Produits emballés, non entamés, gaspillés, jetés... et déchets
Le chiffre de 7 kg donné par les associations en cache en réalité un autre, car il ne prend pas en compte les restes de pain rassis, des fruits et légumes avariés, des restes cuisinés. Le problème du gaspillage des produits emballés non consommés (yaourts, viandes, plats préparés, etc) se situe à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il met le doigt sur le phénomène de surconsommation. Les causes sont multiples; peur du manque, mauvaise évaluation des besoins, céder à la tentation du marketing, mauvaise gestion des stocks...Ce phénomène est loin d'être français. Nos voisins britanniques estiment, selon une récente étude, qu'il s'agit en fait d'1/4 de la nourriture achetée qui termine dans la poubelle. Le problème peut aussi être observé en amont. En effet, de nombreuses productions agricoles sont jetées directement sans passer par les étals. Il en va de même pour les pertes liées à la distribution et la restauration. Selon un rapport conjoint de l'Institut international de l'eau de Stockholm (SIWI), la FAO et l'Institut international de la gestion d'eau (IWI), l'ensemble des pertes entre les champs et nos assiettes est estimé à 55% de la production agricole mondiale.
En plus de produire dans le vide, jeter de la nourriture a aussi des conséquences sur l'environnement. Quand on jette un produit emballé non consommé, la solution reste bien souvent l'incinération et la mise en décharge, et non le recyclage. Cela participe aussi à un encombrement inutile de celles-ci. Selon Pénélope Vincent Sweet, pilote du réseau déchets de la FNE, "une moyenne de 20 kg de nourriture gaspillée par habitants représente 1 200 tonnes de déchets par an qu'on aurait pu éviter en France". Ce gaspillage est d'autant plus inacceptable socialement du fait que de nombreuses personnes ont des difficultés à se nourrir correctement, et ce pas seulement dans le monde. Selon Agathe Cousin du réseau A.N.D.E.S., "il ne faut pas oublier qu'en France, près de 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont réduites à une consommation de survie. 3 millions d'entre elles dépendent, exclusivement ou en partie de l'aide alimentaire pour se nourrir et nourrir leurs proches". Il serait en effet utile de mettre en place un système de valorisation de ces produits via la redistribution. En 2008, seul 8% des légumes et fruits retirés des marchés sont distribués à des associations caritatives, alors que valoriser les invendus s'apparente à de la création d'emploi, une meilleure utilisation et préservation des aliments, moins de gaspillage et de pollution.
L'association FNE et l'A.N.D.E.S. ont décidé de lutter contre ce fléau, car il ne s'agit pas d'une fatalité, mais bien d'un problème pour lequel des solutions existent. Ces deux associations propose dans un dossier thématique de 40 pages, intitulé "Gaspillage alimentaire, pourquoi et comment agir?" (en format pdf), un état des lieux, les enjeux de la situation et des pistes pour agir. La lutte contre le gaspillage offre bien des avantages (économiques, sociaux, écologiques) et des actions de sensibilisation auprès du grand public, des scolaires, des collectivités et des entreprises sont déjà menées. Car il s'agit surtout de contrer des mauvaises habitudes, d'instaurer des mécanismes de gestion des produits et de diffuser une meilleure information.
Selon Benoît Hartmann, le porte-parole de FNE, "de la grande distribution au particulier, la somme de nos gestes pourrait à la fois réduire notre empreinte écologique, notre pression sur les ressources et notre émission de polluants tout en permettant à chacun, dans le dignité, de se nourrir à sa faim. Une société riche et moderne ne saurait tolérer que perdure un système qui revient à jeter par la fenêtre argent, pesticides, gaz à effet de serre au mépris des populations les plus précaires".