Quand la sortie du statut de déchets permet de gagner en autonomie
Pour l'heure et après avoir mis l'accent sur de nombreuses initiatives, c'est Soprema qui opte pour le virage du gain en autonomie énergétique, avec une politique compatible avec la loi sur la transition énergétique, of course.
Cela fait quelques années que l'entreprise française spécialisée dans les systèmes d'étancheité, améliore constamment ses process, comme ses produits : après la construction de l’usine écologique de Hof en Allemagne, puis de l’usine à Drummondville au Canada, qui a obtenu la certification «Leed Or», Soprema poursuit sa stratégie avec la mise en place du process de gazéification biomasse de deux de ses usines en France.
Fin février 2017, sur son site industriel de Strasbourg, l'industriel a mis en route un système de gazéification de biomasse : une première en France dans le secteur de l’industrie des matériaux de construction. L’unité produira un gaz de synthèse (dit Syngaz) issu de la pyrolyse du bois, la biomasse utilisée étant un bois ayant le statut de Bois Sortie du Statut de Déchet ou SSD, (typiquement du bois de palettes ou des tourets d’électricien inutilisables). Livré en vrac par un spécialiste local du tri, l’approvisionnement est situé à moins de 2 km de l’usine de Strasbourg; la concrétisation de ce projet permettra la production de 1125 tep (tonnes équivalents pétrole) ou encore 13GWh annuelle soit une substitution à terme de 60 % de la consommation du gaz naturel utilisé sur le site industriel.
Le besoin en biomasse est de l'ordre de 4000 tonnes de bois SSD par an ; dès lors que les tonnages sont captés, via une démarche d'économie circulaire, le bénéfice lié à cet investissement est évident : une réduction d’environ 3300 tonnes de CO2. La technologie choisie est de type hybride et permet donc de fonctionner à la fois avec du gaz naturel et/ou de la biomasse type SSD ou autres, ce qui confère une grande souplesse au projet, lequel nécessite un investissement d’environ 2 millions d’euros (soutien de L'Ademe inclus, via un BCIAT (Biomasse Chaleur Industrie et Agriculture).
Les déchets ultimes (les cendres de ce bois SSD) générés par le système, environ 80 tonnes / an, seront recyclées par l'industriel dans ses propres productions.
Un second projet de gazéification biomasse est en route sur le site de Sorgues, qui sera le deuxième site du groupe à mettre en place une solution de ce type, quand bien même le procédé choisi est diffèrent de celui de Strasbourg afin de mieux s’adapter aux sources d’approvisionnements en local. Si le projet alsacien repose sur la gazéification de bois, celui de Sorgues consistera à produire le gaz de synthèse (Syngaz) à partir de tourteaux de raisins. La proximité d’industriels oléicoles et le bassin viticole qui entoure l’usine (vallée du Rhône, Languedoc-Roussillon) permettent en effet d’envisager un approvisionnement annuel de la matière première. De plus, la densité des tourteaux et leur fort pouvoir calorifique (sup. 4500Kw) en font des produits de choix pour ce type de valorisation.
Là encore, l’installation (dimensionnée pour produire environ 7GW sur l’année, permettant ainsi une substitution de l’ordre de 90 à 95% de la consommation de gaz naturel) fait l’objet d’un co-financement de la part de l’Ademe et s’inscrit dans le registre des NTE (Nouvelle Technologie Emergente) : l’empreinte carbone du site sera réduite de 95% soit une baisse des émissions de l’ordre de 1500 tonnes de CO2 par an.
En plus de réduire l’impact environnemental de l’usine et sa dépendance aux énergies fossiles, cette installation se veut être un moteur de l’économie locale : le Vaucluse présente aujourd’hui un atout indéniable dans la diversité de ses cultures fruitières et maraichères. En étant capable de diversifier la nature de ses matières premières, le site souhaite à long terme faire coïncider son sourcing avec la saisonnalité des productions (noyaux d’abricots, olives, et coques de noix ) et valoriser ainsi l’ensemble de l’économie locale.
Cette stratégie est d’autant plus pertinente que l’usine se situe à 100 km de deux grosses installations industrielles de production d’énergie qui consomment au cumul prêt de 900 000 tonnes annuelles de plaquettes forestières.
Soprema s'inscrit bel et bien dans une démarche d'écologie industrielle, et se montre précurseur puisque le choix de technologies de gazéification reste encore peu développé en France. Une implication plus marquée des acteurs industriels du secteur privé stimulera très probablement le développement de ces technologies, ce qui assurera la réduction de l’impact environnemental d'un certain nombre d'usines sur le territoire, sans pour autant en diminuer les performances, en misant sur ce qu'il est convenu d'appeler la transition énergétique...