Pollueur-payeur : vers une taxe pour les poids lourds ?…
De source AFP et selon un projet de législation que la Commission européenne entend présenter en juin, nous apprenons que l'Europe pourra infliger aux poids lourds des frais de péages liés à la pollution atmosphérique, aux embouteillages et aux nuisances sonores qu'ils génèrent…
Avant de dévoiler sa recette pour calculer de tels prélèvements inédits, Bruxelles a décidé de prendre le pouls des ministres des Transports des 27 pays de l'UE, réunis lundi et mardi en Slovénie.
«La bataille s'annonce féroce dans les prochains mois, car certains pays sont par principe réfractaires à toute idée de tarification», prédit l'entourage du commissaire aux Transports Jacques Barrot.
Sa philosophie consiste à pousser les entreprises de transport à investir dans des camions moins polluants, mais aussi à donner un coup de pouce à d'autres modes plus verts comme le rail ou les voies navigables sur les longues distances. Les trois-quarts des marchandises transitent actuellement par la route.
Les montants prélevés auprès des poids lourds seraient obligatoirement réinvestis dans des projets de transport jugés «durables». Ils pourraient aussi servir à payer des frais médicaux, ou encore des dommages aux cultures agricoles et aux écosystèmes. Les coûts pour accidents ont été écartés pour éviter un chiffrage du coût des morts et des blessés de la route.
Le projet mise sur la technologie des péages électroniques ou satellitaires, évitant les files très polluantes aux gares de péages. Bruxelles veut appliquer «le principe du pollueur payeur», étendu un jour à tous les modes de transport, souligne une copie du projet.
Les pays européens ont certes bloqué cette idée dans le passé, mais la défense de l'environnement est désormais un thème porteur sur la scène politique. L'UE s'est en outre fixée un objectif obligatoire de baisse de 20% d'ici 2020 des émissions de gaz à effet de serre.
Le nouveau projet législatif, qui vise exclusivement les camions de plus de 3,5 tonnes, autoriserait pour la première fois dans l'UE de telles redevances «environnementales», sans toutefois les rendre obligatoires.
Lors de leur réunion en Slovénie, les ministres des Transports seront appelés à donner leur avis sur l'opportunité de faire aussi payer à terme les voitures particulières.
Les routiers préviennent que le projet va saigner à blanc leur profession au profit des caisses des Etats. Le rail se montre lui plutôt satisfait, tandis que les transporteurs publics montrent du doigt les voitures pour l'instant épargnées.
Actuellement, l'utilisation des frais de péages facturés aux poids lourds est strictement réservée aux coûts de construction et d'entretien des routes, selon une loi vieille de 15 ans connue sous le nom de «directive Eurovignette» et conçue pour limiter d'éventuels abus tarifaires.
Sa révision pour une meilleure harmonisation européenne avait été arrachée il y a deux ans, après une bataille entre pays «périphériques» (comme la Belgique ou le Portugal) préoccupés par les coûts des péages, et pays de «passage» (comme la France ou l'Allemagne) désireux de financer leurs infrastructures mais aussi les coûts indirects du trafic infligés à la société.
La Commission disposait de deux ans, soit jusqu'à juin 2008, pour proposer une méthode de calcul de ces coûts.
Les formules retenues tiennent compte de nombreux paramètres: types de véhicules et de routes, kilomètres parcourus, polluants, densité de population, heures de circulation, etc.
Un prélèvement pour compenser les nuisances sonores sera ainsi plus élevé la nuit dans une zone d'habitation, que le jour dans une région rurale.