Projet de loi : le Sénat déçoit

Le 19/02/2015 à 19:57  
Projet de loi : le Sénat déçoit
Déception Deux associations ont exprimé leur regret quant à la tournure qu'a pris, hier, le débat du volet "économie circulaire" du projet de loi sur la transition énergétique, notamment pour ce qui touche au gaspillage, à l'obsolescence programmée ou encore à la collecte des biodéchets.... Les Amis de la Terre et Zéro Waste France considèrent en effet que les Sénateurs sont en passe de faire un pas en avant, deux pas en arrière ; considérant que ce projet a déjà été mis à mal par la commission développement durable du Sénat, elles estiment que le texte voté ne fait qu'osciller entre volonté d’avancer et statu quo...

Déception clairement affichée dans le camp associatif à la suite du débat qui s'est déroulé hier, concernant le volet économie circulaire du projet de loi sur la transition énergétique.

Concernant la lutte contre le gaspillage des matières premières, une avancée, jugée purement théorique, a été introduite par les sénateurs avec l’adoption d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources. Celle-ci doit permettre d’aller vers une consommation plus sobre de nos ressources et ensuite d’utiliser en priorité les « ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables ». Mais dans le même temps, les sénateurs ont reculé de deux pas sur la question du jetable. En plus du report à 2018 de l’interdiction des sacs de fruits et légumes en plastique non compostable, la mesure d’interdiction des sacs plastiques a subi une nouvelle attaque, constatent amèrement les deux associations Amis de la Terre et Zero Waste : les sénateurs, avec la bénédiction de la Ministre, ont ainsi autorisé les commerces de moins de 1000 m2, c’est-à-dire à peu près tous les commerces de proximité, à continuer à distribuer des sacs de caisse, pour autant qu’ils soient compostables [1]. De son côté, la suppression de l’interdiction de la vaisselle jetable a été confirmée et remplacée par une obligation de tri. Ces deux décisions constituent un vrai recul dans la lutte contre le jetable et le gaspillage des ressources naturelles.

Obsolescence programmée : recul sur les propositions de solutions
Concernant l’allongement de la durée de vie des produits, les sénateurs ont confirmé le délit d’obsolescence programmée voté par l’Assemblée nationale. Les fabricants qui mettent sur le marché des biens dont la durée de vie a été délibérément réduite pourront désormais être condamnés. La définition de l’obsolescence programmée a cependant été très réduite. Ce sera aux juges de déterminer si un bien indémontable, irréparable faute de pièces détachées ou incompatible avec un nouveau logiciel ou un nouveau chargeur[2], porte le sceau de l’obsolescence programmée. Le délit est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Camille Lecomte, Chargée de campagne Modes de production et de consommation durables aux Amis de la Terre déplore qu’« après le passage du texte au Sénat, il n’y ait plus aucune mesure pour favoriser la conception de biens durables : abandon de l’affichage obligatoire de la durée de vie des produits, et aucun amendement déposé pour étendre la durée légale de garantie ou imposer la mise à disposition des pièces détachées ».

Tri des biodéchets : pourquoi seulement les ménages ?
Alors que l’on craignait sa suppression, les sénateurs ont confirmé l’objectif de généralisation du tri à la source des biodéchets à horizon 2025, mais l’ont assorti de conditions de coûts, d’étude d’impact et l’ont cantonné aux ménages. La Commission du développement durable avait cependant supprimé la phrase précisant que le déploiement de nouvelles installations de tri mécano-biologique devrait être évité. « Si la France veut rattraper son retard[3] en matière de gestion des déchets organiques, elle doit se doter d’objectifs clairs. Généraliser le tri à la source à tous les producteurs de déchets sans distinction et éviter la construction de nouvelles installations de TMB en étaient deux importants, qui ne figurent désormais plus dans la loi » regrette Delphine Lévi Alvarès, Responsable du plaidoyer chez Zero Waste France.
S’ils ont fait plusieurs pas en direction de l’économie circulaire (hiérarchie des ressources, interdiction de la DLUO, extension de la REP papier, etc.), les Sénateurs ont fait dans le même temps plusieurs pas en arrière. Pour les deux structures associatives, c'est dommage et ô combien ; selon elles, le texte qui sortira du Sénat et qui devra être débattu en Commission mixte paritaire est loin d’être en mesure de poser un cadre réglementaire propice à l’essor de l’économie circulaire en France.
Carrefour a immédiatement réagi en revnache, sur la suppression de la date limite d'utilisation optimale (DLUO) sur les produits alimentaires non périssables : l'enseigne propose qu’un débat puisse être organisé à bref délai avec les parties prenantes, notamment les associations de consommateurs, pour mettre en oeuvre les meilleures pratiques dans le domaine.

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[1] Un décret en Conseil d’État déterminera les conditions d’application de la mesure, et notamment la teneur biosourcée minimale de ces sacs et les conditions dans lesquelles celle-ci sera progressivement augmentée. Nos associations rappellent que ce sont les critères de biodégradabilité qui comptent le plus et demandent à minima que soit appliquée la standardisation permettant un compostage domestique pour limiter l’impact de ces sacs s’ils se retrouvent dans la nature, et à minima la norme européenne de biodégradabilité EN 13432 (pour le compostage industriel).
[2] Cas d’obsolescence programmée : http://www.amisdelaterre.org/En-attendant-les-mesures.html et http://www.amisdelaterre.org/http-www-amisdelaterre-org-La.html
[3] Alors que les déchets organiques représentent plus de 30% de nos ordures ménagères, seuls 15% des 38,5 millions de tonnes de déchets que produisent les Français chaque année font l’objet d’une valorisation, et ce en comptant les installations de tri mécano-biologiques.