Quand la tournure de la clause de revoyure est vécue comme un affront…
Autant dire qu’elle était attendue, cette décision sur la clause de revoyure de la filière des déchets d’emballages ; il semble qu’elle ait déçu.
Un arbitrage...
Le 28 février dernier, le Ministre Philippe Martin a réuni les représentants des collectivités territoriales et Eco-Emballages, collecteur des contributions après des metteurs sur le marché d’emballages, avant de les reverser aux collectivités, ceci en vue de financer la collecte et le traitement des déchets d’emballages ménagers générés par la grande distribution, pour l’essentiel.
Après plusieurs mois de réflexion, le ministère a décidé d’actualiser les coûts servant de référence à la filière, « qui sont la base des soutiens à destination des collectivités en les augmentant de 23 millions d’euros par an, afin de tenir compte de certains coûts techniques.
A cela s’ajoutera, histoire de compléter le dispositif, un plan d’actions en faveur du recyclage (établi sur la base d’une proposition d’Eco-Emballages), d’un montant global de 90 millions (à répartir sur la période 2014-2016 et moyennant un accompagnement financier par l’éco-organisme, en faveur des collectivités qui présentent les plus faibles performances). Il s’agira aussi, dans le cadre de ce plan, de mettre en oeuvre des investissements afin de moderniser les installations qui en ont besoin : 30 millions sont prévus.
Et Philippe Martin de demander « à l’ensemble des parties prenantes de la filière de gestion des déchets d’emballages ménagers, de définir, ensemble, les modalités détaillées des actions à mener »…
Considéré comme arbitraire...
Si les associations de poids, Amorce, le CNR et l’ADCF, saluent l’arbitrage rendu, elles ne sont pas ravies, ravies pour autant. Et pour cause : selon elles, les comptes n’y sont pas et il manque des sous. Beaucoup de sous…
« Le Ministre de l’Ecologie a rendu son arbitrage sur la clause de revoyure à hauteur de 53 millions d’euros (la première année) sous forme d’un plan d’action de 90 millions d’euros sur 3 ans d’amélioration de la collecte sélective et d’une augmentation de 23 millions d’euros du barème aval sur la base d’un coût de référence revu à la hausse (soit un quart du minimum réclamé par les collectivités) »…
Le ton est donné. Car au cœur de cette bataille entre les collectivités et l’éco-organisme, une question centrale, celle du partage des coûts, soit 20% restant à la charge des premières et 80% pris en charge par le second, aux termes du cahier des charges. Au lieu de cela, deux associations majors, Amorce et le CNR, ont beau compter : elles constatent un différentiel de plus de 100 M€ en leur défaveur, avec suite logique, une répercussion dans le porte monnaie des ménages (via la fiscalité locale)…
En actant une révision à la hausse des coûts de référence et une augmentation certaine des financements apportés aux collectivités, « le Ministère approuve clairement le combat des associations de collectivités compétentes en matière de gestion des déchets qui appellent depuis plusieurs années à une meilleure prise en charge par les producteurs des coûts de gestion des déchets d’emballages afin d’atteindre l’objectif de75% de recyclage, conformément à la loi Grenelle ».
Le compte n'est pas bon…
Les trois associations engagées dénoncent « une revalorisation marginale des soutiens financiers apportés aux collectivités » qui n’a pas grand-chose à voir avec l’objectif de prise en charge à 80% des coûts établi lors du Grenelle. Plus fort : les structures associatives notent que cet arbitrage « renie les conclusions des services du ministère dont les travaux estimaient, il y a quelques mois, de 100 à 300 millions d’euros, la correction à apporter dans le cadre de cette clause de revoyure ».
« Dénué de fondements technique, économique ou juridique, cet arbitrage au montant pour le moins «arbitraire» marque une nouvelle fois l’emprise d’Eco-Emballages sur les pouvoirs publics et une partie des acteurs de la filière, conforte les associations de collectivités dans leur rôle difficile mais salutaire de contre-pouvoir et confirme la nécessité d’une véritable régulation nationale indépendante des filières REP ».
Pour conclure, les trois associations appellent ni plus ni moins les collectivités à exprimer sous toutes les formes qu’elles jugeront utiles leur désapprobation face à cette hégémonie insupportable.
Et d’enfoncer le clou en annonçant, de concert, dans un communiqué, « qu’elles envisagent de se retirer de l’ensemble des instances de concertation en matière d’emballages jusqu’à ce qu’une refonte complète de la gouvernance de l’éco-organisme soit mise en œuvre, garantissant en particulier une meilleure représentativité des associations de collectivités compétentes et une indépendance totale des acteurs de la filière »…