PCB : de l’usine à la ferme, il n’y a parfois que deux pas
Le 12/04/2011 à 16:20
PCB : de l’usine à la ferme, il n’y a parfois que deux pas Deux pas suffisent pour contaminer l’alentour. C’est sans compter la réactivité de l’entreprise Aprochim qui, même si elle n'est pas déclarée coupable, mène des analyses approfondies sur les eaux, l’air, les sédiments et les végétaux. Au demeurant, si suite à l’alerte au début de l’année 2011 sur le dépassement du seuil sanitaire en PCB et dioxines dans un prélèvement de lait, les investigations élargies dans un périmètre de 3 km autour d’Aprochim ont abouti à la mise sous séquestre totale ou partielle du cheptel de 8 exploitations agricoles à Grez-en-Bouère et à Bouère dans la Mayenne, il est bon de savoir que deux fermes ont repris le cours de leur activité normale… et que Aprochim n’est pas la seule entreprise du périmètre susceptible d’avoir provoqué cette contamination. Dans ce contexte, nous avons évidemment pris contact…
La quasi-totalité des dépassements concerne les viandes et les graisses de veaux. Pour le lait, la situation est fluctuante et à ce jour la commercialisation de la production d’une seule exploitation est suspendue.
Les élevages industriels de poules ne sont pas touchés.
Par contre, les recherches diligentées par l’Agence Régionale de Santé font apparaître dans les basses cours domestiques des imprégnations en PCB et en dioxines supérieures à la moyenne nationale.
Si certains ont déjà dit haut et fort que « la logique géographique de la contamination désigne Aprochim comme responsable principal », ceux là ont apparemment oublié de rappeler que les feux de cheminées domestiques (tout comme les barbecue et autres feux destinés à éliminer les tailles de haies et futaies) produisent plus de dioxines que les usines dédiées aux traitement des déchets et pour cause : point de normes pour le particulier ; une batterie de mesures (légitimes) pour les professionnels.
Dans le cas qui nous occupe, on doit ajouter que la contamination des œufs pourrait y être aggravée par un rejet de chaudière installée non loin de là…
Il est prouvé qu’Aprochim respecte les normes… Ce qui fait que les constats sur les œufs sont tout simplement contestables (aux dires des ingénieurs sollicités par nos soins).
Pour mémoire, cette entreprise est l’une des installations agréées en France pour la décontamination des transformateurs et masses métalliques contaminées aux PCB. Elle est en activité depuis 1990 et a traité à ce jour, plus de 200 milles tonnes de matériaux contaminés, sans rencontrer de problème.
Mais… Il y a un hic. Une entreprise voisine est susceptible de relâcher dans l’atmosphère des PCB et des dioxines ; spécialisée dans le travail à chaud de pièces métalliques, elle est en difficultés financières et n’a pas la trésorerie suffisante pour procéder à une analyse de ses rejets atmosphériques…
Quoi qu’il en soit, il y a des constats qu’il est bon de faire: En janvier 2011, Aprochim a réduit ses activités de 50% conformément à un arrêté préfectoral émis en urgence. Elle a entrepris des mesures correctives pour réduire les rejets diffus.
Des experts de l’INERIS, Institut National de l’EnviRonnement industriel et des rISques, et du ministère de l’Agriculture ayant déjà travaillé sur les cas de Redon et de Saint Cyprien sont à pied d’œuvre pour affiner les investigations, planifier si nécessaire leur extension géographique et élaborer élevage par élevage des plans de gestion des cheptels susceptibles de mener à la décroissance de la contamination. C’est à l’issue de cette étude approfondie que le degré de gravité de la contamination pourra être établi. Contactée, la société a répondu sans encombre à nos interrogations:
"Pour mieux comprendre et apprécier la situation, il faut avoir à l’esprit que les normes ont changé en 2006 : elles sont encore plus drastiques et infiniment basses. On parle en effet de picogramme, unité de masse égale à un millième de milliardième de gramme… En d’autres termes, le picogramme est la milliardième partie d'un gramme… on est donc dans dans l’infiniment petit… Aprochim est évidemment aux normes ; mais ni nous ni nos confrères n’avons à ce jour suffisamment de recul : des documents scientifiques existent ; en qualité de techniciens, d’ingénieurs, nous préférons avoir des certitudes que des approximations. Or, en l’état, personne n’a suffisamment de recul eu égard à ces nouvelles normes. Nous souhaitons rester exemplaires ; aussi nous avons mené en parallèle des analyses poussées des eaux, sédiments, air et végétaux pour obtenir des certitudes ou du moins de très fortes présomptions".
D’ores et déjà, « nous avons travaillé sur les émissions diffuses (liées aux courants d’air) comme sur les émissions canalisées : nous allons ajouter des filtres supplémentaires à la cheminée. Ils sont commandés … Nous travaillerons désormais avec des big-bag parfaitement étanches et non plus des big-bag classiques… A n’en point douter, l’entreprise s’est montée très réactive.« Nous avons décidé de modifier les conditions d’exploitation et de travail. Et souhaitons, bien sûr, un retour à la commercialisation normale pour les 6 fermes environnantes qui restent sous surveillance, dans les meilleurs délais »…
- De source préfectorale, en date du 30 mars, on confirme que -
Lors d’une étude conduite par la société APROCHIM (Grez en Bouère) sur l’impact de son activité, des traces de polychlorobiphenyles (PCB) au-delà de la norme réglementaire ont été découvertes dans du lait. Ces mesures ont été confirmées lors d’analyses menées fin janvier par les services de l’Etat (cf. communiqués des 12 et 21 janvier).
