Recyclage textiles : la seconde vie mouvementée des vêtements usagés
D'un coup de cutter, deux hommes révèlent le contenu de sacs plastiques bien garnis. Ils écartent les pièces les plus imposantes, comme les couvertures, et déversent le reste sur un tapis roulant.
Les vêtements défilent rapidement devant une dizaine de salariées. Chacune se charge de quelques catégories: le presque neuf, les blousons, les vêtements chauds pour enfants etc. Elles sélectionnent leurs pièces et les expédient dans le bac grillagé correspondant.
"Nous leur recommandons de ne pas faire le tri en fonction de leur goût personnel. Si le vêtement a été acheté, c'est qu'il a plu à quelqu'un et peut plaire à nouveau", indique Emmanuel Pilloy, qui pilote Le Relais Nord-Est-Ile-de-France.
Pas de critères de style donc, mais de qualité, de saison et d'âge. Les pièces en meilleur état, environ 10% du total, vont être revendues à petits prix en France. Car Le Relais, créé en 1994, employant environ 2 200 personnes, exploitant une vingtaine de centres de tri, a d'abord et depuis toujours, fixé son objectif : créer de l'emploi et d'oeuvrer en faveur de l'insertion de personnes en difficulté. Le réseau collecte et traite à ce jour près de 150.000 tonnes de textiles par an, ce qui en fait un acteur majeur dans ce secteur.
A l'heure où la France s'interroge sur la gestion de ses déchets, plusieurs chantiers restent à mener en ce qui concerne le textile. "Il y a un gisement important à récupérer dans la poubelle" des particuliers, commente Emmanuel Pilloy. On estime qu'environ un tiers du textile mis sur le marché français est collecté. Près de 240.000 tonnes ont été récupérées en 2018, selon l'éco-organisme Eco-TLC.
Les vêtements dans un état correct sont compressés en lots imposants avant d'être exportés en Europe de l'Est (10%) ou en Afrique (40%). Destination: le Burkina Faso, Madagascar ou le Sénégal, où le Relais possède des antennes locales, qui emploient un millier de personnes.
La pratique, courante en France et dans les pays occidentaux, ne fait pas l'unanimité.
"On a tendance à se dédouaner en pensant que tout ce qu'on donne va être réemployé auprès de personnes dans le besoin", analyse Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Ethique sur l'étiquette. Or, "il y a des pays de tradition textile, notamment en Afrique, où ces vêtements de faible qualité viennent concurrencer une industrie et un savoir-faire locaux", d'où sa recommandation de plutôt "cesser de surconsommer".
Les habits tachés ou troués sont exclus. Leur destin: devenir des chiffons et faire briller des machines industrielles. Sur une plateforme en hauteur, deux femmes passent les recalés sous une lame afin de réduire leur taille et d'obtenir un tissu uniforme. En quelques secondes, un jogging gris pour enfant est séparé de son élastique et de son motif en strass.
Une exception est faite pour les jeans. Les vieux pantalons sont expédiés sur un autre site français, où ils sont déchiquetés et convertis en un isolant gris bleuté.
"On n'imagine pas forcément tout ce qu'il y a derrière ces dons et tout ce qu'on peut en faire", ajoute Emmanuel Pilloy.
"Si nous voulons avoir une stratégie de long terme qui crée de l'emploi, il faudrait construire une filière industrielle française pour assurer le recyclage des vêtements et trouver des débouchés à ces matières", estime quant à lui, Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, qui regroupe 26.000 commerçants.