Le plastique n’a pas la vie facile : il est, à la fois, le symbole d’une sorte de modernité et en même temps celui des effets néfastes que cette « modernité » peut engendrer sur l’environnement. Après avoir été pendant longtemps une espèce de vitrine pseudo environnementaliste, le recyclage des matières plastiques a commencé à connaître une forme de développement et à franchir progressivement, sous la pression de la réglementation en Europe et sous la pression économique un peu partout dans le monde, les obstacles qui s’opposaient à son recyclage. Aujourd’hui, comme pour d’autres matières, les réflexions avancent pour permettre d’appliquer aux matières plastiques la réglementation sur la sortie du statut de déchet...
Un pas de plus vers le développement des matières plastiques sera-t-il franchi demain ? C’est probable puisque Janez Potocnik, Commissaire Européen à l’Environnement a annoncé son intention d’introduire le plastique dans l’agenda de sa réflexion globale sur l’optimisation de l’utilisation des ressources. L’annonce a été faite récemment à Wiesbaden à l’occasion de Polytalk, sorte de grande messe destinée à promouvoir tous les bienfaits de ces matières.
Un projet ambitieux
A la source de cette réflexion, un constat : chaque année, 50 % des matières plastiques mises en circulation finissent en décharge. Cela équivaut à déverser en ces lieux une bonne douzaine de millions de tonnes de pétrole : il y a surement mieux à faire par les temps qui courent.
Quant au 50 % restant, leur vie s’achève en incinération ce qui est déjà un peu moins irrationnel mais pas très satisfaisant du point de vue de la politique européenne de l’environnement et de sa fameuse hiérarchie des modes de traitement des déchets. S’adressant à un large public d’industriels des matières plastiques, Janez Potocnik, dans un discours particulièrement volontariste à affirmer « Je sais que nous pouvons et que nous devons faire mieux parce que sous ces chiffres européens, six Etats-membres ont pratiquement mis un terme à la mise en décharge et récupère 90 % des déchets de plastiques tandis que d’autres en incinèrent encore entre 80 et 90 %. » L’occasion était trop belle pour que Janez Potocnik n’enfourche pas un de ses chevaux de bataille préférés, celui de la diminution des taux de mises en décharge, le 1er des objectifs de la politique environnementale européenne. Sans omettre de préciser la « bicéphalité » de sa volonté politique, à savoir que l’on devra également passer de la récupération d’énergie au recyclage.
Car, devait encore préciser le Commissaire Européen, les taux de recyclage de matières plastiques sont encore trop faibles avec une moyenne européenne de 24 %. Précision intéressante de la pensée de Janez Potocnik : « Aujourd’hui, même dans les pays où le taux de recyclage est élevé, il n’y a tout simplement pas assez de plastiques disponibles pour le recyclage » (et là, certains s’attendaient évidemment à un petit chapitre sur les exportations vers des pays tiers : perdu !). Pour Janez Potocnik, si le recyclage manque de matières, c’est tout simplement parce que l’on en incinère de trop grandes quantités. Cette domination de la récupération d’énergie sur le recyclage n’est pas admissible à moyen terme selon le Commissaire européen, tout simplement parce que le recyclage est le sujet de PME qui créent de l’emploi. Et Janez ne parle pas dans le vide : il a déjà fait ses calculs et estime que si l’on parvenait à un taux de recyclage de 70 % en 2020, ce ne sont pas moins de 160 000 emplois qui seraient créés par la filière.
Un discours positif
Tout n’est pas à jeter dans l’existant et Janez Potocnik constate que « le recyclage des plastiques a connu au cours de ces dernières années des progrès significatifs. Aujourd’hui, les véhicules sont en moyenne recyclés à hauteur de 85 %, mais 25 % seulement des véhicules neufs contiennent des matières plastiques recyclées ».
Et le Commissaire Européen de donner sa conception d’un véritable recyclage et de la nécessité de regarder la politique de production et la politique des déchets du même œil. Et de conclure à l’adresse de son public de « plasticiens » « que la politique du Tout-jeter est sans doute favorable aux chiffres d’affaires. Néanmoins, je suis certain que ce n’est pas l’image que vous désirez donner de vos produits et de votre industrie et je sais que vous prenez soin de cette image. Mais si vous n’en preniez pas soin, si vous vous prépariez seulement à ne pas tenir des signaux et envisagiez à accélérer encore sur la route d’une politique d’utilisation encore plus intensive des ressources, vous n’êtes pas loin d’aller droit dans le mur. Et là, vous n’aurez plus d’autre choix que de changer. »
Si ce n’est pas un avertissement, cela y ressemble beaucoup. Et cela fait plaisir de voir qu’enfin un Commissaire européen a cessé de se laisser enchanter par les sirènes lobbyistes de cette industrie qui a quand même eu pendant de longues années pour principal argument pour limiter le recyclage ( les produits recyclés étant évidemment concurrents des produits neufs qu’elle produit) que si le recyclage des plastiques n’était pas aussi développé que dans certains autres secteurs, c’était parce les matières plastiques étaient un produit « jeune » et qu’elle manquait de recul. Un petit coup de gueule de temps en temps, c’est plutôt plaisant. Mais soyez prudent, Janez, parce que si vous poussez le bouchon un peu trop loin, les menaces de licenciement et de délocalisation prendront la place de « c’est pas de ma faute, Monsieur »...