Projet de loi contre le gaspillage : avis favorable des pro du plastique
Un contexte en pleine mutation
Les plastiques étant largement concernés par ce projet, il ne faisait aucun doute que les parties prenantes ne seraient pas longues à s'exprimer et/ou à réagir... d'autant que le texte semble taillé sur mesure... dans un contexte international en pleine mutation.
C'est si vrai que si les emballages plastiques inondent les marchés, les déchets d'emballages qui en résultent ne trouvent pas aussi facilement preneurs ne serait ce que parce que tous les emballages ne sont pas recyclables (étant entendu que recycler dans les règles de l'art nécessite en tout état de cause des débouchés). Il n'aura échappé à personne que la Chine a fermé ses frontières à certaines catégories de déchets plastiques, suivie de près par d'autres pays qui n'hésitent pas à réexpédier des conteneurs entiers aux envoyeurs de ces déchets non souhaités (parce que contaminés avec d'autres ou ne correspondant pas exactement aux documents administratifs décrivant le contenu de certains conteneurs ; lorsque l'on découvre des couches usagées dans un lot destiné au recyclage, par exemple, il y a de quoi être courroucé)... Autant de raisons qui pourraient tenter les législateurs de limiter l'utilisation de certains plastiques, afin de limiter les tonnages au global... Au demeurant, le processus a commencé avec l'interdiction programmée dans nos contrées européennes, des plastiques à usage unique... Sans parler du rapport présenté par la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ce 11 juillet.
Selon ce rapport (qui fait suite à une mission de six mois qui a permis de rencontrer des ONG, des industriels, des experts et des administrations françaises afin de dresser un état des lieux, mais aussi de se rendre à Bruxelles, au Danemark et aux Pays-Bas), présenté jeudi 11, par la voix de la députée LREM du Loiret Caroline Janvier, corapporteur avec Bernard Deflesselles, « la stratégie européenne sur les plastiques, lancée en janvier 2018, doit être soutenue plus résolument », pour « réduire l'usage des plastiques et prévoir une juste tarification des coûts cachés du plastique».
En fond d'écran, un constat : la production des plastiques a explosé en dépassant aujourd'hui, celle des autres matériaux, mais en suivant qui plus est, une courbe exponentielle depuis les années 60. « Le meilleur plastique est celui que l'on ne consomme pas », ce qui implique « une réduction de l'usage et une transformation des comportements, qui peut passer par l'interdiction de mise sur le marché des plastiques superflus ».
« Avec 359 Mt mises en marché en 2018 (+3,2% par rapport à 2017), la production mondiale a plus que triplé depuis 1990 » avec à la clé des millions de tonnes de déchets non recyclées et pas même collectés ; « près 50% des plastiques produits sont transformés en objets ayant une durée de vie inférieure à 3 ans »... « Nous sommes en présence d'une crise systémique. Il n'est ni souhaitable, ni même tout simplement possible de continuer à agir comme nous l'avons fait depuis l'invention de ces matériaux », a notamment affirmé la députée, tandis que Bernard Deflesselles a dénoncé « le recours au plastique à usage unique, lequel favorise une dissémination à la fois massive et diffuse dans l'environnement ».
Après ces constats, le rapport préconise évidemment des solutions pour remédier au problème posé : utiliser plus de plastiques recyclés compte parmi celles-ci, « en compensant le différentiel de prix avec les matières premières vierges par une taxation adéquate et en accélérant la certification des résines recyclées et des procédés de recyclage »...
« De manière générale, nous devons faire baisser le volume global des matières plastiques et développer l'économie circulaire. Pour cette dernière action, nous avons plusieurs leviers comme l'incorporation de matières premières recyclées, l'éco contribution et le fameux système de la consigne pour lequel il faudra renforcer le rôle des éco-organismes ».
PlasticsEurope, qui regroupe les producteurs de matières plastiques à l'échelle européenne, « accueille favorablement » un texte (le projet de LEC) « qui va dans le bon sens ». « Nous devons collectivement viser une collecte à 100% des déchets plastiques » et « atteindre une valorisation à 100% de ces déchets plastiques collectés », a commenté Eric Quenet, directeur général de l'entité pour l'Europe de l'Ouest. Toutefois, PlasticsEurope souhaite clairement garder les mains libres, l'entité demandant explicitement que l'incorporation de matières recyclées relève du « volontariat et non de la contrainte réglementaire ». Si des taux obligatoires devaient être fixés, ils devront « combiner ambition et réalisme », juge le syndicat.
L’accès à la matière plastique recyclée : à quel prix?
Elipso qui fédère les industriels de l'emballage plastique (rigide et souple), considère le projet comme un « texte ambitieux et fort » ; selon Françoise Andres, Présidente d’Elipso, « ce texte est un véritable Big Bang qui va bouleverser en profondeur le monde des déchets. Elipso en partage l’ambition pour accélérer et optimiser la collecte et le recyclage des emballages plastiques. Les emballages usagés ne doivent plus être perçus comme des déchets mais comme une ressource et traités comme tels ». Cela dit, il est évident pour Elipso que la collecte de 100% des emballages doit passer par la finalisation de l’extension des consignes de tri sur l’ensemble du territoire, et par l’instauration d’une nouvelle REP pour les emballages industriels.
