Plastique : l'affaire n'est plus dans le sac

Le 02/07/2014 à 19:16  
Plastique : l'affaire n'est plus dans le sac
sacs plastiques Pratiques dans des contextes donnés, et désastreux par ailleurs, les sacs plastiques font parler d’eux depuis belle lurette, ne serait ce que parce qu’ils s’envolent dès lors qu’ils ne sont pas traités dans des CET correctement exploités, ne serait-ce que parce qu’ils polluent les océans et tuent par asphyxie des animaux qui les ingurgitent, ne serait ce que parce qu’ils mettent un temps infini à se dégrader et qu’ils sont issus du pétrole quand on pourrait en proposer à partir d’autres produits que l’énergie fossile…
Leurs détracteurs ne manquent pas d’arguments et pour l’heure, il est question d’en supprimer l’usage dans le commerce, à leur plus grande satisfaction. Sauf que ce n’est pas sans impacts négatifs…

Près de trois mois se sont écoulés depuis son arrivée au gouvernement, et force est de constater que le traitement des dossiers ne lambine pas : après la «remise à plat» de l'écotaxe, son opposition au gaz de schiste et la sortie du nucléaire, la ministre de l'Écologie Ségolène Royal veut interdire les sacs plastiques ou sacs de caisse à usage unique (quand bien même nous sommes nombreux à les réutiliser) et distribués ou vendus dans les magasins, dès le début 2016.

Il n'y aurait, à compter du 1er janvier 2016, plus de sacs plastiques en caisse, qu'ils soient payants ou gratuits, un amendement déposé par Ségolène Royal ayant été adopté mercredi soir en commission du développement durable à l'Assemblée, lors de l'examen du projet de loi sur la biodiversité. Les sacs seront donc interdits, sauf pour quelques catégories bien particulières, comme les sacs "biosourcés" (issus des céréales et non de la pétrochimie) et compostables.
François-Michel Lambert, député écologiste et président de l’Institut de l’économie circulaire, se félicite grandement de l’adoption de ce texte : « le sac plastique est le symbole des inconséquences de notre modèle d’économie linéaire. Les solutions offertes jusque-là n’ont pas permis d'enrayer ce fléau qui pollue les paysages et les océans et atteint même notre santé. Pourtant les solutions existent, l’Italie et San Francisco l’ont fait. Il fallait agir et je me réjouis que Ségolène Royal ait eu le courage de le faire dans une vision d’économie circulaire (...) Ce gouvernement, chaque jour, fait la preuve de son engagement pour une véritable transition écologique. Nous, écologistes, aurions toute notre place dans ce gouvernement ».

Ce vote est «une bonne nouvelle» pour France Nature Environnement (FNE), qui espère que «cela ne va pas être détricoté immédiatement, car les lobbies sont à l'affût».
« On pense que l'opinion est prête», a indiqué Benoît Hartmann, porte-parole de FNE, tout en plaidant déjà en faveur de « l'étape suivante, c'est-à-dire l'interdiction de tous les sacs jetables», y compris les sacs biodégradables, qui nécessitent d'être traités dans des composteurs industriels, et les sacs dits «oxofragmentables» censés se dégrader mais contenant des résidus de plastique.

Engagée depuis mars 2013 dans cette lutte ( Cf. la campagne « Ban the bag » qui vise l’interdiction de la distribution de sacs plastiques à usage unique dans toute l’Europe, symbole des excès de nos sociétés causant par ailleurs des dommages irréversibles sur le milieu marin), Surfrider se réjouit elle aussi, de cette avancée qui devra encore être confirmée à l’automne prochain lors de son passage en vote au Parlement. Surfrider nous fait savoir qu'elle restera mobilisée afin de s’assurer qu’elle soit entérinée par le parlement français, et que cette première victoire en France constitue le socle d’une généralisation d’interdiction en Europe.

