Recyclage du CO2 : une nouvelle approche
Convertir du dioxyde de carbone (CO2) pour obtenir une classe de molécules à la base de la fabrication de textiles, médicaments et colles : c'est le défi d'une équipe de chercheurs du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) et du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), dont les travaux viennent d'être mis en ligne. Alors que les ressources pétrolières deviennent insuffisantes et qu'il faut limiter les émissions de CO2 associées à leur usage, l'utilisation de ce déchet pour produire des composés chimiques réutilisables est une alternative prometteuse à la pétrochimie...
Le CO2 est le déchet ultime de la combustion des hydrocarbures, tels que le pétrole ou le gaz naturel, mais aussi de toute autre activité industrielle utilisant des ressources carbonées fossiles. Il s'accumule dans l'atmosphère et, en tant que GES, participe au réchauffement climatique. Réduire les émissions de dioxyde de carbone et utiliser le CO2 existant sont donc 2 défis actuels majeurs. La solution pour répondre d'un coup à ce double défi serait de trouver le bon procédé capable d'apporter suffisamment d'énergie pour fonctionnaliser la molécule de CO2 et la convertir en carburant ou en consommable chimique, issus aujourd'hui des produits pétroliers.
Jusqu'à présent, 2 approches étaient régulièrement privilégiées pour recycler le CO2 : la première consistait à incorporer le dioxyde de carbone dans des matériaux sans valeur énergétique (comme les plastiques à base de polycarbonate par exemple) ; la deuxième approche visait à utiliser le CO2 comme vecteur énergétique, pour produire de nouveaux carburants (l'acide formique et le méthanol). L'inconvénient de ces 2 procédés, bien distincts, est qu'ils permettent de produire un nombre très limité de molécules et que la majorité des produits de base de l'industrie chimique reste issue de la pétrochimie.
Aujourd'hui, grâce aux recherches menées par l'équipe du CEA/CNRS du SIS2M (Service Interdisciplinaire sur les Systèmes Moléculaires et les Matériaux - voir ici), une approche alternative est possible. Selon un procédé chimique original, la voie proposée vise à incorporer des molécules de CO2 dans des matériaux, tout en lui fournissant de l'énergie. Il est à noter que la réaction mise au point repose sur une source d'énergie d'origine chimique. Cette démarche, qui permet dans le principe de produire une grande diversité de molécules, a été validée par les expériences conduites cette année dans les laboratoires de l'unité mixte de recherche CEA/CNRS. Il est désormais ainsi possible de convertir du CO2 en formamides, c'est-à-dire en molécules issues habituellement de la pétrochimie. Ces molécules sont à la base de la production de colles, de peintures ou encore de produits textiles.
La synthèse industrielle des formamides repose généralement sur des méthodes pétrochimiques, en plusieurs étapes, mettant en jeu un gaz toxique (le monoxyde de carbone) utilisé à haute température et haute pression. A contrario, la méthode de conversion du CO2 employée par les chercheurs du CEA/CNRS répond aux exigences de la chimie "verte", du fait qu'elle s'effectue en une seule étape et que l'utilisation d'un catalyseur permet à la réaction d'avoir lieu à basse température et à basse pression. De plus, le catalyseur utilisé est purement organique, ce qui évite le recours à des matières métalliques toxiques et coûteuses, comme l'or, le platine ou le cobalt. Enfin et grâce à ce procédé, la réaction peut s'effectuer sans solvant et limiter ainsi le rejet de déchets.
Cette nouvelle voie pour le recyclage du dioxyde de carbone pourrait contribuer à résoudre le problème de la raréfaction des ressources pétrochimiques et à la réduction des GES. La réaction mise au point reposant actuellement sur une source d'énergie d'origine chimique, le prochain travail des chercheurs vise à réussir la conversion du CO2 à partir d'une source d'énergie électrique décarbonée telle que l'énergie nucléaire ou photovoltaïque. Validé en laboratoire, ce procédé ouvre la voie à de nombreux développements technologiques et industriels, indispensables pour répondre aux contraintes économiques et écologiques auxquels doivent faire face les sociétés industrialisées.