Recyclage des déchets d’emballages : en demi-teinte...

Le 08/07/2013 à 11:59  

Recyclage des déchets d’emballages : en demi-teinte…

Eric Brac de la Perrière Et non pas en demi-deuil. Eric Brac de la Perrière, directeur général d’Eco-emballages présentait ce lundi le bilan mitigé des progrès de la collecte et du recyclage des déchets d’emballages ménagers en France. Incompréhension des consignes de tri ici, mode opératoire sur le territoire de certaines collectivités à modifier, les chiffres attestent d’une certaine stagnation quand les budgets consacrés à la collecte sélective sont exponentiels… Pour faire court, l'éco-organisme en veut pour son argent, ce qui nécessitera d'opérer autrement quand ce sera nécessaire, l'idée étant d'instaurer et de mettre en oeuvre de bonnes pratiques...

 Lundi 1er juillet, lors de la présentation de son rapport annuel, Eco-Emballages a insisté sur la nécessité de réveiller la dynamique du recyclage, notamment dans les grandes agglomérations où les performances sont très inégales. Plusieurs pistes pourraient être suivies pour ce faire, d’autant qu’à l’échelle du pays, le recyclage des déchets d'emballages est au point mort…

 Le taux de recyclage des emballages concernés (carton, plastique, verre, acier, aluminium) a calé à 67% en 2012, tout comme l’année précédente, avec près de 3,2 millions de tonnes d'emballages recyclés sur les 4,8 millions de tonnes mises sur le marché, tandis que l’éco-organisme note qu’il n'a progressé que d'un point par an en moyenne sur les dix dernières années, c'est-à-dire trop lentement (il aurait fallu qu'il progresse de 3% par an) ; or, la loi est claire : le taux de recyclage de 75% doit être atteint en 2016. Par matériau, les performances sont bonnes pour l'acier (97%) et le verre (86%), correctes pour le papier-carton (67%) mais moyennes pour les bouteilles en plastiques, les flacons et briques alimentaires (moins de 50%) et quasi inexistantes pour les emballages en plastiques (1%).
L’expérimentation de l’extension des consignes de tri sur les plastiques, lancée en mars 2012, est encore trop récente et trop limitée pour changer la donne puisqu’elle ne concerne que 51 collectivités françaises volontaires, soit 6% de la population française. Au final, le plastique des emballages ménagers n’est donc recyclé en France qu’à 22% (49% si l’on ne regarde que les bouteilles et les flacons).
Et de remarquer que « les emballages en aluminium continuent aussi de poser problème car ils sont très fins et passent à travers les dispositifs de tri »…
La conclusion de l’éco-organisme est sans appel : « peuvent mieux faire, les trieurs »… Parce qu’à ce rythme là, les 75% de recyclage global, c’est pour 2020, et encore !

 La situation est jugée d'autant plus ennuyeuse que « cette stagnation des tonnages est observée malgré l'augmentation des soutiens aux collectivités locales : entre 2010 et 2012, les tonnages n'ont progressé que de 7% alors que les soutiens ont augmenté de 34% pdéchets d'emballagesour atteindre 549 millions d'euros en 2012 »,
Bonne nouvelle néanmoins : l'un des objectifs du Grenelle a été atteint l'an passé l’an dernier. Il s’agit de la réduction de 100 000 tonnes, entre 2007 et 2012, du poids des emballages mis sur le marché par les industriels. C’est le secteur des boissons qui a largement contribué (pour 77%) à la satisfaction de cet objectif, par le biais de l'allègement des bouteilles en verre et en plastique.

 Parmi les blocages constatés :
 Une collecte beaucoup moins performante en ville qu'à la campagne. Il est vrai que les modes de collecte sont différents. Ainsi, de nombreuses collectivités ont mis en place une collecte en apport volontaire, y compris pour les ordures ménagères ; ce qui oblige quoi qu’il en soit, à se déplacer au point de regroupement des déchets constitués de conteneurs dédiés à la collecte sélective et d’immenses bacs pour les déchets résiduels… Un système que l’on ne constate que dans de zones à habitat dispersé…
 Mais aussi des coûts de collecte très disparates et des aides versées (à la performance) qui le sont tout autant. Eric Brac de la Perrière relevant que les subventions s’étalonnent de 4 à 17 euros par habitant à l’échelle nationale, mais que l’on constate le même écart, entre collectivités similaires : de 5 à 15 euros par habitant pour les villes… Des constats qui nécessiteront la mise en oeuvre d’études d’optimisation… Eric Brac de la Perrière ne manquant pas de rappeler par ailleurs que ces études d’optimisation menées par 362 collectivités de 2005 à 2011 (et soutenues à hauteur de 36 millions d’euros par l’éco-organisme) n’ont que trop peu débouché sur des plans d’actions concrets.