 La Fondation Nicolas Hulot est ravie, elle aussi, que l’amendement déposé par Ségolène Royal ait été adopté. « Proposé dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la biodiversité, cet amendement est en effet une manière efficace de réduire les déchets sauvages préjudiciables aux animaux et à l’environnement, notamment en milieu marin ».
Cependant, la Fondation rappelle que « cette mesure doit être complétée, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, par un dispositif plus large sur l’économie circulaire, ne se limitant pas à la gestion des déchets. C’est un nouveau modèle économique limitant le prélèvement des matières premières et la toxicité dès la conception des produits qu’il faut mettre en œuvre. L’objectif est bien de créer des boucles vertueuses depuis l’éco-conception, la mutualisation, la réparation, la réutilisation jusqu’au recyclage et à la transformation des déchets en nouvelles ressources». La structure pilotée par Nicolas Hulot propose notamment de « repenser notre modèle de production en mettant en place un fonds de soutien aux entreprises (notamment les petites) s’engageant dans l’économie circulaire et l’éco-conception, et un plan de lutte contre l’obsolescence programmée».

 L’amendement rappelle que la consommation de sacs plastique distribués dans les grandes surfaces en France est, certes, revenue de 10,5 milliards à 700 millions de 2002 à 2011, un chiffre qui devrait encore baisser avec la mise en place, le 1er janvier dernier, d'une taxe d'environ six centimes par sac. Mais «près de 5 milliards de sacs de caisse en matière plastique à usage unique et plus de 12 milliards de sacs dits 'fruits et légumes' sont encore distribués dans les commerces» chaque année. À la place de ces sacs plastiques, le texte d'amendement propose donc des «sacs réutilisables quelle que soit leur matière» ou «d'autres modes de transport des marchandises, comme par exemple des cabas ou des chariots».

 Pour celles et ceux qui avaient, depuis de nombreuse années, pour habitude de réemployer ces sacs de caisse sous forme de sacs poubelles, une forme de recyclage comme une autre, ils pourront toujours choisir d'inverser les choses en utilisant les sacs poubelles pour faire les courses, avant de les réemployer pour stocker les déchets…
Plus sérieusement : côté commerçants, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et l'Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs annonce d’ores et déjà que pareille mesure coûterait environ 300 millions d'euros (144 millions pour les sacs de fruits et légumes, 100 millions pour les sacs de caisse et 40 millions pour les sacs comptoir). A la clé, une inflation sur des produits alimentaires de première nécessité comme sur les fruits et légumes, les deux organisations appelant le Parlement à supprimer cette mesure…
Mais peut-être cette décision fera-t-elle la part belle aux sacs et sachets en papier kraft… Qui sait?
Du côté du recyclage, il est clair que les récupérateurs et négociants de housses plastiques (à partir desquelles on fabrique une grande partie de ces sacs, principal débouché des housses emballant les palettes de produits, récupérées en milieu industriel) ont de quoi faire la tronche…

sac plastique C’est sans compter la Fédération de la Plasturgie et des Composites qui alerte sur les 3 000 emplois menacés par cet amendement (si c'est vrai, peut-on s'offrir ce luxe en période de crise!?) … et demande une concertation avec le Gouvernement, visant à travailler à la réduction de l’impact des sacs plastiques à usage unique : il s’agira de « définir et organiser les conditions du compostage domestique, développer un approvisionnement en matières plastiques biosourcées à un coût de production moins élevé et avec un impact écologique le plus faible possible ».
« La recherche sur les matériaux plastiques compostables n’est pas aboutie. Il faut organiser le compostage domestique des plastiques, qui reste encore au stade des tâtonnements », indique Jean Martin, Délégué Général.
Et de rappeler que la production de plastiques biosourcés « fait face à de nombreux défis : des coûts de production élevés, un impact écologique encore peu documenté, qui ne tient pas toujours compte de celui de la filière agricole en amont (consommation d’eau, utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires) et une gestion en fin de vie de certains de ces matériaux qui perturbent les filières de recyclage ».
La Fédération de la Plasturgie et des Composites nous indique rester attentive aux évolutions dans le domaine des bioplastiques mais nous confirme qu'elle privilégie des actions en faveur du recyclage des plastiques. A court terme, précise la Fédération, le recyclage doit devenir une source alternative aux matières vierges issues du pétrole, viable sur le plan économique et environnemental...