Plan 'Méthanisation' : attention aux dérives !
Suite à l’annonce du plan EMAA (Energie Méthanisation Autonomie Azote) les réactions sont diverses et variées. Si le Club Biogaz affiche une relative satisfaction (voir notre article), 2 associations semblent beaucoup plus sceptiques et ont décidé de monter au créneau. France Nature Environnement met ainsi en garde contre d'éventuelles dérives, tandis que les Amis de la Terre se demandent si on ne met pas la charrue avant les boeufs. Explications...
Le 29 mars dernier, les Ministres Delphine Batho et Stéphane Le Foll ont annoncé le plan 'Méthanisation', prévu dans le projet agroécologique pour la France du Ministère de l’Agriculture (voir notre dépêche). "France Nature Environnement est consciente de la contribution que peut apporter la méthanisation pour répondre aux besoins énergétiques. Comme pour les autres énergies renouvelables, il importe qu’elle s’inscrive dans une politique cohérente tant du point de vue économique qu’environnemental", indique l'association. FNE rappelle que la méthanisation n’est qu’une part du mix énergétique. "L’indispensable transition énergétique ne se fera qu’en réduisant à la source la demande en énergie, ce qui signifie agir sur l’isolation des bâtiments, repenser la mobilité... Il ne faut pas croire que la méthanisation est la solution à modèle constant. C’est une partie du mix énergétique qui doit également pouvoir compter sur l’éolien, le solaire, la biomasse...", souligne Maryse Arditi, pilote du réseau Energie de l'association.
FNE met également en garde concernant l’utilisation de ressources agricoles à des fins énergétiques. "La méthanisation ne doit pas avoir recours à des cultures dédiées, ce qui engendrerait un changement d’affectation des sols. Il faut résister à la folie des grandeurs et privilégier une méthanisation adaptée au contexte et aux besoins de chaque territoire", explique l'asso. "Nous ne voulons pas du modèle allemand : de grosses unités de méthanisation nécessitant des milliers d’hectares de maïs pour les alimenter. Qu’entend-t-on par 'modèle français' et par 'méthanisation agricole collective de taille intermédiaire' ? Nous demandons une définition précise de cette taille intermédiaire, et des garanties fortes pour éviter des projets tels que le projet de ferme de 1 000 vaches en Picardie", indique Jean-Claude Bévillard, Vice-président de FNE en charge de l’agriculture. Par ailleurs, l’un des objectifs du plan est la gestion de l’azote. France Nature Environnement rappelle que, par définition, la méthanisation ne réduit pas les quantités d’azote présent dans les digestats. Selon M. Bévillard, "le plan n’est pas une solution au problème des nitrates qui est avant tout structurel, dû à une trop grande concentration d’élevage et une importation de massive de soja, aliment riche en azote". Substituer l’azote minéral par des digestats peut permettre effectivement une meilleure gestion de l’azote, mais les digestats doivent être utilisés à proximité. Leur exportation sur de longues distances serait un non-sens agronomique et énergétique.
De leur côté, les Amis de la Terre accueillement avec beaucoup de prudence ce plan 'Méthanisation'. "Si les intentions peuvent paraître louables, nos craintes n’en demeurent pas moins que la problématique agricole ne soit vue que par le petit bout de la lorgnette", annonce d'emblée l'association. Selon cette dernière, il ne s’agit plus de considérer uniquement l’agriculture, mais d’appréhender le complexe agro-industriel dans son ensemble, de la semence à l’assiette du citoyen. "Quel est le bilan CO2 réel d’un méthane produit à partir de lisiers de porcs nourris avec du soja cultivé à l’autre bout de la planète après destruction de forêts primaires ? Ne faudrait-il pas commencer par revoir complètement nos méthodes d’élevages, notre surconsommation de viande souvent de mauvaise qualité et produire les protéines en France ? Avant de vouloir produire de l’énergie, ne faudrait-il pas s’attaquer au complexe agro-industriel et revoir de fond en comble l’agriculture pour diminuer ces immenses gaspillages énergétiques ?", s'interroge Martine Laplante, Présidente des Amis de la Terre.
Dans un de leurs rapports, les Amis de la Terre montrent que la France mobilise 33 millions d’hectares de terres agricoles hors des frontières de l’Union Européenne. "Il est nécessaire et urgent, avant toute chose, de mettre en place une politique qui fasse que la France se contente des terres à sa disposition. La méthanisation n’a de sens que si elle est pensée, de façon intégrée, à l’échelle d’un territoire et en équilibre avec d’autres usages des sols agricoles. Pour les Amis de la Terre, la priorité est d’engager une transition vers une agriculture vraiment soutenable et non pas d’essayer de verdir les dérives du système agro-industriel", indique Christian Berdot, référent Agrocarburant de l'association. Tout comme FNE, l’exemple allemand, avec l’extension des cultures de maïs en lien avec les projets de méthanisation, est montré du doigt (voir ici). "Cela montre les dérives d’une politique, tout comme la politique éthanol de maïs en France, qui ne voit que la production d’énergie, aux dépens de l’environnement, des zones naturelles et des réserves d’eau", dénoncent les Amis de la Terre.