Pour 100 briques, t’auras plus rien…
Ouvert en 1997 dans les galeries des anciennes mines de potasse d'Alsace, Stocamine est en arrêt depuis son incendie il y a dix ans. Seul site souterrain de déchets ultimes en France, Stocamine n'a fonctionné que de 1999 à 2002, année où en effet, l'activité a été interrompue suite à un incendie qui avait fait couler beaucoup d’encre. Il héberge 44 000 tonnes de déchets dont 23 000 de classe 1 (Refiom, résidus du traitement de fumées d'incinération, et autres déchets amiantés) et 19 000 de classe 0 (terres polluées, déchets phytosanitaires, cyanurés, arséniés, chromiques, mercuriels ou amiantés et des résidus de galvanisation). Stocamine est une filiale à 100% des Mines de potasse d'Alsace (MDPA) contrôlées par l'Etat.
Le stockage est aménagé dans des galeries creusées dans les bancs de sel gemme, sous les couches du gisement de potasse exploité par les Mines de Potasse d’Alsace (MDPA), à 500 mètres sous la surface du sol.
Si le site n'accepte plus de déchets, il demeure en exploitation du point de vue réglementaire et continue donc à faire l’objet d’une surveillance active et de travaux d'entretien par l’exploitant, sous le contrôle de l'inspection de la DREAL Alsace.
La Préfecture du haut Rhin fait savoir, via un communiqué que « à l'occasion de la réunion de la Commission Locale d'Information et de Surveillance (CLIS) de l'entreprise Stocamine, Alain Perret, Préfet du Haut-Rhin, a informé les membres de la CLIS de la décision prise par Delphine Batho, Ministre de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie, d’initier le processus de fermeture du site de stockage ultime de déchets industriels situé à Wittelsheim. Il est à signaler la mobilisation des élus dans ce dossier.
Un comité d’expertise (COPIL), dont les membres ont été nommés par la CLIS de Stocamine, a été mis en place en 2010 afin de donner un avis indépendant sur le dossier et les conditions de fermeture du stockage. Lors de la précédente CLIS du 7 juillet 2011, le scénario préconisé par la majorité des experts du comité de pilotage précité, était la pose de scellements efficaces et le retrait des déchets les plus dangereux, entre autres mercuriels, et la mise en place d’une surveillance de la nappe.
Un courrier signé de Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, en plein accord avec Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, avec lequel elle assure la tutelle de la société des Mines de Potasse d’Alsace, maison-mère de la société Stocamine, demande au PDG de cette dernière, Alain Rollet, de déposer un dossier de fermeture « sur la base du scénario préconisé par la majorité des experts du comité de pilotage » en application de l’article L 515-7 du Code de l’environnement, sur la base du scénario préconisé par la majorité des experts du comité de pilotage.
Ce scénario de fermeture est de nature à pleinement garantir, y compris sur le très long terme, l’absence d’impact significatif sur la nappe d’Alsace tout en évitant des travaux trop importants de retrait des déchets dangereux, ce qui présenterait des inconvénients importants en particulier pour la sécurité et la santé de ceux qui seraient amenés à intervenir.
La ministre met également en avant, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2013-2015, la disponibilité dès 2013 des crédits budgétaires permettant d’abonder le budget des Mines de Potasse d’Alsace et de Stocamine pour permettre le financement des actions de fermeture du stockage et de retrait sélectif des déchets.
Le dossier de fermeture une fois constitué sera soumis, comme prévu par le Code de l’environnement et les dispositions du décret du 10 mars 2006, à une instruction détaillée par la DREAL Alsace. Ce dossier et son analyse critique par un organisme tiers expert indépendant désigné par l’Etat, seront soumis à une enquête publique ainsi qu’à l’avis des services techniques départementaux. Ce n’est qu’à l’issue de ce processus d’instruction, et sous réserve d’une analyse favorable de la DREAL Alsace, que le scénario de fermeture du stockage sera définitivement validé ».
Oui mais voilà… cela ne satisfait pas tout le monde… ne serait-ce que parce qu’on s’orienterait vers un déstockage partiel c’est-à-dire celui des déchets les plus dangereux ; la majeure partie étant définitivement enfouie. On procèderait à des scellements (bouchons) posés après retrait sélectif des produits mercuriels. Une surveillance, dont les modalités restent à préciser, devra être mise en place.
« Pourquoi ne pas commencer à déstocker immédiatement », ont demandé plusieurs élus et les membres du Collectif Destocamine, lors de la réunion de la Clis. « Impossible », selon le préfet Alain Perret, et le PDG de Stocamine. Et ceci pour de bonnes raisons : les délais réglementaires incompressibles, notamment en matière de passations de marchés publics, mais aussi des études techniques indispensables, notamment pour définir quels sont précisément les déchets « les plus dangereux » qui doivent être extraits. Or, si les les experts du comité de pilotage avaient préconisé le déstockage des produits mercuriels, auxquels pouvaient s’ajouter d’autres polluants, tel l’antimoine, qui devaient faire l’objet d’analyses complémentaires, Alain Rollet lui-même indique ignorer la quantité précise de produits mercuriels comprise entre 7 000 et 10 000 tonnes.
Autre question délicate : qui va déstocker ? Michel Eidenscheck, (syndicat des mineurs CGT, membre du collectif Destocamine) estime qu’il est possible de commencer le travail de suite même s’il est avéré que la quinzaine de salariés de Stocamine (dont quelques mineurs, pour certains Polonais, en charge de l’entretien) n’y suffiront pas. Ce qui nécessite des appels d’offres à l’échelle européenne et un cahier des charges très précis.
A la suite de quoi… quoi faire des déchets ? Centre de classe I, ailleurs en France, ou une autre mine, ailleurs en Europe ? En Allemagne par exemple, puisque l’Allemagne accepte plus volontiers ce type d’enfouissement que la France (voir notre exposé), avec cependant des conditions particulières à respecter : parmi les critères retenus en Allemagne, il est cependant exigé que « les cavités dans lesquelles les déchets sont stockés doivent être protégées de la nappe phréatique… Les cavités remplies doivent d’abord être séparées du reste du stockage par des bouchons maçonnés. »
« La question est d’ordre diplomatique et fera l’objet d’une demande officielle de la France aux autorités allemandes », a précisé le préfet du Haut-Rhin.
Toujours est-il que les travaux pourraient débuter fin 2013 et la fin d’activité définitive de Stocamine intervenir d’ici 2019. Mais peut-être les contraintes budgétaires feront que l’État optera pour une prolongation des procédures, histoire d’amortir ses dépenses sur un plus long terme…