Recyclage : Terra Nova, à la conquête de terres vierges
Recycler les DEEE est une chose ; se spécialiser dans le recyclage des cartes électroniques en est une autre. Les béotiens pourront toujours dire qu’il n’y a qu’un pas. Il n’empêche que c’est un pas de géant qui vient d’être franchi. Pour preuve, Terra Nova, société née en 2006 dans le Nord, vient de lever plus de 8 millions d’euros auprès d’investisseurs, français et anglais, pour asseoir son activité naissante… et florissante…
Créée il y a trois ans à Isbergues dans le Pas de Calais, la société Terra Nova spécialisée dans les écotechnologies, poursuit son essor...
A la batterie, si l’on peut s’exprimer ainsi, des anciens de la société Metaleurop, Christian Thomas et Michel Trabuc qui ont créé l’entreprise en 2006, avec l’appui d’un fonds irlandais, March Capital.
De l'amertume d'un licenciement difficile à digérer est progressivement née l'idée puis l'envie de « sauver des compétences » en trouvant « quelque chose pour valoriser trente ans de métier et les savoir-faire dont regorgeait l'usine... ». Après avoir refait le monde et construit des projets et encore d'autres, tous passés en revue et au crible en compagnie d'anciens de Metaleurop, le choix des collaborateurs s'est finalement porté sur le recyclage industriel de cartes à puces. « Nous allons lancer un procédé de recyclage industriel propre et innov ant de cartes électroniques, confirme Michel Trabuc. La législation européenne va dans ce sens. Il s'agira de récupérer, pour les revendre, tous les métaux rares et précieux qui les composent : or, argent, cuivre ou étain. » Si aujourd'hui le projet est sur le point d'entrer dans sa phase opérationnelle, le chemin pour arriver à la commande récente d'un four spécial de 2,7 millions d'euros, n'a pas été de tout repos.
Début 2008, son arrêté préfectoral en poche, le duo se prend la crise des subprimes en pleine tronche : bilan, avant même de commencer, le principal investisseur irlandais retire ses billes, et le banquier, en bon banquier, prend ses jambes à son cou. « On a perdu deux ans, confirme Christian Thomas. Mais ça nous a obligé à développer en parallèle de notre recherche de capitaux, des projets de recherche-développement sur les déchets électroniques. Ceci avec un certain succès ». Ça n'est finalement que le 15 décembre que l'augmentation de capital a été actée... avec une somme qui permet d'envisager la suite de l'aventure plutôt sereinement. « Le four sera mis en chauffe le 3 janvier 2011, la production démarrera en février. On table sur 30 000 tonnes de cartes traitées par an pour commencer. Les savoir-faire d'anciens ingénieurs se mêleront à ceux des jeunes que nous recruterons fin 2010. Nous espérons créer une trentaine d'emplois. On sera dès lors la seule société au monde à utiliser un procédé spécifiquement dédié à ce type de recyclage. Si les riverains s'inquiètent ? Ils seront chaleureusement accueillis pour une visite ! Vous savez, ce sont des poussières d'or qu'on produira ici, on n'a aucun intérêt à les laisser s'échapper... »
Conseillée en effet par la société Naturéo Finance (spécialiste dédié aux secteurs des énergies renouvelables, de l’environnement et du développement durable), elle vient d'augmenter son capital de 8,1 M€ avec le concours de 5 investisseurs français et anglo-saxons: Ludgate Environmental Fund (3M€), Aurinvest 2 (2,5M€), Lewis Trust Group (1,3M€), BNP Développement (0,8M€) et Finorpa (0,5M€).
Additionnée à un soutien bancaire de 5,5 M€ et institutionnel via des subventions (locales, régionales, nationales et européennes), l'entreprise est en mesure de continuer à avancer et donc d'embaucher...
Car cette levée de fonds n'est pas sans objet. Son objectif est de financer la phase industrielle du recyclage des cartes électroniques, un procédé innovant inventé et breveté par Terra Nova, et de recruter une trentaine de personnes dans les 12 prochains mois. La phase de montage doit durer un an en viron pour un démarrage des installations programmé pour janvier 2011.
Cette installation sera la première au niveau mondial à être dédiée au recyclage des cartes électroniques. Terra Nova dispose d’une autorisation préfectorale pour traiter 30 000 tonnes de cartes par an.
« Notre stratégie est de développer de nouveaux process pour traiter des déchets de plus en plus complexes et de plus en plus riches. Notre savoir-faire et notre force sont de pouvoir accompagner, grâce à notre équipe d’ingénieurs métallurgistes, un projet de la phase laboratoire jusqu’à l’industrialisation. Le cas des cartes électroniques est la démonstration d’un déchet qui finissait en décharge et qui se révèle plus riche que n’importe quel minerai. Et ce n’est pas un cas isolé », explique volontiers Christian Thomas, Président de Terra Nova...
L’unité d’Isbergues deviendrait donc tout prochainement, la première société spécialisée dans le traitement et la valorisation des cartes électroniques, ce qui complèterait à merveille la valorisation des D3E à laquelle il manquait un maillon d'importance...
Spécialisée dans le traitement des métaux rares, spéciaux ou précieux, elle développe des programmes de R&D. C’est ainsi qu'elle a vendu à un des premiers producteurs mondiaux de zinc, une technologie originale de récupération de l’indium issu de son process. D’autres programmes sont en cours, comme l’extraction de l’indium et des cristaux liquides contenus dans les écrans plats ou la valorisation des terres rares. Cet aspect des choses ne pourra que leur susciter de la sympathie car pour l’heure, les écrans plats (ordinateurs et TV, dont la durée d vie est beaucoup plus courtes que les appareils à tubes cathodiques) sont réputés difficiles à recycler…