Recybéton, histoire de bétonner le recyclage …

Le 31/01/2012 à 11:58  
RecyDéchets de bétonbéton, pour bétonner le recyclage
 27 janvier 2012, date du lancement officiel du projet national de recherche et développement "Recybéton" (RECYclage complet des BETONs), une opération d'envergure qui se donne pour objectif de réutiliser l’intégralité des matériaux issus des bétons de déconstruction. Il faut dire qu’en France, on constate que, sur un total d’environ 300 millions de tonnes de déchets de chantier produits par an, seule une partie du béton qu’on y trouve est recyclée, principalement pour des travaux routiers… Le message est donc clair : peut mieux faire !...

 Un projet national va être lancé concernant la recherche et le développement sur les bétons issus de la déconstruction. Ce projet mené par l’industrie cimentière avec les producteurs de béton prêt à l’emploi, de béton industriel et de granulats, a été baptisé Recybéton. 

 Construire pour valoriser  
 C'est le fruit d’une réflexion notamment sur les millions de tonnes de déchets de chantier produits par an (TP + Bâtiment), dont approximativement 1/3 est éliminé. Seule une partie du béton est valorisée en remblais et travaux routiers ; les granulats recyclés ne représentant qu’environ 5% de la production nationale de granulats...
« Ce travail préparatoire d’analyses de recherche bibliographique nous a permis d’envisager le montage d’un projet d’envergure sur l’utilisation la plus complète possible du béton de déconstruction, avec en ligne de mire la participation active de tous les acteurs concernés», a précisé Horacio Colina, Directeur du projet Recybéton et Directeur Délégué au Développement Technique de l’ATILDémolition d'un immeubleH (Association Technique de l'Industrie des Liants Hydrauliques).

300 millions de tonnes de déchets de chantier produits par an, ce n'est pas une mince affaire! Ce Projet National de Recherche et Développement vise principalement à changer cette tendance en accroissant la réutilisation de l’intégralité des matériaux issus des bétons déconstruits, y comprises les fines, comme constituants des nouveaux bétons. L’utilisation des granulats recyclés en travaux routiers est d'ores et déjà pratiquée en France et des études sur le recyclage du "béton pour faire du béton" sont en cours. Toutefois, beaucoup de questions subsistent sur ces deux applications, bétons routiers et bétons de structure, et le présent projet vise à y répondre.
Il s’intéressera aussi au recyclage des matériaux issus de la déconstruction des bétons comme matière première dans la production de liants hydrauliques (pour produire le clinker ou comme constituant de nouveaux produits).
Difficilement envisageable économiquement hier, la réutilisation des matériaux issus de la déconstruction ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives. En effet, le coût environnemental augmente et justifie les recherches qui seront entreprises pour démontrer que la valorisation de ces matériaux réduit leur impact environnemental.

Pour aboutir aux objectifs principaux fixés par le projet, les différents aspects à aborder sont regroupés selon 3 thèmes principaux de recherche et développement : technologies et procédés ; matériaux et structures ; développement durable.
Pour favoriser l’applicabilité des résultats de façon cohérente et efficace, un thème transversal traitera les aspects réglementaires et normatifs. Un thème valorisation sera soigneusement traité dès le lancement (2012) usqu’à la fin du projet (2016) et sera considéré comme un thème transversal.

 Déchets BTPDes enjeux pour les professionnels
 L’objectif du projet s’apparente donc à la réutilisation du béton, le béton étant, après l'eau, le second matériau le plus consommé dans le monde. Ainsi les professionnels de la construction, de plus en plus sensibilisés aux questions liées à la fin de vie des constructions, s'interrogent (consommation des matières premières naturelles, accès à leur ressource, ou génération de déchets) quant à ce qu'il est possible de faire afin d'exploiter un maximum de ces nouvelles matières premières potentielles... Pour l'heure, on en recycle qu'une fraction principalement pour des travaux routiers, alors qu'ailleurs en Europe, les granulats recyclés provenant de bétons de déconstruction concassés sont déjà utilisés dans la formulation de nouveaux bétons. Il faut dire que le coût environnemental augmentant, justifie les recherches qui seront entreprises pour démontrer que la valorisation de ces matériaux réduit les impacts à tous niveaux.

