Recyclage et économie circulaire : comment s'en sort l'Europe ?
Le 22/03/2018 à 13:30
Recyclage et économie circulaire : comment s'en sort l'Europe ? Cet hiver, la Commission Européenne a publié une communication sur un cadre de suivi pour l’économie circulaire, accompagnée d’un document de travail de ses services. Pour appuyer cette initiative, Eurostat (l’Office statistique de l’UE) a lancé une nouvelle page sur son site web consacrée à l’économie circulaire, qui présente l’ensemble des indicateurs du cadre de suivi, fait l’objet de mises à jour sur la base des dernières données disponibles et comporte des outils de visualisation (voir ici). Objectif : mesurer les progrès accomplis dans ce domaine en englobant les différentes dimensions à tous les stades du cycle de vie des ressources, des produits et des services (production, gestion des déchets, matières premières secondaires, etc.)...
"Le cadre de suivi de la Commission est un outil essentiel qui permet de mesurer les progrès accomplis et de couvrir les différentes phases de l’économie circulaire dans l’UE et dans les Etats membres. Grâce à celui-ci, il sera possible de déterminer si les initiatives stratégiques existantes contribuent efficacement à atteindre les résultats escomptés et de mettre en évidence les domaines dans lesquels des mesures supplémentaires sont nécessaires. Cet outil constitue un appui crucial aux efforts déployés par l’UE pour favoriser une économie durable, à faible intensité de carbone, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive", explique la Commission.
Le cadre s’articule autour de 4 grands thèmes : production et consommation ; gestion des déchets ; matières premières secondaires ; compétitivité et innovation. Un certain nombre d’indicateurs plus spécifiques ont été recensés pour chaque thème : le thème de la production et de la consommation traite des questions de l’autosuffisance de l’UE en matières premières, des marchés publics écologiques, de la production de déchets et des déchets alimentaires ; les indicateurs relatifs au thème de la gestion des déchets portent sur la part des déchets recyclés dans l’ensemble de l’économie et les flux de déchets spécifiques ;
le thème des matières premières secondaires est axé sur la mesure de la contribution des matières recyclées à la demande en matières premières et l’analyse du commerce des matières premières recyclables ;
enfin, le thème de la compétitivité et de l’innovation s’attache à établir une estimation chiffrée des investissements privés, des emplois et de la valeur ajoutée brute, ainsi que des brevets liés aux recyclage et aux matières premières secondaires.
D'après les chiffres analysés, la production de déchets municipaux par habitant dans l'Union a chuté de -8% entre 2006 et 2016, pour atteindre une moyenne de 480 kg par habitant et par an. Cependant, de grandes différences sont observées entre les Etats membres (entre 250 et 750 kg par habitant par an), et la production de déchets municipaux continue d’augmenter dans plusieurs d’entre eux. "La quantité de déchets produits est toujours en partie corrélée au PIB par habitant. Il est donc positif de constater que les données relatives à la production totale de déchets par unité de PIB (déchets industriels et commerciaux inclus, mais à l’exclusion des principaux déchets minéraux) ont baissé de -11% depuis 2006", souligne Eurostat.
La réduction du gaspillage alimentaire recèle un énorme potentiel d’économie des ressources utilisées pour la production des denrées que nous consommons. Ce gaspillage a lieu tout au long de la chaîne de valeur : lors de la production et de la distribution, dans les magasins, les restaurants, les services de restauration, et au sein des ménages. Il est de ce fait particulièrement difficile à quantifier. Selon les premières estimations d’Eurostat, le gaspillage alimentaire dans l’UE a diminué, passant de 81 à 76 millions de tonnes (soit environ 7% de moins) entre 2012 et 2014, ce qui équivaut à une diminution de 161 à 149 kg par habitant.
Dans l’ensemble, on constate que la gestion des déchets évolue de manière favorable en Europe, mais laisse place à des marges d'amélioration et fait apparaître des disparités entre Etats membres et entre flux de déchets. Entre 2008 et 2016, les taux de recyclage des déchets municipaux dans l’Union sont passés de 37% à 46%. 5 Etats membres recyclent plus de la moitié de leurs déchets municipaux, tandis que certains pays sont en passe d'atteindre l'objectif de 65% de recyclage à l’horizon 2030 proposé par la Commission 22. Toutefois, 5 Etats membres se situent toujours sous le seuil des 25%.
Entre 2008 et 2015, les taux de recyclage des déchets d’emballage ont également augmenté dans l’Union, passant de 62% à 66 %. Cette augmentation s’est vérifiée dans presque partout dans l'UE et, en 2015, pratiquement tous les Etats membres avaient atteint l'objectif de 55% fixé pour 2008 (la Commission a proposé un objectif de 65% d’ici à 2025 et de 75% d’ici à 2030). En ce qui concerne les emballages en plastique, le taux de recyclage moyen dans l’Union est nettement plus faible (40%), même si des améliorations ont été constatées au cours des dernières années. Le recyclage des biodéchets municipaux dans l’Union était quant à lui de 79 kg par habitant en 2016, soit une amélioration de +23% par rapport à 2007.
Les données relatives au recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E, ou DEEE) montrent que le niveau de collecte et de recyclage varie considérablement parmi les Etats membres de l’Union, ce qui indique un grand potentiel d’amélioration de l’efficacité d’utilisation des ressources et de réduction de la collecte, du traitement et du transfert illicites des déchets. En 2015, seulement 4 Etats membres ont recyclé 25 plus de la moitié des équipements électriques et électroniques (EEE) qui avaient été mis sur le marché.
Enfin, en ce qui concerne les déchets de construction et de démolition, 20 Etats membres ont indiqué qu’ils avaient déjà atteint l’objectif de valorisation de 70% fixé pour 2020. Etant donné qu’il s’agit, en poids, du flux de déchets le plus important de l’Union, le signal est très positif. Toutefois, il convient de souligner que l’objectif inclut le remblayage, une pratique qui ne permet pas de conserver la valeur des matières dans l’économie et n’est donc pas propice à une économie circulaire. En outre, il existe des différences considérables entre les Etats membres dans la communication des données.
En moyenne, les matières recyclées ne satisfont qu’environ 10% de la demande en matières de l’Union, malgré une amélioration constante depuis 2004. Pour un certain nombre de matériaux en vrac, les matières premières secondaires permettent de satisfaire plus de 30% de la demande totale en matières (par exemple, pour le cuivre et le nickel). Cependant, pour un grand nombre de matières, notamment la quasi-totalité des matières premières critiques, la contribution des matières recyclées à la satisfaction de la demande en matières premières reste faible, voire négligeable. "Cette situation peut s’expliquer par le fait qu’il n’est pas rentable de les recycler, parce que les technologies permettant de les recycler n’existent pas ou parce que les matières sont incorporées dans des produits qui restent utilisés pendant une longue période (par exemple, les terres rares utilisées dans les éoliennes)", précise Eurostat.
Par ailleurs, l’indicateur relatif au commerce des déchets recyclables indique que l’Union est un exportateur net de plusieurs grands flux, tels que les matières plastiques, le papier et le carton, le fer ou l’acier, le cuivre, l’aluminium et le nickel. Au sein de l'UE, le commerce de déchets de plastiques, de papier et carton, de cuivre, d’aluminium, de nickel et de métaux précieux a fortement augmenté entre 2004 et 2016, ce qui a permis aux opérateurs économiques de tirer avantage du marché intérieur de l’Union pour les matières premières secondaires.