On ne sera pas surpris de réentendre que l’Allemagne est bien placée dans le palmarès…Notre voisin affiche un taux de recyclage de 74% avec une densité de population de 231 hab/km² (contre 112 dans notre pays). L’Espagne, n’est pas mal placée avec un taux de recyclage de 68% pour une densité de population de 86 habitants /km²… Quant à la Belgique… elle est en tête avec 85% de taux de recyclage et une densité de 360 habitants/km².
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que non seulement la collecte sélective et le recyclage des emballages y sont performants, mais qu’en plus, les coûts de tri et de collecte y restent raisonnables : 438 euros par tonne pour les emballages légers contre 489 €/t en France et 49 €/t pour le verre contre 92 €/t.
De plus, ces coûts moyens (calculés par l’éco-organisme à partir des données provenant de 500 collectivités rassemblant environ 30 millions d’habitants) ne laissent évidemment pas apparaître des extrêmes, lesquelles s’étalent de 300 à 690 €/t pour les emballages légers et de 44 à 163 €/t pour le verre !!!
« Anormal d’avoir à constater une telle dispersion au sein de groupe de collectivités disposant d’un profil similaire», indique Eric Brac de La Perrière. Pour lui, c’est clair : l’un des facteurs expliquant ces écarts de coût entre la France et la Belgique est incontestablement la place qu’occupe la collecte en porte-à-porte en France, y compris lorsque la densité de population ne justifie pas nécessairement cette pratique, jugée aujourd’hui comme quais luxueuse. Or, 360 hab/km² vs 112 hab/km² ne doivent pas générer les mêmes politiques de collecte…

 Sauf que ce n’est pas ce qui nous a été dit, redit pour ne pas dire rabâché, pendant plusieurs années, il y a quelques années. A l’époque, s'il est vrai qu'Eric Brac de la Perrière n’était pas aux manettes, il est tout aussi évident que le message martelé par Eco-emballages était clair : hors la collecte en porte à porte, point de salut… Les collectivités locales étant sollicitées d’importance afin qu’elles mettent en place ce qui était présenté comme LA solution qui donnerait les meilleurs résultats. Ceci, en dépit des nombreuses remarques et démonstrations tendant à prouver que le porte à porte coûte en moyenne 4 fois plus cher que l’apport volontaire avec, souvent, une baisse sensible de la qualité de ce qui est récolté, notamment pour le verre…
Ce n’est qu’en mai 2006 si notre mémoire est bonne qu’Eco-emballages a commencé à évoquer du bout des lèvres, à demi-mots discrets, que l’idée n’était peut être pas aussi géniale et adaptée qu'il avait semblé, et à accorder qu'elle est en tout cas très coûteuse pour le contribuable…

Dans ce contexte, l’éco-organisme souhaiterait être « associé à l’élaboration des plans d’optimisation des collectivités, pouvoir tester divers dispositifs avec les collectivités, recenser d’ici 2016 les bonnes pratiques, en vue de leur diffusion par la suite », indique Eric Brac de la Perrière.
Le directeur général indique également qu’il faudrait pouvoir remédier à « un recyclage trop faible du plastique » (46% pour les bouteilles et flacons et 22% pour l'ensemble des plastiques) : l’expérimentation nationale en cours devrait pouvoir apporter des postes à explorer ; il s’agira aussi de d'améliorer la recyclabilité des plastiques et développer de nouveaux débouchés.
De la même manière qu’on a bien noté que la densification des points d’apports volontaire des bouteilles et bocaux en verre se solde par une hausse de 20 % des tonnages en moyenne (pour une desserte passant à un point d’apport pour 400 habitants en ville et pour 600 hab. en rural).
Il va de soi que la mise en oeuvre de la tarification incitative est « l’un des outils les performants pour diminuer les charges et augmenter les recettes », avec un allié de poids pour ce faire : la mécanisation des centres de tri (un site 100 % manuel génère un tri coutant  210 €/t en moyenne, contre 120 €/t pour un site industriel et donc mécanisé).
« Il faut donc restaurer la corrélation entre les montants versés et l’optimisation du tri. La relance de la dynamique que nous appelons de nos vœux implique au premier rang les collectivités » (…) « Il ne faut pas non plus faire l'impasse sur l'optimisation des coûts des centres de tri, des outils qui sont au centre du dispositif », a conclu Eric Brac de La Perrière.