Ce projet national  vise principalement à accroitre la réutilisation de tous les produits issus des bétons déconstruits : dans cette mesure, il s’intéressera de prèsau recyclage. 
Il s’agit aussi de répondre aux questions sur la façon d’aboutir à :
des diminutions importantes d’émissions de GES,
la réduction de la consommation énergétique,
l’utilisation rationnelle des ressources naturelles dont l’accès devient de plus en plus rare,
la valorisation des matériaux de déconstruction pour limiter voire éliminer les mises en décharge.

Le recyclage complet du béton tentera d’apporter des réponses à toutes ces questions. 
Tant au niveau national qu’international, des études allant dans cette direction ont déjà été menées tel qu’il est présenté dans l’état de l’art établi pour cette étude de faisabilité. Le sujet était déjà présent à la fin du 20ème siècle mais ce n’est que dans la première décennie de ce siècle que l’étude du recyclage du béton commence à prendre de l’importance, poussée par la prise de conscience des enjeux liés au développement durable.
Le contexte actuel est nettement marqué par les réflexions issues du Grenelle de l’Environnement. Il faut œuvrer pour adapter et perfectionner les connaissances existantes pour adapter le secteur de la construction à l’approche développement durable et répondre à ce qui est devenu aussi dans le même temps une demande sociétale. 

Déferrraillage magnétique sur overbandPur l'heure, les matériaux de déconstruction représentent des volumes très importants et qui sont essentiellement valorisés en remblai. 

D’autre part, l’évolution des contraintes environnementales et administratives actuelles rend délicate et de plus en plus difficile l’ouverture de nouvelles carrières. Or, à sa fin de vie, le patrimoine d’ouvrages et de structures de génie civil constitue un gisement potentiel important de granulats recyclés. Il faut aussi prendre en compte que, après déconstruction, le coût de la mise en décharge devient de plus en plus élevé. 


 L'état de l'art...
 Les méthodes de production des granulats recyclés doivent distinguer la phase de déconstruction et la phase d’élaboration. L’une et l’autre font appel à des procédés devant être adaptés d’une part à l’ouvrage « ressource » et d’autre part au matériau récupéré. Le choix de ces procédés conditionne les propriétés du matériau et les performances du produit fabriqué ultérieurement.
De nombreuses études ont permis de démontrer la faisabilité technique et économique de la déconstruction sélective (Recyc-Québec, 1999).

Les déchets inertes représentent théoriquement 94% des déchets de l’activité déconstruction mais en réalité, ce taux n'est que de 60% car certains déchets non inertes ne peuvent être séparés des autres : restes de plâtre sur les bétons, présence d'éléments de second oeuvre comme le bois et les plastiques qui n'ont pu être retirés des murs. Or à ce jour, si la valorisation du béton pur atteint un taux de 77,7%, le taux de recyclage des déchets inertes en mélange atteint tout juste les 12%. Cette situation devrait être améliorée car les plans de gestion des déchets du BTP recommandent de faire réaliser un diagnostic déchets de l’ouvrage à démolir (METL, 2004 ; DRE Haute Normandie, 2005). De plus la Directive européenne 2008/98/CE impose d’atteindre l’objectif de 70% en poids pour le réemploi des déchets non dangereux de construction et de démolition (…) d'ici 2020. C’est aussi par la conception des nouveaux ouvrages en prenant en compte leur future déconstruction et par le tri que l’on pourra améliorer le taux de recyclage...

