Recyclage papier : Jean-Pierre Boulanger est décédé
Il avait l’œil vif, voire polisson, le « coup de gueule » facile mais savait aussi rire et faire rire, une qualité qui n’est pas donnée à tout le monde… Jean-Pierre Boulanger est décédé à l’âge de 68 ans des suites d’une crise cardiaque…
Ses obsèques ont eu lieu aujourd'hui, 25 mars en l’église Saint Pavin ; il a été inhumé au Mans, à quelques jours de son 69ème anniversaire.
Fils et petit fils de récupérateur, gentleman toujours élégant, il avait repris l’affaire familiale, accompagné en cela par sa soeur Nicole et son épouse Jacqueline. Récupérateurs dans l'âme et fiers de l'être, le frère et la soeur ont repris et fait prospérer le flambeau : ils ont développé le site de récupération de vieux papiers établi dans la zone industrielle du Mans, et puis, installé un centre de tri dernier cri, afin d’optimiser les compétences et les performances de l’entreprise… Il faut dire qu’à l’époque, bien peu nombreuses étaient les sociétés de récupération qui s’offraient de tels outils…
Connu et reconnu par ses pairs comme étant un « vrai » professionnel, il a, pendant des années, été un ardent défenseur de l’indépendance des chantiers de récupération et avait la fibre syndicale dans la peau. De fait, il a beaucoup oeuvré pour la profession...
Vice-président de Federec Ouest d’avril 1980 à septembre 1991, président du même syndicat de septembre 1991 à octobre 1998, il en était devenu l’un des trois Présidents d’honneur, aux côtés de Gérard le Gouvello de la Porte et de Philippe Le Gall.
En 1988, il avait été, aussi, pionnier en matière de collecte sélective des papiers cartons : Jean-Pierre Boulanger en effet, a été l’un des signataires du premier accord cadre unissant le député maire du Mans, Monsieur Boulard, la papeterie locale Allard, et Sarthe Recyclage (anciennement établissements Boulanger). L’objectif était, bien avant la naissance d’Eco-Emballages, de mettre sur pied un partenariat solide entre la collectivité locale (la Communauté urbaine du Mans), l’industrie papetière locale et le chantier de récupération en charge de la préparation des matières. De la sorte, et grâce à cet accord tripartite, aucun problème d’écoulement des papiers et autres emballages cartons collectés puis préparés, sans compter le soulagement pour la commune impliquée dans cette démarche, qui se voyait "allégée" d'autant.
Cette collaboration d’un genre nouveau a rencontré un franc succès dans la Sarthe et fait des "petits", ailleurs en France… C’est ainsi, vous l’aurez compris qu’est née la première collecte sélective de papiers cartons et journaux magazines en France, une notion qui a vu le jour en territoire manceau...
Des souvenirs avec Jean-Pierre Boulanger, son épouse et sa soeur, j’en ai à foison. Mais il en est un, que je tiens à vous narrer, parce que l’événement est unique dans l’histoire des professionnels de la récupération, mais aussi du fait que j’en ai été le témoin direct…
Nous sommes en 1993 : le torchon brûle entre les papetiers et les recycleurs. Le DSD allemand, premier éco-organisme a être mis sur pied, fait des ravages au sein de la récupération française de papiers cartons qui ne parvient plus à vendre le fruit de son travail. L’éco-organisme allemand permet en effet aux vieux papiers d’outre-Rhin, de déferler en France, à prix zéro, voire à prix négatif, au nom de la libre circulation des marchandises ou quelque chose de ce goût là. Dans ce contexte, les papetiers cartonniers établis en France se frottent les mains puisqu'ils n'ont plus à payer leur matière première... Au fil des mois, la déferlante allemande met à mal les entreprises françaises dans l'indifférence générale.
Jean-Pierre Boulanger est alors l’un des organisateurs d’une manifestation d’ampleur nationale. C’est une première pour les récupérateurs que de montrer ainsi leur existence, faire valoir le droit de maintenir leurs entreprises debout et dénoncer une sacrée distorsion de concurrence...
Partout, des camions quittent les chantiers de récupération, bloquent rocades et autoroutes, dans le cadre d’une opération escargot qui se déroule simultanément sur l'ensemble du territoire…
Le Jour J, Jean-Pierre est au volant d’un de ses camions et donne le ton : pas question d’être à l’arrière garde et de rester planqué dans son bureau pendant que les autres mouillent leur chemise. Objectif, Paris ! On ne va pas se contenter de bloquer Le Mans et les papeteries de la région ; il faut marquer le coup. Ne reculant devant aucun obstacle, il s'engage à ce qu'il n'y ait pas de grabuge et briffe tous les volontaires participant à cette expédition, quant à la nécessité de se faire connaître et respecter, sans pour autant se faire remarquer et tout casser.
La manoeuvre est délicate car la colère gronde…
Tout est réglé au cordeau dans le cadre de cette opération commando empreinte de civilité… Il donne le top chrono, et, au petit matin, une cohorte de camions, tous remplis de vieux papiers, quitte les alentours du Mans et prend, à petite vitesse, dans une ambiance bon enfant, la direction de Paris.
Quelques heures plus tard, les poids lourds envahissaient la capitale, déversaient leur contenu, place de l’Opéra et en d’autres lieux de prestige… avant de faire demi tour à l'heure H et s'en retourner du côté du Mans.
En ancien militaire qu’il était, il s’était assuré qu’il n’y ait aucun débordement. Et ce jour là, en raison de la parfaite exécution des consignes données et du respect du timing annoncé, il a même reçu les félicitations d’un commandant de gendarmerie…
C’est pour dire !…
C’était Jean-Pierre.
Il était aussi mon ami.