Quand la radioactivité est importée à partir de déchets recyclés…
Il est des contrées qui se sont spécialisées dans le recyclé… C’est le cas Mayapuri, une banlieue indienne située non loin de New Delhi : là, on trie les déchets métalliques, une activité qui ferait la fortune d'environ 5 000 entrepreneurs et qui permettrait tout juste à des milliers de personnes de survivre. Mais gagner 3 et 4 euros par jour, c’est mieux que rien pour des millions d’Indiens... C’est sans compter avec la radiocactivité et l’exportation de ces produits, surtout lorsqu’ils arrivent en France où la réglementation s’impose strictement.
Début octobre 2008, des colis en provenance d'Inde contenant notamment des pièces pour boutons d'ascenseur laissant apparaître la présence de cobalt 60 émissif de rayonnements ionisants, sont découverts en Isère au sein de l’entreprise Mafelec, à Chimilin.
En les manipulant, un salarié a reçu une dose supérieure à la limite réglementaire d'exposition au public…
Fin octobre le bilan est établi : « l'impact des rayonnements reçus par le personnel de Mafelec est extrêmement faible (et) ne devrait pas avoir de conséquences », assure l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Les composants de boutons d'ascenseurs contenant du métal radioactif reçus par Mafelec provenaient d’Inde : après enquête franco indienne, on a pu établir en effet, qu’ils provenaient de déchets recyclés dans une fonderie, située à Pune, dans l'ouest du pays.
Selon le correspondant en Inde du Monde, Julien Bouissou, « les carcasses d'acier arrivent à Mayapuri depuis le monde entier. Elles y sont désossées et triées, avant d'être acheminées dans des fonderies situées à l'extérieur de New Delhi. Chaque véhicule, d'abord revendu en pièces détachées à des intermédiaires spécialisés, termine en pièces de quelques centimètres, triées selon leur composition métallique et revendues aux fonderies. Des vis aux disques de frein, tout est récupéré. Armés d'un chalumeau ou d'un tournevis, les ouvriers travaillent avec une précision d'orfèvre sur les moteurs rouillés. Les épaves de Mayapuri se réincarnent ainsi en tonnes d'acier. Une fois sorties de l'une des 4 500 fonderies du pays, elles ont perdu toute trace de leur vie antérieure. Tout au long de la chaîne de recyclage, les déchets radioactifs passent inaperçus. Dépourvus de matériel de détection, les ateliers sont en effet incapables de les repérer ».
« J'ai vu des appareils de radiographie alignés sur un terrain vague qui attendaient leur dépeçage », témoigne Prashant Pastore, chef de projet chez Toxic Links, une association de protection de l'environnement auprès de notre confrère Le Monde.
Il se trouve que le cobalt 60, métal radioactif retrouvé en France est un matériau utilisé en radiothérapie. Or, dans la réglementation indienne, il est prévu que les hôpitaux doivent retirer les parties radioactives de leur matériel usagé avant de revendre celui-ci.
Cela étant, force est de constater que la radioactivité ne compte pas parmi les dangers les plus redoutés par les recycleurs de Mayapuri. « Je ne crains que les explosions », assure un gamin que passe sa journée à retirer les gaines en plastique des fils électriques. Car les accuidents ne sont apparemment pas rares : obus et autres munitions sont monnaie courante. En juin dernie, on a déploré deux blessés par une explosion tandis qu’en 2004, 10 personnes avaient trouvé la mort à cause d’une explosion d’obus mélangés à d’autres déchets dans une fonderie…
« Des missiles arrivaient… Le plus souvent cachés sur les toits ou dans le canal pour éviter que la police ne les repère, ils étaient découpés à la nuit tombée ». Il faut dire qu’entre la guerre du Golfe et la guerre d’Irak, il y avait matière à se faire du blé. En clair, le farrailleur du coin n’était pas à plaindre.
Mais tout n’a qu’un temps et c’en est terminé puisque depuis le 1er avril 2007, les importations de mines, de munitions ou de matériaux explosifs ou radioactifs, etc. sont interdites. Sauf que les entrées ne sont pas nécassairement bien contrôlées…
Or, de l'aveu même du vice-président de l'Autorité indienne de sûreté nucléaire, les déchets radioactifs importés ne le sont pas, étant entrendu par ailleurs que l’Inde est un pays qui ne peut se passer de l'importation de déchets.
La croissance économique du pays (+7 ou 7,5 % en 2008), et la construction soutenue d'infrastructures engendrent des besoins en acier croissants, avecxun attrait tout particulier pour les matières recyclées.
Débu 2008, le gouvernement a supprimé les droits de douane de 5 % sur leur importation, tandis que la production d'acier « devrait passer de 56 millions de tonnes cette année à 280 millions en 2020 », assure un spécialiste du secteur.
Mais compte tenu des paramètres (demande d’acier croissante et manque de mesures de sécurité renforcées), d’autres pièces radioactives risquent de sortir du pays, à destination de la France ou d’ailleurs, ce qui confirme d‘ailleurs l'Autorité indienne de sûreté nucléaire en la personne de Satya Pal Agarwal, qui confirme que « ce qui est arrivé aujourd'hui avec Vipras peut se reproduire demain avec une autre fonderie ».