Bien que réel, le surcoût induit par la déconstruction sélective (accroissement de la durée de la déconstruction, multiplication des opérations et augmentation de la main-d’oeuvre), n’est plus, dans beaucoup de cas, un obstacle car aujourd’hui toute déconstruction doit être précédée d'un audit avec inventaire systématique et complet des matériaux et identification des filières locales de recyclage. L’existence de ces filières locales justifie une déconstruction fine et un tri poussé.
Pour mémoire, le prochain décret sur l’audit portant sur les déchets issus de la démolition de bâtiment, issu de l’engagement 256 du Grenelle, rendra obligatoire la réalisation d’un audit visant à fournir la nature, la quantité et la localisation des matériaux constitutifs des bâtiments et des déchets résiduels non constitutifs des bâtiments, pour les bâtiments d’une surface hors d’oeuvre brute supérieure à 1000 m² et les bâtiments ayant accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances dangereuses.

L’élaborConcasseur de bétonation des granulats recyclés est réalisée dans des installations fixes ou mobiles qui comprennent les mêmes grandes phases d’élaboration que les installations pour les granulats naturels (concassage, criblage et éventuellement lavage). Un prétraitement spécifique doit cependant être exécuté. Il consiste à réaliser le cisaillage des ferrailles et la réduction des plus gros éléments.
Le concasseur à percussion présente une meilleure réduction de la granulométrie (avec moins d’éléments fins) et facilite la séparation des armatures du béton mais l’usure du matériel est importante et la granulométrie d’entrée limitée. Il permet également d’obtenir une meilleure cubicité du matériau sortant.

Une enquête menée entre fin 2001 et mi 2002 par la FNTP avec l’Ademe et le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable a montré que l’activité des TP générait 280 millions de tonnes d’excédents (matériaux issus de la construction mais n’entrant pas dans la réalisation du chantier) et de déchets de chantier dont un tiers était éliminé et deux tiers valorisés. Parmi les déchets éliminés, la plus grande partie était stockée en site de classe 3 pour déchets inertes alors qu’une part non négligeable (29 Mt) était déposée dans des décharges brutes ne respectant pas la réglementation en vigueur [enquête M. Rubaud, J.F. Pasquet, F. Bourgeois, "Recyclage des matériaux de construction : les filières pour préserver l’environnement", Géosciences, n°1, BRGM, janvier 2006]. 


Pour le bâtiment, l’Ademe estimait il y a une quinzaine d'années, la production de déchets à 24 millions de tonnes. On estimait d'ailleurs que l’essentiel des déchets inertes était constitué de déchets en mélange (37,2 %), de ciment et mortier (12,9 %) et de béton armé (9,8 %) [ADEME, "Guide des déchets de chantiers de bâtiments, 1998]. Le reste, 40,1 %, correspond à d’autres déchets qui ne sont pas en mélange mais différents du ciment, du mortier et du béton armé (plaques de plâtre, vitres, etc.) 
 Béton concassé
Une étude plus récente (actualisée sur le site web de l’ADEME) réalisée avec la FFB, estime que les déchets inertes sont de l’ordre de 20 millions de tonnes, dont 56 % correspondent à des produits inertes mélangés, 17 % à des produits à base de ciment, mortier et béton, 19 % à du béton armé et 7% à des terres cuites et céramiques. Ces déchets proviennent à 9 % de la construction neuve, 35 % correspondent à des travaux de réhabilitation et 56 % à des démolitions. 


 Pour faire court, beaucoup de mélange et difficulté de séparer les matériaux necessite la mise en oeuvre de moyens efficaces de séparation des composants des matériaux de démolition, qui devrait être accompagnée par la promotion de la déconstruction sélective des bâtiments et des structures de génie civil permettant d’éviter ces mélanges. 

Cela étant, il reste que beaucoup de déchets proviennent des produits à base de ciment, mortier et béton non armé. Ceux-ci, ajoutés à ceux correspondant au béton armé, constituent plus de 35 % du total des déchets inertes du bâtiment selon la dernière étude citée ci-dessus. Ce qui démontre la pertinence de converger vers les objectifs énoncés par ce projet de R&D.