Recyclage : 4 opérateurs vont souquer ferme
Que faire d'un bateau qui ne vogue plus? Il n'y a pas si longtemps, pareille question était sans réponse...ou presque, aussi bien financièrement que sur le plan environnemental. Sans contrainte aucune, la filière nautique a décidé de mettre le cap sur une solution à ce problème visant donc à traiter les bateaux hors d'usage (voir également notre dépêche d'hier). Pour ce faire, la Fédération des industries nautiques (FIN) a mené une étude de faisabilité (de 2004 à 2005 ) et investi 100.000 euros pour mettre en oeuvre en 2010 une filière de déconstruction.
L'enjeu est d'éviter que les épaves soient laissées à l'abandon au fond d'un jardin, brûlées, enfouies ou bien coulées en mer. Cette dernière pratique pose évidemment un problème d'impact mais aussi d'image : ces coques renferment inévitablement des déchets dangereux tels que les huiles usagées ou les liquides de batterie, tandis qu'il est clairement établi que les matériaux composites ne se dégradent pas. On ne peut pas continuer à laisser les plaisanciers polluer la mer, faute de solution à leur proposer.
Pas évident pour autant... Malgré des volumes impressionnants au premier abord, la quantité de bateaux en fin de vie ne suffit pas à faire émerger une filière spécifique qui tienne la mer sans prendre l'eau.
Chaque année, 20.000 embarcations sont mises au rebut.
Selon les estimations retenues par la filière nautique, le gisement s'élevait à 5.000 tonnes de déchets en 2005, 10.000 tonnes en 2010 puis 20.000 tonnes à l'horizon 2025.
Le parc plaisancier français compte 700.000 immatriculations, dont seulement 450.000 naviguent.
« La carrière d'un bateau est très longue, souvent près de trente ans. Il y a toujours un bricoleur qui a envie de racheter un bateau pour quelques centaines d'euros et de le retaper », expliquait récemment Éric Leclerc, ingénieur chargé de mission par la FIN. Rien ne s'oppose à la longévité des embarcations puisque le système des contrôles techniques, mis en place dans l'automobile par exemple, n'existe pas encore dans la navigation de plaisance.
L'industrie nautique s'est donc mise en quête de dénicher des sous-traitants de qualité, à même de prendre en charge ces bateaux. Quatre opérateurs, réunissant 27 centres de traitement, ont été sélectionnés. Il s'agit du groupe Veolia, du groupe breton Romi Recyclage, d'Arc Environnement à La Rochelle et Veron Ecoservices à Saint-Malo.
Le coût de cette opération, qui consiste à valoriser les matières traitées telles que des polyesters transformés en pieds de chaises de jardin, est jugé raisonnable : entre 500 et 700 euros par coque de 5 à 8 mètres. Reste maintenant à se faire connaître. Rien de tel que les vendeurs de bateaux pour la promouvoir. Ces derniers ont tout intérêt à un rajeunissement du parc et à une limitation de l'offre sur le marché de l'occasion. « Durant les cinq premiers mois, nous avons traité 124 bateaux et nous espérons 20 à 30 unités supplémentaires d'ici à la fin de l'année », indique le responsable du projet.
Pour l'heure, c'est vrai, il s'agit d'une goutte d'eau dans un océan. Mais Éric Leclerc escompte bien séduire par cette filière de déconstruction, d'autres secteurs, comme les navires miliaires, de commerce ou de pêche.
Sans attendre une telle ouverture, les industriels de la filière nautique ont coordonné leurs efforts depuis plusieurs années pour intégrer l'éco-conception dès la fabrication du bateau. Toujours dans un souci de préservation du milieu marin, les nouveautés sont désormais équipées de cuves de rétention d'eaux noires (eaux des sanitaires), qui peuvent être purgées dans les installations prévues à cet effet dans les ports ou loin des côtes. De quoi réconcilier les marins et les badauds qui pourront ainsi admirer les embarcations dans des ports de plus en plus propres.