Papiers : les hommes du recyclage sont en colère
Le groupe finlandais UPM avait annoncé, depuis Helsinki, en novembre dernier, une réduction de ses coûts fixes et variables de 150 millions d’euros comprenant l'arrêt de quatre machines à papier pour la presse en Europe : une machine dans son usine Chapelle-Darblay de Grand-Couronne (Seine-Maritime) près de Rouen, deux en Finlande et une au Pays de Galles (Royaume-Uni). Cette politique entrainerait la suppression de près de 50% des effectifs à Chapelle Darblay, autant dire des licenciements massifs pour cette usine spécialisée dans la fabrication du papier journal (à partir de matières recyclées). Le directeur du site avait à l'époque, indiqué que des accords de départ seraient négociés... Il reste que le ton est monté aujourd'hui et qu'un autre rassemblement syndical est prévu lundi 26 janvier, jour où commencera le débat sur la loi Macron à l'Assemblée Nationale. Les manifestants se rassembleront à 10h30 à Rouen, devant la Préfecture.
L’usine installée en bord de Seine en aval de Rouen, a fait couler de l'encre, il y a quelques années, lorsqu'elle a fait le choix innovant du transport fluvial pour assurer sa logistique : acheminement des bobines de papier sur barges à destination des imprimeurs parisiens dans un sens et chargement des balles de papier recyclé, dans l'autre sens, de l’Ile-de-France vers l’usine de Grand-Couronne pour produire de nouvelles bobines de papier.
Chapelle Darblay, est le principal fournisseur de papier journal de la région parisienne ; elle a été aussi l'un des fleurons de l’économie rouennaise, et s'est illustrée en produisant du papier journal à partir de papier 100 % recyclé. Elle fournit 380 000 tonnes de papier par an et utilise à elle seule, pour assurer ses nouvelles productions, 60% du papier journal recyclé en France. Or, UPM-Kymmene veut réduire de 800 000 tonnes sa production de papier pour la presse en 2015, ce qui va entraîner la suppression de 550 emplois, dont 196 en France sur les 367 personnes employées dans l'usine normande de Grand Couronne. Cette mauvaise nouvelle dans une économie en berne, est la conséquence de la chute de la demande de papier journal, a confirmé Jean Kubiak, directeur du site Chapelle-Darblay de Grand-Couronne. Il s'agira d'arrêter la machine à papier amélioré (qui fournit 130 000 tonnes par an) qui est à même de produire du papier plus blanc que le papier journal classique, car c’est une machine de petite largeur, donc moins rentable...
Depuis 2005, on assiste à une baisse progressive et régulière de la demande de papier par la presse ; dans ce contexte, UPM-Kymmene a ciblé ses machines à papier les moins performantes dans leur catégorie, par rapport au marché. La stratégie du groupe est de "donner une compétitivité à l’outil industriel restant" : dans le cas qui nous occupe, la capacité de la machine qui subsistera est de 240 000 tonnes par an.
Il va sans dire que l’heure est grave aussi pour les collectes sélectives de papiers, en Normandie et en Ile de France, lesquelles trouvaient à Chapelle Darblay leur débouché unique…
Présentant une solution alternative à ces licenciements, la CGT propose que la machine devant être stoppée serve à produire des sacs en papier biodégradable pour remplacer les sacs plastique que la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal veut voir disparaître. "Toutes les réunions que nous avons tenues pour éviter les licenciements n'ont rien donné. UPM veut une application stricte de la loi et la mise en place du PSE (plan de sauvegarde de l'emploi, ndlr) pour la fin février", a indiqué à l'AFP le syndicaliste Gérard Sénécal, promettant d'autres actions spectaculaires.
Partis dans une soixantaine de voitures de leur usine, les manifestants, à l'appel du syndicat, ont opté pour le déchargement de leur papier en arrivant dans la métropole. Des "confettis" de papier recyclé ont été dispersés par certains dans la ville tandis que d'autres tiraient avec des cordes des bobines de papier journal blanc ou coloré, chacune d'une longueur de 10 à 15 km...