Recyclage plastiques : Skytech fait coup double
Depuis près de 6 ans, Skytech (ex APR2) présidée par Philippe Caron, financée par les fonds Xerys France et Luxembourg, développe un procédé de tri des déchets plastiques en mélange pour permettre leur recyclage à l’échelle industrielle. Elle est à ce jour productrice de différents types de plastiques recyclés, ayant des propriétés similaires à celles des matériaux vierges issus du pétrole (ABS, PS, PP).
Pour mémoire, dès sa création, AP2R s'est consacrée à la R&D en vue de mettre en oeuvre le recyclage des plastiques difficiles à recycler, en travaillant notamment sur le DEEE ; elle a mis au point un procédé breveté de séparation de polymères plastiques par triboélectricité, laquelle désigne le phénomène électrostatique créé par la mise en contact de deux matériaux de nature différente : une partie des électrons de la surface de contact d'un des deux matériaux est transférée à l'autre et ce transfert subsiste lors de la séparation.
Dès la fin des années 2000, la société présentait plusieurs applications à partir de ces matériaux recyclés, transformés en parquets extérieurs et autres objets en matière recyclée, à Pollutec. En s’appuyant sur le savoir-faire d’APR2, « la création de Skytech repose sur la volonté de donner une identité à ce travail », explique Philippe Caron.
L'entreprise, basée en Ile de France à Bonnières-sur-Seine, a inauguré une ligne de séparation des plastiques issus du traitement des DEEE et autres VHU cet été. Sa capacité actuelle est de 250 tonnes par mois. Mais elle voit grand et mise sur une production de10 000 tonnes par an en 2025, et par ligne de séparation de plastiques recyclés. « Nous nous sommes positionnés sur un marché de niche où il n'existe qu'une faible concurrence. De plus, dès lors que la qualité est au rendez-vous, un prix de marché s'établit et le débouché n'est plus un problème», explique le dirigeant, même si le recyclé n’a pas encore séduit tous les plasturgistes. Cela dit, on assiste à une évolution : « l’acceptation est en cours et la proportion de recyclé progresse, notamment pour tenir compte de la demande des consommateurs », soutient Philippe Caron. « Les cours des matériaux en plastique recyclé et les résines vierges commencent à être décorrélés ; un marché de la matière recyclée se crée, et c’est une bonne nouvelle ».
Le procédé mis en oeuvre assure la séparation, sans solvant, des granulés en plastiques produits à partir du broyat de ces déchets que les techniques de tri les plus courantes ne parviennent pas à isoler, dès lors qu'ils présentent des caractéristiques techniques similaires : la solution proposée consiste en une installation, la mise en service et l'optimisation opérationnelle du séparateur de matières plastiques par un procédé triboélectrique, une innovation pour le traitement des déchets. Elle repose sur un phénomène d’électrisation par frottement des déchets plastiques qui sont ensuite triés grâce à un champ électrique intense; en d'autres termes, c'est leur capacité respective à capter des charges positives ou négatives lorsque les broyats se frottent les uns aux autres, via l'action d'un champ électrique puissant, qui assure le tri.
Dans les flux de matériaux en mélange après broyage, la plupart des plastiques dits lourds ne sont pas recyclés (ABS, PS Polystyrène, PP Polypropylène chargé). De plus, la majorité de ces plastiques sont incompatibles entre eux pour une utilisation en mélange dans la plasturgie. Le procédé apporte une solution qui permet la séparation de ces plastiques « lourds » puis leur recyclage en matières premières homologuées sous forme de granules répondant à la demande du marché. Selon ses promoteurs, il offre une capacité inédite de traitement industriel de mélanges complexes pour produire des résines à haut niveau de pureté.
L'entreprise certifie être en mesure d'isoler le PA, mais aussi de proposer des granulats d’ABS, de PS et de PP, affichant des taux de pureté compris entre 97 et 99 % (ces taux sont contrôlés dans le laboratoire de l’entreprise, cinq paramètres techniques y sont vérifiés afin de répondre aux cahiers des charges des plasturgistes (dureté, mesure de l’indice de fluidité, couleur, traction et flexion). Le 100% n'est donc pas loin, et c'est bel et bien l'objectif des équipes en place...
« Nous souhaitons, d’ici à la fin de l’année, nous équiper d’une extrudeuse pour livrer des granules à plus haute valeur ajoutée aux plasturgistes », l'objectif consistant à créer une véritable filière de valorisation de ces plastiques techniques en mélange issus de DEEE et VHU : la PME a récemment signé une convention d’aide au financement avec l’Ademe dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, d'"un montant de 2,2 millions d’euros (avance remboursable et subvention), cette aide devant assurer la continuité d’un important projet d’innovation et de R&D qui a pour objectif le perfectionnement de la technologie mise en avant.
« Dans un contexte de prise de conscience sur les enjeux de l’économie circulaire, nous sommes toujours à la recherche de projets innovants pour mettre en place la filière recyclage de demain. Le projet de Skytech répond à ces critères car il propose une solution concrète. C’est un process de séparation physique sans aucun solvant. Nous sommes particulièrement heureux d’accompagner Skytech dans ce projet structurant qui contribuera grandement à l’économie circulaire du secteur de la plasturgie et à sa dynamique » , détaille Cédric Djedovic, ingénieur à l’Ademe. Philippe Caron, réaffirmant pour sa part que l'entreprise qu'il dirige « a pour objectif de s’inscrire dans le renouveau de la plasturgie industrielle. Celle-ci est capable d’apporter des solutions innovantes et économiquement viables et nous souhaitons que notre projet en fasse pleinement partie. Nous remercions vivement l’Ademe pour ce soutien qui nous est précieux pour renforcer davantage encore notre capacité à innover », tandis que Jérôme Le Conte, Administrateur de la société, représentant des Fonds Xerys souligne : « que Skytech apporte des solutions et des services de valorisation des plastiques au bénéfice des industriels mais avant tout répond aux préoccupations citoyennes d’une consommation et d’une gestion des déchets plus responsables. Je me félicite donc de cet accord stratégique qui permettra de contribuer concrètement à l’ambition d’une économie véritablement circulaire dans le domaine de la plasturgie. »