La CLIS a été réunie le 21 janvier dernier et à nouveau ce jour. Depuis deux mois, les services de l’Etat procèdent à de nombreuses analyses afin de mesurer la pollution, d’établir sa nature et rechercher des solutions. 129 prélèvements (au 28 mars) ont été effectués dans une zone de 3 km autour de la société Aprochim (et au-delà dans certains cas, pour tenir compte des vents dominants dans un cône nord / nord est) dans 24 exploitations différentes (élevages bovins, caprins et avicoles). Dans 16 exploitations, les résultats des analyses sont conformes aux seuils réglementaires (lait, viande, fromage, fourrage).
Des résultats non conformes sont apparus dans 8 exploitations sur des produits carnés (bovins ou ovins) ou du lait. Dans 2 exploitations, les résultats sur le lait sont redevenus conformes. Dans les exploitations où des résultats d’analyse non conformes ont été détectés, les productions ont fait l’objet d’arrêtés interdisant leur commercialisation, tant que les résultats ne seront pas conformes. Afin d’interpréter ces résultats, quatre experts spécialistes des contaminants chimiques en élevage ont été sollicités. Ils sont intervenus sur les 6 exploitations dont les résultats restent non conformes dans la deuxième quinzaine de mars, et ont procédé à plusieurs prélèvements de sols et d’aliments pour le bétail (herbe des pâturages et fourrages éventuellement sockés) sur chacune d’entre elles. Leur rapport, attendu fin avril, devrait permettre de connaître les voies de contamination des productions animales, d’identifier les voies de décontamination et de maintien des élevages.
En parallèle, une démarche d’accompagnement des exploitants a été engagée. Le Sous-préfet de Château-Gontier, avec le concours de la Chambre d’agriculture, assure le lien entre les exploitants qui subissent des pertes d’exploitation et la société Aprochim qui les indemnise au fur et à mesure. Dans cet esprit, des entretiens individualisés ont été organisés en mairie de Bouère afin de répondre aux interrogations des éleveurs. Une réunion d’information générale leur est dédiée à nouveau cet après midi. Des experts ont été sollicités afin d’évaluer les préjudices globaux des agriculteurs et de répondre aux attentes des éleveurs sur le devenir de leurs productions. Ils seront nommés début avril. Les élus des communes de Bouère, Grez en Bouère et Saint-Brice sont informés des résultats des analyses et associés aux rencontres avec les éleveurs.
L’arrêté préfectoral du 21 janvier a prescrit à Aprochim la réduction immédiate de 50% de son activité, ainsi que l’élaboration des mesures correctives destinées à diminuer de façon pérenne les émissions atmosphériques.
Plusieurs dispositions ont d’ores et déjà été prises par Aprochim : Le travail s’effectue en ateliers fermés et non portes ouvertes comme auparavant, limitant ainsi les émissions diffuses ; les systèmes de filtration sont en cours de renforcement (avril 2011) : un filtre à charbon actif va être ajouté en sortie de pompe à vide ; un filtre finisseur en amont de la cheminée de 18 mètres va être mis en place et la cheminée de 13 mètres va être supprimée. Les traitements des rejets seront ainsi canalisés dans une seule cheminée renforcée en système de filtration ; des prélèvements des différents milieux : air, eaux superficielles, sédiments, sols et végétaux, ont été effectués par des organismes privés agréés. Les premiers résultats viennent d’être communiqués en CLIS. Inégaux, ils montrent en certains endroits, à proximité d’Aprochim, des teneurs supérieures au bruit de fond national. Les résultats, associés à ceux obtenus par les services de l’Etat, permettront prochainement de comprendre les mécanismes de la contamination de l’environnement les plus probables (diffus ou canalisés) et de mesurer l’impact sur le milieu. L’objectif est de faire le lien entre les conditions d’exploitation, les émissions présumées et les constats dans l’environnement. Ce travail d’analyse pourrait nécessiter une reprise temporaire des activités d’Aprochim à régime normal.
Construction d’un plan de surveillance renforcée A la demande de l’Etat, Aprochim finalise l’élaboration d’un nouveau plan de surveillance de l’environnement par le biais d’analyses régulières (eau, air, végétaux). Il sera soumis à l’analyse des services de l’Etat. Afin de répondre au mieux aux questions que se posent les habitants, un « questions réponses » sur les PCB est mis en ligne depuis le 31 mars sur le site Internet de la préfecture de la Mayenne. Par ailleurs, les services de l’ARS se sont mis à disposition des médecins et pharmaciens du secteur concerné, pour les aider à répondre aux éventuelles interrogations sanitaires de la population.
Une prochaine réunion de la CLIS sera programmée fin mai.