Le projet de loi prévoit la possibilité d’imposer un pourcentage minimum d’incorporation de matière recyclée pour la mise sur le marché de certains produits. Françoise Andres souligne que « l’accès à la matière plastique recyclée est l’enjeu essentiel de demain pour les producteurs d’emballages plastiques » : la mise en place de dispositifs de consignes et la nouvelle organisation de la collecte des emballages (ménagers et industriels) doit permettre d’augmenter les gisements de plastiques recyclés disponibles sur le marché.
Reste à savoir comment comprendre le terme « accès » : à notre connaissance, les exploitants de centres de tri comme les recycleurs n'effectuent le travail qui est le leur, que dans la perspective d'écouler la matière triée et/ou recyclée, ce qui est sensé la rendre accessible aux industriels consommateurs, moyennant un prix, évidemment : celui du marché. Si « l'accès » devait se traduire par une sorte de gratuité de la matière recyclée, cela déconnecterait celle-ci d'un prix de marché, et ferait clairement des industriels du recyclage autre chose que ce pourquoi ils ont massivement investi.
Toujours est-il que dès le 11 juin (le 6 juin, Citéo et les industriels, distributeurs et fédérations de la grande consommation ont annoncé lancer une concertation globale sur la consigne pour le recyclage des emballages boissons, métal et plastique), Elipso avait pris partie et fait savoir par la voix de sa présidente, que « la mise en place d’un dispositif de consigne s’est progressivement imposé en France comme une évidence pour répondre aux attentes des citoyens en matière de transition écologique et de lutte contre les déchets sauvages » : le raccourci vaut le détour (pas sûr que le citoyen associe la transition écologique à la consigne, en revanche, il associera plus volontiers cette transition écologique à un moindre gaspillage, à la limitation de l'obsolescence programmée, et pourquoi pas, à la limitation aussi, des emballages et suremballages).
Et que la consigne « permettra à la France de remplir l’objectif d’un taux de recyclage d’au moins 90% pour les bouteilles fixé par l’Union Européenne ». Là encore, on ne peut qu'être surpris : mieux trier peut sans doute s'apprendre sans pour autant acquitter une consigne. Que penser des discours que l'on a entendus pendant plusieurs années, nous faisant croire que trier allait favoriser une baisse de la fiscalité déchets ? La réalité fut tout autre, ce qui n'a pas nécessairement incité à la rigueur de chacun, sans compter qu'avec la TEOM : tu tries ou tu ne tries pas, c'est le même prix.
Dans un tout autre registre, Elipso considère par ailleurs que la loi doit également soutenir le déploiement des nouvelles filières de recyclage plastique (film PP, PS, …) mais également encourager l’innovation (recyclage chimique, …) dans un secteur en pleine mutation... Et la présidente de conclure son propos en souhaitant « un débat apaisé sur les emballages plastiques. Notre secteur innovant s’inscrit pleinement dans le champ de l’économie circulaire. Le temps industriel est plus long que le temps médiatique. Notre industrie contribue pleinement à la réussite de la transition environnementale de notre pays ».
REP : tous les secteurs ne peuvent être impactés de la même manière
De son côté, la Fédération de la plasturgie et des composites, soutient « activement un projet de loi ambitieux qui va favoriser une approche responsable des plastiques », affirme son président Benoït Hennaut ; la fédération se félicite de « l'accélération impulsée vers une meilleure collecte, impactant positivement la production et l'utilisation de plastiques recyclés ».
En d'autres termes, elle adhère à « la démarche d’économie circulaire » portée par le projet de loi et appelle « au dialogue avec l’ensemble des parties prenantes » sur la question de la mise en place des REP : « tous les secteurs ne peuvent pas être impactés de la même manière… » analyse Benoît Hennaut, « dans la filière du bâtiment par exemple, de nombreuses initiatives innovantes sont déjà proposées par les acteurs : elles nécessitent d’être mise en oeuvre et évaluées avant d’imposer des mesures qui viendraient alourdir le dispositif. Ce qui est adapté au secteur de l’emballage ne l’est pas nécessairement pour l’ensemble des secteurs de la plasturgie». On ne peut lui donner tord, tant il a bien raison.
La Fédération profite de cette actualité pour rappeler que les plasturgistes conçoivent de nouvelles solutions et « travaillent à tous les niveaux pour développer le nouveau modèle de l’économie circulaire, prioritairement sur la collecte, l’écoconception et le recyclage et qu'ils poursuivent les efforts initiés dans le cadre de la FREC ».
« Trier et recycler les plastiques usagés représente un incroyable levier. C’est un effort qui doit être porté aussi bien par les industriels, que par les particuliers. C’est ainsi que cessera l’amalgame entre plastiques et déchets », poursuit, le président de la fédération qui estime par ailleurs que « la pérennité de l’usage des plastiques recyclés passe par une harmonisation des réglementations, avec des systèmes de mesure et des contrôles qualité des matières incorporées ».
« Il y a un enjeu de disponibilité des matières qui va nécessairement peser sur les entreprises, un système de bonus / malus aveugle pourrait s’avérer lourd de conséquence pour les entreprises. De plus, l’incorporation de plastiques recyclés avec des taux réglementés doit s’accompagner de contrôles à l’importation et d’un système de mesure. Nous y travaillons actuellement », conclut Benoît Hennaut.