augmenté de 50% en 30 ans. La consommation des ménages en biens durables augmente régulièrement, ainsi que la consommation de produits électriques et électroniques : 586 millions d’équipements électriques et électroniques ménagers ont été mis sur le marché français en 2011, soit un peu plus de 9 appareils par habitant. Le renouvellement rapide de nos biens de consommation est souvent présenté comme un moyen de redynamiser l’économie. Cependant, avec l’épuisement des ressources et l’accumulation de déchets, cette tendance est davantage source de gaspillages et de pollutions que de bien être. A l’inverse, les alternatives qui permettent d’allonger la durée de vie des produits sont plus respectueuses des personnes et de leur environnement. La réparation, le don aux associations, l’achat ou la vente d’occasion en sont des exemples. Le développement de ces alternatives est contraint par la course au profit et à l’innovation de certains constructeurs et distributeurs", soulignet les Amis de la Terre. C’est pourquoi l'association demande l’adoption de 3 mesures phares pour allonger la durée de vie des produits. Celles-ci représentent à la fois un enjeu pour l’environnement, l’emploi et le consommateur.
Mesure 1 : Créer d'un délit d’obsolescence programmée
L'obsolescence programmée est le processus par lequel un bien devient obsolète parce qu'il n'est plus à la mode ou qu'il n'est plus utilisable. Ce phénomène conduit d'une part à la surexploitation des ressources naturelles et d'autre part à l'augmentation de la quantité de déchets. On commence néanmoins à percevoir de nouvelles tendances de consommation en France : comme le bio ou le commerce équitable, l’allongement de la durée de vie des produits devient une préoccupation environnementale et sociale. La législation actuelle protège le consommateur mais pas suffisamment. En effet, alors que des cas avérés d’obsolescence programmée sont de plus en plus médiatisés, peu de producteurs sont condamnés en France. Pourtant, dans le cas de l’obsolescence technique, qui est le fait de développer puis de commercialiser un produit en déterminant, à l’avance, le moment de sa péremption, le consommateur ne retire aucun bénéfice de l’obsolescence de son produit ; pire, son pouvoir d’achat diminue. "Les associations de protection de l’environnement doivent pouvoir agir en justice si la mise sur le marché de produits avec une durée de vie limitée a des impacts en termes de production de déchets et de prélèvements de ressources", réclament les Amis de la Terre.
Mesure 2 : L'allongement de la garantie de conformité et de la garantie "légale" à 10 ans
La production et la consommation de biens ont explosé, or paradoxalement une partie du secteur industriel est en crise car la production a été délocalisée. La délocalisation dans les pays à bas salaire a entraîné une baisse des prix de production. Selon l'association, cette recherche du bas prix se fait au détriment de la solidité et de la qualité des produits. Il est devenu économiquement moins cher pour le consommateur d’acheter un produit neuf plutôt que de faire réparer l’ancien. Un cercle vicieux : les producteurs n’ont plus d’intérêt à mettre sur le marché des produits durables car ces derniers ne sont pas réparés. La garantie à 10 ans serait donc un outil clé pour favoriser la mise sur le marché de produits durables. "Aucun cadre juridique n'encourage aujourd’hui les entreprises qui proposent des produits avec une durée de vie plus longue. Pourtant, l’obsolescence rapide est source de frustrations (le téléphone du voisin est doté de la dernière technologie à la mode) et d’inquiétudes (combien de temps ce lave-linge va-t-il durer ?). Garantir de 10 ans tous les biens de grande consommation revient finalement à mettre un terme à une logique qui n’est pas productrice de bien être", expliquent les Amis de la Terre.
Mesure 3 : Le soutien au secteur de la réparation et du réemploi
Aujourd'hui, de nombreux produits ne sont actuellement pas réparés car le prix du produit neuf n’incite pas le consommateur à faire les démarches pour réparer ces produits : chaussures, casques audio, bouilloires électriques... La réparation de ces produits représente donc un vivier d’emplois. En effet, 586 millions d’équipements électriques et électroniques ont été mis sur le marché en 2011, avec un taux de panne que l’on peut considérer de 3% ; le nombre de produits potentiellement à réparer est donc de 17 millions par an. L’activité de réparation nécessite une main d’œuvre importante. Evaluer le nombre d’emplois potentiels reste néanmoins difficile dans la mesure où le marché de la réparation français est segmenté entre différents acteurs: centres agrées, services de réparation de la distribution, constructeurs et réparateurs indépendants. Pour chacun de ces acteurs, les réparations peuvent concerner qu’un type de produit et une marque ou être multimarque, le nombre de réparations potentielles par jour ne sera pas le même. "Néanmoins, pour ne pas nuire aux réparateurs indépendants, des mesures complémentaires à l’extension de la durée de garantie doivent être prises et notamment : la mise à disposition des pièces détachées pendant une période minimale de 10 ans, un prix de vente raisonnable pour les pièces détachées et l’accessibilité des documents techniques et modules de formation. La mise sur le marché de produits réparables, avec leurs notices de réparation et leurs pièces détachées, est une priorité pour donner un second souffle à la réparation, au réemploi et in fine à l'emploi", indiquent les Amis de la Terre.
Cet article est à lire en complément de notre précédente dépêche : L'obsolescence rapide, ce fléau générateur de D3E....